Une poignée de survivants d'un écrasement d'avion. Ils sont perdus dans la toundra arctique, poursuivis par des loups. À la tête de chaque «meute», un mâle alpha. Chez les humains, il est incarné par Liam Neeson. Rencontre avec des troupes qui n'ont pas froid aux yeux.

«J'aimais l'idée d'avoir un vrai homme et non un gamin jouant au dur», rigole le réalisateur Joe Carnahan, en faisant référence à sa tête d'affiche de The Grey, Liam Neeson - qui aura 60 ans en juin. Comment l'inoubliable interprète d'Oskar Schindler voit l'approche de cette borne? «Honnêtement? Ça fait chier.» Un vrai homme, ça va droit au but. Et ils étaient tout un groupe de cette espèce sur le plateau de ce thriller «de survie» qui a été tourné dans les collines à l'extérieur de Vancouver, par un mois de février froid et neigeux.

Les Dermot Mulroney, Dallas Robert, Frank Grillo et autres James Badge Dale incarnent ici des durs à cuire qui travaillent en Alaska, pour une société pétrolière. Ils sont accompagnés par un certain Ottway, là pour les protéger. Il tue les loups qui s'aventurent trop près des installations. Mais lorsque s'ouvre The Grey, sa proie, c'est lui-même. Il veut mourir. La femme de sa vie l'a quitté.

Au fil des années, plusieurs acteurs ont été attachés au projet et au personnage. Christian Bale et, plus récemment, Bradley Cooper. «Mais pour moi, ça n'avait aucun sens qu'un homme jeune pense à se suicider à cause d'une perte amoureuse. Pour un homme de l'âge de Liam, c'est plus plausible», indique Joe Carnahan. Bien sûr, la mort accidentelle de la femme de l'acteur, Natasha Richardson, dans un accident de ski survenu au mont Tremblant il y a presque trois ans, fait ici surface. «Il y a ça, mais il y a plus. Liam porte beaucoup de choses en lui, nous n'avons pas eu à discuter beaucoup pour trouver le personnage», assure le réalisateur.

D'autant plus que, au dire du principal intéressé, «tout était sur la page». «Je joue chaque scène pour ce qu'elle est; c'est à Joe et au monteur de construire l'arc dramatique avec ce qui a été tourné.» L'acteur a aimé ce scénario qui lui fait penser aux histoires épiques écrites au XIXe siècle: «Aujourd'hui, il y a tellement de récits menés grâce aux téléphones cellulaires et aux ordinateurs!»

Tournage à ciel ouvert

Rien de tout cela ne fonctionne dans The Grey. L'instinct de survie est le moteur de ces sept hommes traqués par une meute de loups. «Certains m'ont dit que les loups n'agissent pas comme nous le montrons dans le film. D'abord, j'ai fait des recherches sur le sujet. Ensuite, combien d'humains font des gestes que l'on ne croirait jamais possibles? Nous sommes partis du principe que les loups aussi pouvaient déroger à la norme», explique Joe Carnahan, qui a entraîné ses acteurs en pleine nature, plutôt que de réaliser son film en studio.

«C'était formidable d'être sur place, assure Frank Grillo (Warrior). Nous n'avons pas eu à faire semblant d'avoir froid, ce qui est très difficile à faire.»

«Il y avait un autre bon côté à cela : les journées de tournage étaient très courtes, car le soleil se couchait tôt», continue Dermot Mulroney (J. Edgar). «Et au bout du compte, à cause de ces conditions extrêmes, nous nous sommes rapprochés les uns des autres. Une véritable camaraderie nous a bientôt unis, comme cela se produit entre les personnages. Cela ajoute une couche de vérité au film», conclut Dallas Roberts (de la série A Good Wife).

On peut le voir: à l'exception de Liam Neeson, Joe Carnahan n'a pas choisi d'acteurs très populaires pour sa distribution. «J'ai engagé les gars qu'il fallait et j'ai consciemment peuplé ce film de «vrais hommes»», pouffe le réalisateur qui a la réputation de diriger ses plateaux avec une main de fer dans un gant... d'acier trempé, accompagné de cette voix de stentor qui impressionne à tous coups. «Mais sur un plateau comme celui-ci, on ne crie pas avec les gens si on veut qu'ils travaillent pour nous», dit-il.

Et c'est ce qui s'est produit: «Nous laissions chaque matin notre ego à l'hôtel... oups, je veux dire au motel», sourit Liam Neeson. Qui se dit ravi de recevoir autant de propositions à cet âge dont il préfère ne pas trop parler: «Mes fils veulent m'organiser une fête, mais, franchement, il n'y a rien à célébrer dans ça.» Et d'une épreuve de plus pour ce «vrai homme» !

The Grey (Peur grise) prend l'affiche le 27 janvier. Les frais de voyage ont été payés par Les Films Séville.