Révélé au grand public grâce à Kirikou et la sorcière, le cinéaste Michel Ocelot charme petits et grands avec ses films d'animation fabriqués de façon artisanale.

Tous ceux qui, de près ou de loin, travaillent aujourd'hui dans le domaine du cinéma d'animation en France doivent une fière chandelle à Michel Ocelot. C'est en effet grâce à Kirikou et la sorcière, son premier long métrage (sorti en 1998), que la donne a changé. Le succès du film a prouvé qu'une autre esthétique, une autre façon de faire, une autre approche pouvaient aussi attirer les foules. Et être viables. Dès lors, le cinéma d'animation exploité en salle n'était plus la chasse gardée des studios hollywoodiens.

«Il en aura fallu, du temps, pour en arriver là, a expliqué récemment le cinéaste en entrevue à La Presse. À l'époque où j'ai commencé à m'intéresser à cette forme d'art, Disney pratiquait la politique de la terre brûlée. La concurrence était éliminée. Les festivals, celui d'Annecy notamment, ont joué un rôle crucial dans la mise en valeur du dessin animé de création dans les années 60, alors que nous n'en soupçonnions même pas l'existence. Ce fut une vraie révélation. On a alors découvert des films de tous styles, venus de partout, en particulier les oeuvres de l'Office national du film. L'ONF m'a fait rêver.»

Poursuivant sa démarche singulière, l'animateur propose aujourd'hui Les contes de la nuit. Bien qu'empruntant toujours la même approche artisanale, il utilise néanmoins dans son nouveau film la technologie de mise en relief. L'histoire est celle de deux enfants qui, tous les soirs, se rendent dans un petit cinéma abandonné afin de s'inventer un monde à l'aide des petites merveilles qu'ils trouvent dans cet endroit.

«Quand j'ai commencé, toutes les productions du genre portaient l'étiquette de film pour enfants, rappelle Michel Ocelot. Il y avait Disney d'un côté et les cartoons de l'autre. J'en ai un peu souffert. Je me suis toutefois accommodé de cette perception au fil des ans, au point de ne plus pouvoir m'en passer aujourd'hui. J'ai pris goût au succès avec des gens de tous les âges. Je trouve même très belle cette communion entre les générations. Les adultes ne se méfient pas, et je leur rentre dedans!», ajoute-t-il en riant.

La vertu du conte

L'une des grandes forces de Michel Ocelot réside justement dans cette faculté qu'a le cinéaste de magnifier l'imaginaire de l'enfance, tout en abordant des thèmes plus sérieux, parfois même graves.

«C'est la vertu du conte, dit-il. Je tente de fabriquer des films qui peuvent plaire à tout le monde, y compris les enfants de mon âge. Même si bien des années ont passé, je me souviens très bien de mes 10 ans. Déjà, à cet âge, j'aimais le beau, j'aimais l'humour, l'amour et les sentiments. L'expression « âme d'enfant « m'agace un peu parce qu'elle implique une notion de naïveté. Je suis aujourd'hui heureux d'être un adulte de la même façon que j'ai été heureux d'être un enfant.

«Tout le monde croit aux grands sentiments, tout le monde les espère, poursuit-il. Nous aspirons tous à une certaine rectitude morale aussi. Kirikou et la sorcière a connu un très grand succès à Medellín, en Colombie, la capitale du trafic de la drogue. Ça révèle quand même quelque chose de la nature humaine de savoir qu'un petit enfant tout pur, tout droit, peut même toucher le coeur des criminels!»

Jamais à court d'histoires, Michel Ocelot, qui a passé son enfance en Guinée, exècre le passage du temps pour une seule raison: la crainte d'en manquer.

Le sorcier

«Il me faudrait au moins 10 vies pour réaliser toutes mes idées, plaide-t-il. Contrairement à mes collègues travaillant en prises de vue réelles, qui peuvent accoucher d'un chef-d'oeuvre en deux mois, je dois consacrer plusieurs années à un même projet. J'accepte toutefois cette contrainte volontiers, parce que j'évolue dans un domaine magique. Je suis un sorcier. J'ai des pouvoirs étonnants. On part de rien et puis un jour, des personnages fabriqués avec des bouts de ficelle prennent forme et suscitent l'émotion.»

L'auteur cinéaste compte d'ailleurs revenir bientôt à ce qu'il appelle ses «bouts de papier».

«J'en ai très envie, assure-t-il. J'aime dessiner, fabriquer des personnages, les faire vivre. Je vois beaucoup plus de magie dans les techniques artisanales que dans les images de synthèse créées par ordinateur. Cela dit, toutes les techniques m'intéressent. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle j'ai utilisé la 3D ici.»

Présenté quotidiennement dans le cadre du 15e Festival international du film pour enfants de Montréal (du 3 au 11 mars), le nouveau film de Michel Ocelot est présentement à l'affiche.

Les frais de voyage ont été payés par Unifrance.