Le 28e Festival international de cinéma Vues d'Afrique réserve au Maroc une soirée complète ce soir à ExCentris. Au programme: un documentaire, un débat et un long métrage de fiction, L'amante du Rif, mettant en vedette une réalisatrice marocaine et une étudiante... montréalaise !

Planté dans un décor idyllique au sein du petit village de Chefchaouen au creux des montagnes de la chaîne du Rif, dans le nord du Maroc, L'amante du Rif est le second long métrage de Narjiss Nejjar. La réalisatrice marocaine s'est fait remarquer avec Les yeux secs, sélectionné en 2003 à la Quinzaine des réalisateurs. Elle signe ici l'adaptation plutôt libre du roman éponyme de sa mère Noufissa Sbaï, rapportant le témoignage d'une jeune et belle Marocaine qui croise beaucoup de femmes se battant pour leur émancipation.

Liberté volée

Aya (Nadia Kounda) a 20 ans. Et comme toutes les jeunes filles de son âge, elle ne rêve que de trouver l'amour, sublimé et fantasmé à souhait. Mais sa vie prendra un tournant dramatique à la suite d'une rencontre avec «Le Baron», un trafiquant de haschich de sa région qui lui volera sa virginité et, du même coup, sa liberté.

«C'est le parcours de quelqu'un d'assez proche, dont ma mère Noufissa Sbaï a raconté l'histoire à sa façon. J'ai fait une fiction d'un fragment de son livre. Dans L'amante du Rif, je suis le personnage de Noume, la cousine d'Aya, qui n'a probablement pas eu le courage d'affronter une réalité et qui a choisi de la raconter. Ce film est un peu le cri de ma lâcheté», explique Narjiss Nejjar.

L'amante du Rif est un docu-fiction sur la condition féminine, les abus au sein du milieu carcéral, le chômage et la drogue, des enjeux auxquels la société marocaine est confrontée au quotidien.

«On s'emprisonne dans des carcans que sont les codes d'honneur. Tous mes personnages sont dans un enfermement dans le regard de l'autre et c'est un peu la schizophrénie dans laquelle on vit au Maroc. Ne pas exister par soi, mais à travers les autres. On retrouve, dans mon film, une palette de personnages qui sont le reflet de la femme marocaine aujourd'hui: de la plus traditionnelle à celle qui a beau s'habiller de manière légère et virevolter en permanence, mais qui est sans cesse rattrapée par un certain enfermement», lance la cinéaste qui ne désire pas pour autant faire de son film un plaidoyer féministe.

La réalisatrice a rencontré l'actrice principale Nadia Kounda lors d'une audition pour un petit rôle à la télévision marocaine. «Elle n'a pas de limites. C'est une des rares comédiennes les plus libres que j'ai connues jusqu'à présent. Elle incarne et devient son personnage sans ligne rouge. C'est très difficile à trouver chez une actrice marocaine», précise Narjiss Nejjar.

De son côté, la jeune comédienne casablancaise de 22 ans s'est laissé charmer par des thématiques qui lui tenaient à coeur, comme l'importance du respect de la virginité avant le mariage dans la société marocaine.

«Quand j'ai lu le scénario, sachant que c'était tiré d'une histoire vraie, ça m'a vraiment touchée et poussée à faire mes recherches et à construire mon personnage. Je n'ai jamais suivi de cours de théâtre, alors pendant le tournage, je suis allée à la rencontre de quelques filles de Chefchaouen pour leur poser des questions discrètement concernant le mode de vie. Elles vivent leurs amours en cachette de leur famille et surtout de leur grand frère», explique Nadia Kounda qui étudie le cinéma à l'Université de Montréal depuis l'an dernier.