Le délégué général du Festival de Cannes regrette ne pas avoir montré Incendies il y a deux ans. Aussi, il affirme qu'il est évident qu'à l'avenir, Xavier Dolan sera en compétition.

Le 65e Festival de Cannes commence ce soir avec la présentation de Moonrise Kingdom, le nouveau film de Wes Anderson. Pendant les 10 prochains jours, la planète cinéma vibrera au gré d'une sélection de films choisis par un homme, Thierry Frémaux. Ce dernier est évidemment entouré d'une équipe, mais le dernier mot lui appartient.

D'abord nommé délégué artistique du Festival de Cannes en 2001, Thierry Frémaux a été promu délégué général en 2007. C'est dire qu'avec le président Gilles Jacob, le directeur de l'Institut Lumière de Lyon est le grand maître des lieux depuis cinq ans. Il a le mandat de choisir la soixantaine de longs métrages retenus dans la sélection officielle, dont ceux qui concourent pour la Palme d'or. En vérité, il a aussi la tâche de dire «non» à tout le monde. Ou presque.

Dans un échange de courriels, le délégué général a bien voulu répondre à quelques questions de La Presse, notamment à propos du faible nombre de films québécois dans la compétition officielle. À une certaine époque, notre cinéma national battait pourtant pavillon sur la Croisette assez fréquemment. Entre 1972 et 1980, pas moins de sept longs métrages de chez nous ont été sélectionnés en compétition officielle. Malgré le rayonnement qu'ils obtiennent aujourd'hui sur la scène internationale, les films québécois ont plutôt eu l'occasion de se faire valoir dans les sections parallèles du grand bal cannois.

«C'est une question de tempo, d'opportunité, soutient Thierry Frémaux. Nous aimons le cinéma québécois. Un mauvais concours de circonstances ne nous a pas permis de montrer Incendies, le beau film de Denis Villeneuve, ce que je regrette, mais sinon, je crois que nous avons fait au mieux. Entre les sections parallèles et la sélection officielle, les bons films du Québec qui nous sont présentés sont en général montrés à Cannes.»

Le cas Xavier Dolan

Il y a deux ans, alors que Les amours imaginaires, de Xavier Dolan, a été présenté à Un certain regard, le délégué général avait laissé entendre que les portes du Théâtre Lumière seraient grandes ouvertes au prochain film du jeune cinéaste québécois. Dans la plupart des médias spécialisés, où l'on se prête au jeu des prévisions, Laurence Anyways était souvent pressenti pour la compétition.

Or, Thierry Frémaux a préféré programmer le film du réalisateur de J'ai tué ma mère dans la section Un certain regard. L'auteur cinéaste n'a pas caché sa déception, ni dans la presse québécoise, ni dans la presse française. Interrogé à ce sujet lors de l'annonce de sa programmation, le délégué avait déclaré qu'à 23 ans, Xavier Dolan avait encore beaucoup de temps devant lui. Thierry Frémaux réfute pourtant toute considération liée à l'âge du cinéaste dans sa décision.

«Non, pas du tout, dit-il. J'ai juste été questionné sur le film de Xavier Dolan et la raison pour laquelle il n'était pas en compétition. Question étrange. S'il n'y est pas, c'est qu'il n'y est pas, comme beaucoup de films sur les 1779 que nous avons vus. Il est au Certain regard, en très belle compagnie, avec de grands cinéastes très fiers d'y figurer. J'ai évoqué l'âge de Xavier Dolan pour dire que c'est un cinéaste brillant et qu'il est évident qu'à l'avenir, il sera en compétition. S'il avait eu plus de 100 ans comme (Manoel de) Oliveira, j'aurais moins été en mesure de parler de lui au futur.»

Une alchimie permanente

À l'heure des réseaux sociaux, le Festival de Cannes n'a jamais autant fait l'objet de rumeurs avant d'afficher les couleurs de sa programmation. Trois semaines avant l'annonce de la sélection, une fausse liste a été mise en ligne et relayée par de nombreuses personnalités médiatiques.

«Je suis un grand adepte de l'internet et je ne vois pas en lui un monstre incontrôlable. La rumeur est constitutive de la légende cannoise, donc l'internet va la faire évoluer. Après, j'espère que les «twitteurs fous» respecteront les films et n'écriront pas de façon intempestive pendant les projections.»

Le Festival de Cannes célèbre cette année son 65e anniversaire. Et trône toujours au sommet des grands festivals de cinéma, dans une classe à part. Thierry Frémaux compte bien tout mettre en oeuvre pour en maintenir le rang.

«Cannes relève d'une alchimie permanente, dont la composition magique est inconnue, sauf parfois de nous, dit-il. Je dis «parfois», parce qu'il m'arrive moi-même d'être épaté! Dans l'équipe, on a toujours à l'esprit l'idée suivante: Ne pensons jamais que Cannes est le plus grand festival du monde, mais faisons tout pour qu'il le reste.»

Pour en savoir plus, lisez le blogue de Marc-André Lussier sur Lapresse.ca/lussier