Auteur de plus de 100 films, le documentariste Richard Lavoie nous revient avec une oeuvre inspirée de la dégradation des vieux quais le long du Saint-Laurent. Pour d'aucuns, cet état de fait n'a aucune résonance. Mais pour les habitants des villages concernés, il s'agit de la fin d'une époque, qui ouvre la voie à l'exode des jeunes et ajoute à la mort lente de leur point d'ancrage. Nous en avons parlé avec le réalisateur.

Q - Qu'est-ce qui est à l'origine de votre projet?

R - On peut aborder un sujet par la tête, mais, dans mon cas, il faut que ça me passe par la peau. Cela fait plus de 50 ans que je côtoie les quais du Saint-Laurent. Jeune, je partais de Québec avec mon père pour aller en Gaspésie. J'ai pu voir combien il y avait de l'activité sur ces quais. Lorsqu'un quai est fermé ou détruit, il y a une forme de dégradation qui s'installe. Après le quai, ça peut être l'église, l'école, le bureau de poste qui ferment les uns après les autres. C'est tout le tissu social d'un village qui se dégrade. La dégradation des quais est une métaphore du Québec régional. Un quai qui disparaît, c'est une région qui s'affaiblit.

Q - Jusqu'où va l'importance des quais dans les villages?

R - Pour plusieurs, le quai, c'est le lieu de rassemblement, l'endroit des loisirs. C'est une source de contact extérieur, une forme de thérapie. Beaucoup de gens solitaires fréquentent les quais et y rencontrent leur alter ego. Au cours de mes recherches pour ce documentaire, beaucoup m'ont dit qu'ils se sont refait une santé à fréquenter les quais. Pour eux, fermer les quais signifie remplir les hôpitaux. Et il y a aussi les jeunes qui s'en approprient une partie. Ils s'y rassemblent, prennent de la bière, fument un joint en rêvant d'un monde meilleur. Déjà qu'il y a un exode des jeunes des régions, la fermeture de quais ajoute à la tristesse ambiante.

Q Existe-t-il des solutions?

R - Bien sûr! À certains endroits, comme à Sainte-Anne-des-Monts, les gens font preuve d'initiative. Ils ont réparé le quai à plusieurs reprises. J'ai seulement peur qu'à force de voir celui-ci endommagé par les éléments, ils se découragent et laissent les choses aller. Dans un village côtier du Nouveau-Brunswick, on demande aux gens de payer un dollar pour accéder au quai et l'argent sert à son entretien. Le problème est que la gestion des quais est de compétence fédérale et qu'il n'y a aucune politique d'ensemble. Tout ce qui compte est la valeur économique qu'ils peuvent représenter, et encore! Si j'ai fait ce film, c'est pour attirer l'attention des gens sur la valeur patrimoniale de ceux-ci.

Quais-Blues est présenté depuis hier à l'Excentris et au Clap à Québec.