Ça n'est pas parce qu'il n'a plus 16 ans, que le réalisateur Thierry Binisti a tiré une croix sur ses rêves d'adolescent.

«Enfant, on te dit: 'Tais-toi! Le monde ne changera pas'. J'ai vu le mur de Berlin tomber, l'accession d'un président Noir aux États-Unis, puis les révolutions arabes. C'est extraordinaire de repenser au chemin parcouru ces dernières années.»

Sans vouloir refaire le monde, ni porter de jugement sur le conflit israélo-palestinien, Une bouteille dans la mer de Gaza pose un regard neuf et sensible sur les deux réalités vécues au quotidien, en défendant l'idée qu'au-delà des différences culturelles et religieuses, des animosités et des préjugés, un terrain d'entente demeure tout à fait envisageable.

«S'il y a une opposition dans le film, elle n'est pas politique», confirme le réalisateur français, qui sera à Gatineau, aujourd'hui, dans le cadre du Festival du film de l'Outaouais, pour y présenter son long métrage au public.

«Elle se situerait plutôt entre les générations, entre ceux qui incarnent l'avant et ses préjugés - les parents - et les plus jeunes, forcés d'inventer leur avenir à partir d'une situation dont ils héritent et qu'ils n'ont pas créée», renchérit-il.

Faire oeuvre de dialogue, à défaut de faire la paix: c'est en filmant le quotidien de deux jeunes qui ne se sont jamais vus, mais correspondent par Internet de part et d'autre de la frontière, que Thierry Binisti a choisi d'adapter le roman épistolaire de Valérie Zenatti.

Tal, une jeune fille de 17 ans venue de France pour vivre en Israël avec ses parents, rédige une lettre qu'elle enferme dans une bouteille et que son frère militaire accepte de jeter à la mer. Quelques jours plus tard, elle reçoit une réponse sarcastique de «Gazaman», mais s'obstine à transcender l'âpreté des propos dans l'espoir d'instaurer un dialogue franc et découvrir la vie de «l'autre côté», situé à moins d'une centaine de kilomètres de chez elle.

«J'ai voyagé en Israël. Valérie, qui a coécrit le scénario avec moi, y a vécu. C'est donc une réalité que tous les deux nous connaissons bien. Il s'agissait ensuite de donner un visage à ce qui est moins connu du grand public, et dont la représentation provient essentiellement des médias», affirme Thierry Binisti, encore agréablement surpris des réactions du public au lendemain de la première projection à Montréal, plus tôt cette semaine.

«Des spectateurs n'imaginaient pas voir les quotidiens israéliens et palestiniens présentés ainsi», confie le réalisateur, séduit par l'idée de Valérie Zenatti de mettre en scène les deux côtés du mur dans son roman.

Le tournage n'a pas échappé aux contraintes de la situation abrasive, le scénario s'adaptant même à l'actualité des représailles entre les premiers plans tournés début 2007 et les derniers en 2009.

«Les autorisations ont été longues à obtenir, mais nous avons pu filmer à Jérusalem, jusqu'aux endroits les plus sensibles stratégiquement, puisque l'une des scènes se déroule au check-point de la frontière, indique le réalisateur. En revanche, il nous a été impossible de travailler à Gaza. Il a fallu filmer ces scènes dans des villes arabes du côté israélien.»

De la naissance du dialogue à celui du sentiment amoureux entre les deux personnages principaux Naïm et Tal, se tisse toute la force poétique de la langue française, langue adoptée pour leurs échanges épistolaires virtuels.

«Pour moi, il s'agit de la véritable thématique du film: la langue va constituer leur zone d'échange, puis deviendra un terrain d'entente, confie Thierry Binisti, qui revendique la paternité de l'idée. Au-delà du sens des mots, il y a sa musique, comprise de tous et portée dans le scénario par la poésie de Prévert.» Une thématique qui tombe à pic pour célébrer la semaine de la francophonie.

Une bouteille dans la mer de Gaza

De Thierry Binisti.

Avec Agathe Bonitzer, Mahmoud Shalaby et Hiam Abbass.

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PROJECTIONS

Aujourd'hui, 17 h, Cinéma 9, salle 2, en présence du réalisateur

Le 27 mars, 21 h, Cinéma 9, salle 2