Le Full Flex Express Tour, une affiche écarquillée entre l'électro champ gauche (Grimes, Tokimonsta) et la saveur du mois (Skrillex, Diplo) s'arrête demain au parc Jean-Drapeau. Signe des temps: l'Electronic Dance Music fait un retour en force dans les médias et les palmarès, portée par le succès du jeune producteur californien Skrillex. Tendance lourde ou coup d'argent?

Il y a un an, le nom de Skrillex (né Sonny John Moore il y a 24 ans) n'était connu que d'amateurs de musique électronique. Des amateurs parfois inquiets de l'image que la nouvelle star donnait au dubstep, un genre musical né à Londres au début des années 2000 et caractérisé par de profondes lignes de basses fréquences inspirées du dub/reggae.

Cette musique a évolué depuis, si bien que ses artisans ont développé une panoplie de sous-genres associés au courant «bass music». L'un d'eux porte le sobriquet de «bro-step», comme dans le diminutif de «brother» - dit autrement, c'est du dubstep de mâles, avec des fréquences moyennes agressives et assourdissantes.

Le «nu-nu metal» ?

Skrillex, c'est le paroxysme «bro-step». L'apogée commerciale d'un genre, qui n'a pratiquement plus rien à voir avec ses origines. Dans une entrevue au Guardian qui a fait jaser, le vétéran de la bass music Martyn, un Néerlandais établi à Washington, affirmait que «le dubstep aux USA a pris la place du nu metal. Un rave en Amérique aujourd'hui est comme un concert de Limp Bizkit il y a dix ans». Une idée partagée par plusieurs... dont le groupe nu metal Korn qui, l'automne dernier, affirmait au Billboard: «Nous étions dubstep avant qu'on invente le dubstep» !

Soit dit en passant, Skrillex a débuté dans l'industrie comme guitariste dans des groupes punk et métal. Aujourd'hui, le son dont il se fait l'ambassadeur est l'un des succès commerciaux de la musique électronique les plus inattendus des dernières années. Une couleur musicale à tel point incontournable que même les Rihanna, Justin Bieber et autres Usher ont tour à tour tâté de ce dubstep à l'américaine sur leurs récents enregistrements.

Une affaire de gros sous

La coupe de cheveux asymétrique, les piercings et les grosses lunettes noires de Skrillex sont devenus synonymes du dubstep depuis que le musicien a profité de l'exceptionnelle vitrine des American Music Awards en février dernier. Lui qui n'a que quatre mini-albums à son actif y a remporté trois prix Grammy (Meilleur enregistrement dance, Meilleur album dance/electronica, Meilleur remix).

C'était non seulement la consécration de l'artiste, mais la confirmation du retour de l'Electronic Dance Music comme source de revenus pour l'industrie de la musique.

Live Nation Entertainement, géant de la production et de la radiodiffusion, a récemment acquis la Californienne HARD Events, gros producteur d'événements électro, et ce, quelques mois seulement après avoir avalé la Britannique Cream Holdings, autre acteur majeur. De plus, la firme CKX Inc., qui possède déjà les droits du nom Elvis Presley ainsi que les franchises American Idol et So You Think You Can Dance, a affirmé vouloir investir 1 milliard de dollars dans l'industrie de l'EDM.

Comme le rapportait le New York Times, tout ça a récemment fait dire au toujours volubile Deadmau5 que «l'EDM est devenu un navire de croisière massivement commercialisé qui coule rapidement. Tout ce qu'il me reste à faire, c'est de mettre mon gilet de sauvetage et fuir ce naufrage le plus vite possible.»

D'ici à ce que sa prédiction se réalise, on attend au bas mot 5000 danseurs demain soir au parc Jean-Drapeau.

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Le Full Flex Express Tour, demain, dès 13h, au parc Jean-Drapeau, avec Hundred Waters, Pretty Lights, Koan Sound, Tokimonsta, Grimes, Diplo et Skrillex. Infos: evenko.ca