Ami ou ennemi, le livre électronique? À l'heure où une étude canadienne révèle qu'il occupe désormais 16 pour cent du marché des livres, la question se posait évidemment hier lors de l'inauguration du 34e Salon du livre de l'Estrie. Si auteurs et éditeurs reconnaissent ne pouvoir freiner le mouvement, le spectre de ce qui s'est produit dans le marché du disque hante quand même leurs pensées.

« Ce qui est inquiétant, c'est le piratage «, confie l'auteur Yves Beauchemin, parrain d'honneur du salon du livre cette année. « Récemment, mon éditeur a découvert, par hasard, que mon roman Les émois d'un marchand de café était offert gratuitement sur un site de vente par téléchargement, pour attirer la clientèle. Il a évidemment écrit au concepteur du site, qui a retiré mon livre. Mais pendant combien de semaines ai-je été un bienfaiteur sans le savoir? «

« Le problème, c'est donc le contrôle, mais pour le livre électronique, on ne pourra y échapper. Je vais sûrement en acheter un jour moi aussi. L'avantage pour un homme qui vieillit comme moi, c'est que l'on peut grossir les caractères! Et j'écoutais récemment Michel Tremblay qui racontait avoir 400 romans sur son iPad. Évidemment, je ne le vois pas avec 400 romans dans ses mains! «

« Il y a aussi une question de conditionnement. Mes fils sont nés avec l'informatique, alors que, pour moi, cela pose encore certains défis. Cela fait quand même 30 ans que j'écris à l'ordinateur, alors que, pour Le matou, j'avais une dactylo électrique! «

À la fois auteur, conseiller littéraire et ancien éditeur, Jacques Allard croit que le livre électronique permettra de joindre une autre clientèle (notamment à cause des coûts moins élevés), même si, pour lui, le papier gardera toujours son cachet. « Nous avons besoin d'y retourner après avoir fréquenté l'écran. Pas par fétichisme, mais pour la lisibilité, qui est autre. Personnellement, j'aurais du mal à me détacher complètement de l'odeur de l'encre. «

Mais lui aussi craint les ravages de téléchargement illégal. « Il faut repenser complètement la diffusion de l'oeuvre d'art. «

Pour une éditrice indépendante comme Nicole Gobeil (Éditions Campanule), le livre électronique est davantage vu comme un moyen pour accroître la diffusion et la distribution. « Ça ne m'inquiète pas! Moi aussi, j'ai acheté ma liseuse. C'est simplement une nouvelle façon qui va permettre de multiplier les débouchés, d'aller chercher un public moins intéressé. Ça peut faire une bonne différence. «

Impossible de ne pas poser la question aux représentants de la compagnie Domtar, qui tiennent justement un kiosque au Salon du livre pour vanter le papier. « Le plaisir de lire un livre page après page nous apparaît encore valable. Nous croyons qu'il y a donc de la place pour les deux. Chacun a sa clientèle «, estime Providence Cloutier, conseillère aux communications.