Robert Klein n'est pas du genre à rester les bras croisés devant le destin. Au tournant des années 2000, lorsqu'il a appris que son fils souffrait du diabète et que sa mère était atteinte d'Alzheimer, l'Américain a mené une croisade peu banale qui a mené la Californie à débloquer six milliards US de fonds publics pour la recherche sur les cellules souches.

Aujourd'hui, celui que Time Magazine a déjà nommé l'une des 100 personnalités les plus influentes au monde interpelle le Québec. Son message: inspirez-vous de cette expérience et investissez massivement pour libérer le potentiel inexploité de votre recherche en génomique, cette science qui plonge au coeur des gènes pour comprendre l'origine des maladies. Le moment, dit-il, n'a jamais été aussi bon.

«Votre leadership en génomique au Québec est absolument à la fine pointe de ce qui se fait dans le monde, a dit M. Klein à La Presse Affaires. D'un point de vue stratégique, vos chercheurs et vos infrastructures sont très bien positionnés pour engendrer des répercussions économiques importantes et créer un grand nombre d'emplois. Mais ces bénéfices vous échappent à cause d'une raison fondamentale: le manque de capital.»

Selon M. Klein, ce capital ne viendra pas tant que le gouvernement n'allumera pas l'étincelle avec un investissement public important.

«Il y a une opportunité pour le secteur public d'intervenir et de combler un vide. Vous avez le même problème que nous avions en Californie. En génomique comme en médecine regénérative, des domaines nouveaux et révolutionnaires, il y a un manque de capital-risque parce que les horizons d'investissement sont trop longs», explique M. Klein.

Une campagne épique

En Californie, M. Klein a réglé le problème de façon aussi unique que spectaculaire. Motivé par la maladie de son fils, ce promoteur immobilier a rédigé la «proposition 71», qui demandait à l'État de la Californie d'émettre pour trois milliards US d'obligations à long terme afin de financer la recherche sur les cellules souches. La proposition exigeait trois milliards de fonds publics supplémentaires pour payer les intérêts des obligations.

En vertu du principe de démocratie directe en vigueur en Californie, M. Klein a soumis la question aux électeurs par référendum en 2004. Aux termes d'une vive campagne qui a opposé plusieurs personnalités publiques, les électeurs ont fini par endosser l'idée.

L'affaire a conduit à la création du California Institute for Regenerative Medecine et fait converger des chercheurs du monde entier vers la Californie, en plus d'attirer du capital des donateurs et des entreprises.

L'expérience californienne montre que si le gouvernement prend le risque d'être le premier à investir, il en sort gagnant, croit Robert Klein.

«Le secteur public récolte les premiers bénéfices des investissements, dit-il. Il récolte les bénéfices des emplois et des impôts. Et lorsque les thérapies sont prêtes, il en voit les bénéfices sur les coûts du système de santé.»

Selon lui, le Québec et le Canada peuvent parfaitement répliquer l'expérience californienne avec la génomique. En visite à Québec la semaine dernière, il a même soutenu que le moment n'avait jamais été aussi bon.

Les mesures d'austérité en Europe entraînent actuellement des coupures importantes dans les budgets des chercheurs, et la même chose risque d'arriver aux États-Unis avec la volonté de réduire le déficit.

«Si le Canada augmente son niveau de soutien maintenant, vous avez la possibilité d'attirer les meilleurs chercheurs européens et américains. Vous êtes dans une position stratégique pour leur servir de bouée de sauvetage. À quel autre moment de votre histoire avez-vous été dans une telle position?» a-t-il lancé .

Afin d'attirer les chercheurs, être équitable pour les contribuables et avoir un impact significatif, le financement public devrait s'échelonner à long terme, être stable et avoir la taille suffisante pour faire bouger les choses.

-30-LA GÉNOMIQUE AU QUÉBEC500 millions investis en recherche depuis 2001

115 millions en valeur ajoutée dans la province en 2009

Des infrastructures de renommée comme le Centre d'innovation Génome Québec et Université McGill et quelques entreprises privées comme GenePOC et BD Diagnostic GeneOhm

Sources: Génome Québec et Secor