Dans le petit entrepôt de la rue Principale à Sainte-Julie, un imposant moteur de bateau repose sur le sol, en attente d'une réparation. Des boîtes de carton sont empilées tout près, et un parechoc bleu tout neuf, encore dans une pellicule plastique, attend d'être livré. La camionnette à laquelle il est destiné roule dans la région de la baie d'Ungava. Bienvenue dans le bureau satellite du village nordique de Kuujjuaq, à quelques minutes de Montréal.

C'est ici que travaille depuis 10 ans Normand-Pierre Dumont, fonctionnaire municipal responsable de dénicher et d'expédier au Nord tout ce dont l'appareil municipal a besoin, «du papier de toilette à la pelle mécanique».

Une pièce brise sur un tracteur? Les douches des camps de construction font défaut? On envoie une demande à M. Dumont, qui se charge de trouver ce qu'il faut auprès de son réseau de 400 fournisseurs, dans les environs de Sainte-Julie, mais aussi ailleurs au Québec ou aux États-Unis.

Plusieurs actifs

La municipalité de 1600 habitants, la plus populeuse du Nunavik, a plusieurs actifs: un édifice municipal, deux garages et un entrepôt pour la mécanique, un centre jeunesse, une caserne de pompiers, deux camps de construction, de même que des appartements et des maisons loués à des résidents temporaires. Elle compte aussi 130 pièces d'équipement, de la petite excavatrice jusqu'à la flotte de camions, en passant par le concasseur de la carrière municipale.

Avec tout cela à gérer, M. Dumont peut parfois recevoir des dizaines de formulaires par jour. On lui demande de trouver une pièce pour ceci, d'acheter cela, ou de faire réparer ce qui ne fonctionne plus. Sans compter les éléments qu'il doit acheter périodiquement, comme les 200 à 250 pneus de camion chaque année. «Je suis toujours au bâton», résume-t-il.

Car dans le Nord brisent des équipements que plusieurs, les fournisseurs en tête, croient impossibles à casser. «Les conditions sont tellement dures là-bas», note celui qui a mis les pieds à Kuujjuaq pour la première fois en 1984.

M. Dumont estime qu'être établi dans le sud de la province est un avantage qui fait économiser beaucoup à la municipalité.

«Je peux mieux magasiner, vérifier la qualité de ce que j'achète et consolider mes envois.» S'il achète quatre pièces auprès de quatre fournisseurs différents, explique-t-il, il est bien moins coûteux de les rassembler dans une seule grosse boîte pour le transport, plutôt que quatre petites boîtes.

Au fil du temps, il a constitué un réseau de fournisseurs qui lui permet de répondre aux besoins spécifiques et variés de Kuujjuaq. «Des bottins, j'en ai fait un pis un autre!»

M. Dumont prépare les soumissions, les analyse, place les commandes, reçoit et vérifie le matériel, l'emballe et le livre chez First Air, à l'aéroport Montréal-Trudeau, en moyenne trois fois par semaine.

De la fin juin à la fin septembre, il peut aussi recourir au bateau, qui part de Sainte-Catherine ou de Valleyfield. Dans les voyages de retour, les employés de Kuujjuaq envoient à Normand-Pierre Dumont ce qu'il faut remettre en état, comme ce moteur qui propulse un bateau de recherche et sauvetage.

Faire connaître le Nord

M. Dumont se sent une certaine responsabilité face au village. On compte sur lui, car dans une région isolée comme la baie d'Ungava, les solutions de remplacement sont peu nombreuses quand un problème survient. Dans les cas les plus urgents, et si M. Dumont peut trouver ce qu'il faut facilement, le délai pour envoyer quelque chose à Kuujjuaq peut être aussi court que 36 heures.

M. Dumont, qui prendra sa retraite en 2012, ne cache pas sa fierté de contribuer un tant soit peu à éveiller les consciences des gens du Sud, notamment chez les fournisseurs. «Mon travail permet de faire connaître et de faire comprendre Kuujjuaq», note-t-il.

À Sainte-Julie, l'affiche jaune et vert du village nordique, avec un numéro de téléphone au code régional 450, montre bien que le Nord et le Sud de la province sont davantage connectés qu'on le pense.