Marc Cassivi et Marc-André Lussier vous proposent leur liste personnelle des 10 meilleurs films de l'année. Même si aucun grand favori ne s'est détaché du peloton, en 2011, l'exercice ne s'en est pas moins révélé déchirant. Au total, 15 titres figurent au palmarès.

Ours d'or du dernier Festival de Berlin, Une séparation, de l'Iranien Asghar Farhadi, est un film remarquable sur la vie quotidienne à Téhéran. Sa femme l'ayant quitté, un homme embauche une jeune femme pour soigner son père malade. Il ne sait pas que l'aide soignante est enceinte et qu'elle travaille à l'insu de son mari, un homme bouillant aux croyances religieuses strictes. Vu par plus d'un million de spectateurs en France, ce drame poignant et fin, prégnant superbement interprété, a été présenté à Montréal dans le cadre du Festival du nouveau cinéma et prendra l'affiche au Québec le 24 février. (M.C.)

En suivant pas à pas la vie quotidienne des policiers de la «BPM» (Brigade de protection des mineurs), Maïwenn a créé la plus grande surprise cinématographique de l'année. Appuyée par de formidables acteurs, parmi lesquels Karin Viard, Marina Foïs et l'excellent Joey Starr, Maïwenn parsème sa chronique de scènes très puissantes sur le plan dramatique, tout en évitant la moindre trace de racolage émotif. Polisse reste toujours bien ancré dans la vie et distille de beaux accents de vérité. Répliques décapantes, énergie communicative, et humour en prime. Maïwenn a réussi le difficile pari du «film choral» avec grande maîtrise. Lauréat du prix du public au festival Cinémania de Montréal, Polisse prendra l'affiche en salle le 2 mars. (M-A. L.)

Huit hommes vivant dans la frugalité, de prières et de la terre, dans les hauteurs de l'Algérie. Pris entre deux feux. Entre l'armée et les terroristes, entre une envie de fuir et celle de rester. Des hommes et des dieux de Xavier Beauvois, oeuvre magnifique, sobre et sans affect, raconte les bouleversements éthiques, moraux, spirituels de ces ascètes, enlevés puis massacrés il y a 15 ans, à Tibhirine. Un film puissant, mais contemplatif, dur et austère. Une oeuvre remarquable, prenante et émouvante, philosophique, lumineuse, mystérieuse, humaniste. (M.C.)

Hunger avait déjà révélé les talents de Michael Fassbender et de l'auteur cinéaste Steve McQueen. Avec Shame, les deux artistes confirment la richesse de leur collaboration. Fassbender, dont la performance lui a valu un prix d'interprétation à la Mostra de Venise, se glisse cette fois dans la peau d'un homme souffrant d'une dépendance au sexe. Au-delà de l'aspect «spectaculaire» du thème, que l'auteur cinéaste traite sans aucune complaisance, McQueen propose ici un drame très révélateur de notre époque. Aussi subtil que bouleversant, porté par des acteurs remarquables, Shame est un film qui s'incruste sous la peau pour mieux atteindre l'âme. (M-A. L.)

L'oeuvre de Terrence Malick, Palme d'or du dernier Festival de Cannes, est une somptueuse élégie existentielle, opératique et magistrale, habilement déconstruite. Mais c'est aussi un film pompeux, froid et grandiloquent, d'une indéniable prétention, qui laisse peu de place à l'émotion et peut certainement en irriter plusieurs. J'ai été séduit par cette expérience cinématographique unique, d'une fluidité exceptionnelle. Un grand ballet visuel fait de mouvements constants d'une caméra qui glisse sur les arbres, épouse les lignes épurées des édifices, caresse les personnages et virevolte dans une succession de plongées et de contre-plongées. Un grand film. (M.C.)

La guerre est déclarée ne ressemble à rien de l'idée préconçue du «film de maladie». S'inspirant de son expérience personnelle, Valérie Donzelli fait écho à la «guerre» tous azimuts que livre un couple le jour où tombe le diagnostic tant redouté à propos de leur enfant âgé de 18 mois. Lancé au Festival de Cannes, où il ouvert la Semaine de la critique, le deuxième long métrage de Valérie Donzelli (La Reine des pommes) est à la fois aérien et tragique, drôle et bouleversant. On dénote aussi dans ce film, ponctué de musiques en tous genres, un véritable goût de cinéma. (M-A. L.)

Dans The Descendants d'Alexander Payne, George Clooney incarne un personnage fragilisé, dont la famille est en déséquilibre depuis un accident de bateau qui a laissé sa femme dans le coma. Entre le drame et la comédie noire, éclairant de subtiles touches d'absurdité la tragédie, Alexander Payne creuse davantage le sillon d'une filmographie particulièrement inspirée, avec l'esprit, la finesse et l'audace qu'on lui connaît. (M.C.)

À Barcelone, un homme qui vit de petites combines a un don: il parle avec les morts. Javier Bardem offre l'une des performances d'acteur les plus saisissantes de la dernière année dans Biutiful, émouvant et très beau film d'Alejandro Gonzalez Iñarritu (Amores Perros, 21 Grams, Babel). Bardem, on m'excusera le cliché, crève l'écran, même avec une coupe Longueuil, une veste difforme et le pantalon maculé. Rarement ai-je vu un acteur faire plus fortement sentir sa présence, son aura, son sex-appeal au cinéma. Dans l'oeil d'Iñarritu, il est électrique. (M.C.)

