Café de Flore, Monsieur Lazhar ou encore Starbuck comptent parmi les candidats les plus souvent cités de la prochaine soirée des Prix Génie, qui aura lieu le 8 mars.

Mais en jetant un coup d'oeil à la liste des finalistes aux «Oscars canadiens», dévoilée il y a une semaine, on constate que d'autres films québécois, tels les excellents En terrains connus de Stéphane Lafleur et Le vendeur de Sébastien Pilote, sont curieusement absents de la course.

Tout comme Mario Saint-Amand (Gerry), qui devrait logiquement disputer à Gilbert Sicotte le prix du meilleur acteur à la prochaine Soirée des Jutra. Les deux comédiens ne se retrouvent pas parmi les finalistes des Prix Génie dans la même catégorie. Pourquoi donc?

Parce que contrairement à la Soirée des Jutra, à laquelle tous les films ayant pris l'affiche au cours de la dernière année sont admissibles, il faut soumettre les candidats à la soirée des Génie, en payant des frais d'inscription.

Mario Saint-Amand a été déçu d'apprendre que Gerry, dans lequel il tient le rôle principal, n'avait été retenu dans aucune des catégories des Prix Génie. Il a été d'autant plus déçu d'apprendre que le film sur la vie de Gerry Boulet, réalisé par Alain Desrochers, était absent de la remise de prix canadienne parce qu'il n'y avait pas été inscrit par son producteur, Christian Larouche.

«J'ai été étonné de constater que l'on avait si peu d'intérêt à faire valoir les artisans du film, que ce soit les acteurs, les gens du décor ou de la coiffure et du maquillage», dit Mario Saint-Amand, qui regrette le «manque de respect et de reconnaissance» du producteur de ce film doté d'un budget de 6,2 millions.

Christian Larouche se défend de ne pas avoir voulu inscrire Gerry au Prix Génie (il lui en aurait côté 4000$) et se dit lui aussi «très déçu» de la tournure des événements. Il prétend ne pas avoir été avisé à temps par l'Académie canadienne du cinéma et de la télévision des délais d'inscription et invoque des problèmes d'éthique (la présence de la soeur du réalisateur sur un jury) pour expliquer l'absence du film scénarisé par Nathalie Petrowski à la soirée strass et paillettes du cinéma canadien.

«Je suis surtout déçu pour Mario. Il aurait eu sa chance d'être finaliste dans la catégorie du meilleur acteur», dit le producteur, qui a connu des soucis financiers au cours des dernières années, notamment avec sa compagnie de distribution, Christal Films.

À l'Académie canadienne du cinéma et de la télévision, on dit avoir eu plusieurs échanges avec Christian Larouche à propos de l'inscription de Gerry, mais que malheureusement, celle-ci n'a pu se faire dans les délais prescrits, en novembre dernier. Bref, de part et d'autre, on se renvoie la balle...

Christian Larouche n'est pas le premier ni le seul producteur québécois à ne pas soumettre un film au jury des Prix Génie. Les frais d'inscription à ce gala, qui dépendent des budgets des films et varient de 600$ à 4000$, découragent depuis quelques années certains producteurs du Québec de concourir à Toronto.

C'est en raison d'un épuisement de leur budget (de quelque 2,8 millions) que les producteurs de l'ACPAV ont décidé de ne pas soumettre Le vendeur à la soirée des Prix Génie. Le premier long métrage de Sébastien Pilote a pourtant bien des chances de se retrouver parmi les finalistes au prix du meilleur film du gala des Jutra, qui aura lieu trois jours après celui des Prix Génie.

On y retrouvera peut-être aussi En terrains connus de Stéphane Lafleur, un autre film qui n'a pas été soumis aux jurys des Génie. Chez micro_scope, le producteur d'En terrains connus, on semble avoir misé davantage sur Monsieur Lazhar, de Philippe Falardeau, qui saura aujourd'hui s'il est retenu parmi les cinq finalistes à l'Oscar du meilleur film en langue étrangère.

«C'est une question de timing. Si le film n'avait pas encore pris l'affiche au Canada anglais, s'il avait été présenté au Festival de Toronto, on l'aurait sans doute soumis. Mais on ne l'a pas fait, pour des raisons essentiellement de coûts», dit le producteur Luc Déry, en déplacement au Festival de Sundance pour Monsieur Lazhar.

Stéphane Lafleur (Continental, Un homme sans fusil), ironiquement, est tout de même finaliste au Prix Génie du meilleur montage pour Monsieur Lazhar, de son ami Philippe Falardeau. «Avec le recul, j'ai quand même des regrets, dit Luc Déry. Quand j'ai vu la liste des finalistes, je me suis dit que Stéphane aurait eu sa chance.»

Depuis la création des Jutra, il y a 14 ans, l'industrie du cinéma québécois accorde beaucoup moins d'importance aux Prix Génie, qui ont peu de rayonnement au Québec (comme du reste ailleurs au Canada). Distributeurs et producteurs semblent s'accorder pour dire que ces récompenses, malgré leur relatif «prestige», ont peu d'impact sur les recettes aux guichets de leurs films.

Il est d'ailleurs loin d'être certain que les films québécois domineront la soirée des Génie cette année, comme c'est souvent le cas, notamment grâce à Incendies (2011) et Polytechnique (2009) de Denis Villeneuve. Café de Flore de Jean-Marc Vallée part théoriquement en tête avec 13 citations. A Dangerous Method de David Cronenberg suit tout près derrière, et pourrait valoir à ses interprètes Michael Fassbender et Viggo Mortensen, des stars internationales, des prix d'interprétation.

À Toronto, on ne sera sans doute pas fâché de voir certains prix possiblement distribués à des films autres que québécois, afin de célébrer une industrie anglo-canadienne plutôt moribonde, en manque de publicité.

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