Fond de satire politique, drame et comédie: Salmon Fishing in the Yemen est une délicieuse fable contemporaine dans laquelle Ewan McGregor et le réalisateur Lasse Hallström ont mordu à belles dents.

Entre Shame et The Ides of March, Albert Nobbs et A Dangerous Method, le feel-good moment du dernier Festival International du film de Toronto s'intitulait Salmon Fishing in the Yemen. Une fable contemporaine dans laquelle, oui, il est question de pêche au saumon au Yémen. Et si le résultat est absolument délicieux, il est bien plus que seulement cela.

«C'est un film qui, sous ses dehors amusants, comporte un commentaire politique beaucoup plus sérieux. Et c'est ce qui m'a attiré dans le projet», a indiqué le réalisateur Lasse Hallström (The Cider House Rules, Dear John) que La Presse a rencontré au TIFF et qui aime cette histoire où l'on ose imaginer le Proche-Orient embrassant l'Occident et évoquer «la possibilité que l'impossible devienne réalité». «Nous avons tous besoin de rêver l'impossible», dit-il.

Et puis, il y a ce mélange des genres: un peu de drame et de comédie, mêlé à de la romance et enrobé de satire politique. «Le défi était de combiner tout cela à travers le film de manière à ce que cela coule et semble naturel», résume le réalisateur pour qui l'ensemble avait un parfum d'irrésistibilité.

À l'origine de Salmon Fishing in the Yemen, le premier roman de l'écrivain anglais Paul Torday. Un bouquin unanimement bien reçu par le public et la critique, où l'on rencontre Fred Jones, un scientifique au service du ministère britannique des Pêches et de l'Agriculture «qui, en quelque sorte, vit «dans des boîtes»: son mariage sans amour, son travail sans passion, ses manies et obsessions», explique son interprète à l'écran, Ewan McGregor. «Une vie fermée sur elle-même, qu'une rencontre et un défi vont ouvrir, lui permettant d'émerger.»

La promotion de la paix

La rencontre, elle est avec Harriet (Emily Blunt), la représentante d'un sheikh yéménite qui rêve d'introduire le saumon dans les oueds de son pays. Parce qu'il pourrait pratiquer, chez lui, la pêche à la mouche. Mais surtout, parce qu'il croit qu'en se répandant, cette activité pourrait promouvoir la paix et la spiritualité en son pays ravagé par les conflits internes. Bref, une utopie dont va s'emparer la porte-parole du premier ministre britannique (Kristin Scott Thomas) - qui voit là une nouvelle positive à livrer aux médias, histoire de détourner leur attention de la dernière gaffe du gouvernement.

Cet aspect-là du scénario a éminemment plu à Ewan McGregor: «C'est quelque chose dont il est important de parler. Vous savez, c'est comme au football [note: soccer], tricher fait maintenant partie du jeu. Les joueurs se laissent tomber sur le sol et se tordent de douleur comme s'ils étaient blessés, et tout le monde trouve ça normal. C'est la même chose avec les politiciens: ils mentent et personne ne s'en offusque parce que c'est «normal». Mais ça ne devrait pas l'être», fait celui qui regrette que «rien ne se retrouve dans les médias qui n'ait été altéré et poli» et qui se dit heureux que Salmon Fishing in the Yemen «se moque de cela et commente le sujet».

Humour réjouissant

Ce, avec une finesse et un humour réjouissants et très britanniques - que le réalisateur d'origine suédoise qui vit maintenant à Los Angeles rend très bien à l'écran. Pour parvenir à cela, Lasse Hallström a planté sa caméra à Londres, dans les Highlands d'Écosse et le désert marocain (qui faisait office de Yémen) ... et l'a laissé tourner: «J'utilise beaucoup de pellicule, je laisse les acteurs improviser, je donne peu de directions, mais s'ils sautent la clôture et s'éloignent du propos, je les ramène. Pour moi, le plateau est une aire de jeu, vraiment.»

Mais attention, dans ce gant de velours se trouve une main de fer qui sait ce qu'elle veut. «J'ai besoin de l'input des acteurs sur le scénario, les personnages, leur jeu. Et nous allons ainsi tous dans la même direction.» Comme des saumons remontant le courant de la rivière.

«Lasse est très intelligent, souligne Ewan McGregor. Il aime donner l'impression qu'il ne se soucie pas des choses. Puis, une fois sur le plateau, il met tout le monde tellement à l'aise et en confiance qu'il crée une atmosphère où l'imprévisible peut se produire.» Un imprévisible qui sert à merveille ce mélange des genres qu'est Salmon Fishing in the Yemen. Impossible de ne pas mordre à cet hameçon.

Salmon Fishing in the Yemen prend l'affiche le 9 mars.