Dans Deux silences, film de Santiago Amigorena, Marie-Josée Croze interprète une femme qui, animée par un désir de vengeance, part à la recherche du meurtrier de son mari et de son fils. Après sa projection en septembre dernier à Venise, le film sort maintenant sur nos écrans. La Presse s'est entretenue avec la comédienne.

Lorsque le réalisateur argentin Santiago Amigorena a proposé à Marie-Josée Croze d'interpréter le rôle de Mary, personnage principal de son film Deux silences, il lui a dit qu'elle portait en elle la violence du personnage.

On s'étonne de cette réflexion pour le moins singulière. Mais la comédienne québécoise nous rassure d'emblée. « De se faire dire ça est un compliment pour un acteur», confie la comédienne depuis le Maroc où elle est en tournage pour un autre projet. «Santiago avait remarqué mon rôle de Celia dans le film Ararat d'Atom Egoyan. Celia avait justement une part de révolte en elle. «

Il est vrai que Deux silences propose une plongée étourdissante au fond de l'âme. On y retrouve Mary (Croze), policière de Toronto qui mène une vie heureuse avec un mari et un fils aimant, jusqu'au jour où les deux hommes de sa vie sont assassinés.

Brisée, Mary s'isole dans sa maison, coupant les ponts avec l'extérieur. Puis, petit à petit, le deuil paralysant fait place à une montée de colère et de vengeance. Menant son enquête, Mary remontera la piste d'un complice du meurtrier jusque dans un village perché dans un haut plateau de l'Argentine.

De Toronto aux tréfonds de l'Amérique du Sud, Deux silences entraîne le spectateur dans un fascinant road movie, où les paysages lunaires et les personnages singuliers que croisent Mary font écho à son propre cheminement intérieur, qui aboutira à une forme de rédemption et de pardon.

Atmosphérique

Marie-Josée Croze parle avec beaucoup de la chaleur du réalisateur. « C'est un être charmant, doux, intelligent, dit-elle. J'avais aimé son premier film (Quelques jours en septembre). Quant à Deux silences, je trouve que c'est un film très atmosphérique. Il y a peu de dialogues, ce qui laisse davantage de place aux acteurs. L'ensemble est très original. Ça ne me fait penser à rien d'autre que j'ai fait avant. «

Or, pour la comédienne, l'originalité est au coeur du choix d'un personnage. « Si ce que je lis ressemble à quelque chose que j'ai déjà vu, c'est mauvais signe «, lance-t-elle.

Plusieurs passages du film appuient l'originalité de la démarche. La comédienne souligne par exemple qu'une bonne partie de l'action se déroule à travers le regard de Mary. « Au lieu que la caméra soit tournée vers moi afin de montrer comment je réagis, elle se porte sur les autres à travers mon personnage «, dit-elle.

Pourtant, le personnage de Mary est très central. Aucun autre ne traverse l'ensemble du film. « De tenir un tel rôle est comme faire un marathon, explique la comédienne. En un sens, c'est plus facile qu'un rôle secondaire, car on n'a jamais à imaginer ce qui se passe entre deux actions. «

Par contre, Mary est constamment habitée de sentiments très durs. Entrer chaque matin dans un tel personnage est lourd. « Je me trouvais dans une place pas très confortable. Ce film est un tord-boyaux. Je ne voulais pas tout de suite me retrouver avec un autre rôle semblable «, précise Marie-Josée Croze.

Dans le film, Toronto est personnifiée par... Montréal. Comme Max Films fait partie du projet, à titre de producteur minoritaire, on a pu tourner quelques scènes chez nous. C'était en janvier 2011, alors qu'il faisait un froid de canard.

Avant cela, l'équipe s'était retrouvée en Argentine pour des scènes tournées à 4500 mètres d'altitude. «Nous vivions à 2500 mètres et tous les matins, il fallait se lever très tôt et prendre la route. Nous mettions trois heures à atteindre le plateau de tournage. J'avais mal à la tête toute la journée», se souvient la comédienne.

Mais dans un sens, ces conditions difficiles ont servi le personnage. «J'étais fatiguée et mon personnage arrivait justement au bout de son voyage», fait remarquer la comédienne.

Elle est maintenant au Maroc depuis plusieurs semaines pour le tournage d'Intersection, un film de David Marconi avec Jaimie Alexander, Frank Grillo et Charlie Bewley. «L'histoire raconte un accident de voiture survenant en plein désert. Et toutes les personnes impliquées ont des choses à cacher, dit-elle. Moi, je suis une ex-toxicomane un peu bizarre.»

Après ce tournage, Marie-Josée Croze n'a pas de projet précis. Les derniers mois ont été intenses et la comédienne, qui vit en France, a enchaîné de nombreux projets. Dès vendredi prochain, on pourra donc la voir au cinéma dans Deux silences, un film pour lequel elle a «beaucoup de tendresse et d'affection».