L'infinie délicatesse avec laquelle Philippe Falardeau aborde des thèmes graves fait le prix de Monsieur Lazhar. La grande dose d'humanité liée à la peinture du monde de l'éducation, commune aux plus belles réussites du genre (Être et avoir, Entre les murs, Dead Poets Society), confère aussi au récit son aspect poignant. En adaptant la pièce d'Évelyne de la Chenelière Bashir Lazhar, conçue pour un comédien seul en scène, le réalisateur de C'est pas moi, je le jure! a découvert de nouveaux territoires, plus émotifs. Et affiche une élégance du sentiment qui lui fait honneur. (M-A.L.)

Le plus récent film du cinéaste turc Nuri Bilge Ceylan, d'une délicieuse langueur servant à merveille son propos, a désarçonné plus d'un festivalier à Cannes en mai, où il a remporté le Grand Prix du jury. Pendant près de 90 minutes, un convoi policier cherche dans la nuit le lieu d'un crime. Il ne se passe rien d'autre, sinon la cocasserie de la situation et la philosophie des discussions qui en découle. Un film brillant, à conseiller à ceux qui, comme moi, trouvent que la lenteur et le silence sont de magnifiques mécanismes du cinéma. Il a été présenté au Festival du nouveau cinéma, mais aucune date de sortie n'est encore prévue au Québec. (M.C.)

À travers le parcours d'un petit Parisien découvrant le monde du cinéma dans les années 30, Martin Scorsese évoque évidemment sa propre rencontre avec la pratique d'un art dont il deviendra l'une des figures emblématiques. La première incursion du célèbre cinéaste dans le domaine du «divertissement familial» et du film en 3D est une grande réussite. En adaptant le roman illustré de Brian Selznick L'invention de Hugo Cabret pour le grand écran avec les technologies de pointe, Scorsese fait magnifiquement le pont avec les débuts de l'histoire du septième art. Et rend un vibrant hommage à l'oeuvre de Georges Méliès, lui-même grand inventeur en son temps. Pour un cinéphile, c'est irrésistible. (M-A. L.)

La peau que j'habite de Pedro Almodovar est du pur Almodovar, constamment entre le drame et la comédie, le burlesque et le suspense, l'excentrique et le sentimental. Un film amusant au possible qui marque les retrouvailles du cinéaste madrilène avec Antonio Banderas, en savant fou de la chirurgie esthétique. Le résultat est jouissif. (M.C.)

Dans cette comédie politique gratifiée du César du meilleur scénario, Sara Forestier (César meilleure actrice) incarne une jeune «métissée» franco-algérienne, très militante dans les causes sociales, dont l'existence est bouleversée le jour où elle tente de convertir un homme (Jacques Gamblin) qu'elle croit être un «facho de droite». Comme le titre l'indique, ce film de Michel Leclerc prend un malin plaisir à détourner les clichés en se glissant avec habileté sous le vernis des apparences. Sous des allures légères, Le nom des gens s'immisce avec intelligence au coeur des thèmes débattus présentement en France, notamment à propos de la question de l'identité nationale. Une comédie aussi savoureuse que pertinente. (M-A. L.)

Le vendeur de Sébastien Pilote est un très beau film. Fin, parfaitement rythmé, ne craignant pas les silences et les temps morts. Une oeuvre de spleen et de solitude, centrée sur un personnage fascinant, interprété avec une extrême subtilité par Gilbert Sicotte. Un premier long métrage qui happe, émeut. Un film dur comme l'hiver, qui enveloppe de sa mélancolie cette histoire d'un homme dans la dernière ligne droite de la vie. Employé modèle, champion toutes catégories de la vente d'automobiles, défini par son travail, égaré sans lui. L'un des films les plus aboutis que nous a offerts cette année le cinéma québécois. (M.C.)

La réussite de ce film en noir et blanc (et muet!), célébré depuis sa présentation au Festival de Cannes, est à la hauteur du pari - très casse-gueule - que s'est lancé Michel Hazanavicius, réalisateur des comédies OSS 117. Elle tient aussi sans doute à ces multiples références au premier âge d'or du cinéma hollywoodien, tout autant qu'au charme d'interprètes qui s'amusent comme larrons en foire. Campé à la fin des années 20 dans la capitale mondiale du cinéma, le récit tient à la fois de Singin' in the Rain et de A Star is Born. Au-delà de l'exercice de style, et du pari esthétique qui en découle (fort bien relevé), ce film délicieusement anachronique emprunte les allures d'une expérience ludique. On ne peut que craquer. (M-A. L.)

1-Une séparation, d'Asghar Farhadi (Iran)

2-Des hommes et des dieux, de Xavier Beauvois (France)

3-The Tree of Life, de Terrence Malick (États-Unis)

4-Polisse, de Maïwenn (France)

5-The Descendants, d'Alexander Payne (États-Unis)

6-Biutiful, d'Alejandro Gonzalez Iñarritu (Mexique)

7-Once Upon a Time in Anatolia,

de Nuri Bilge Ceylan (Turquie)

8-La piel que habito, de Pedro Almodovar (Espagne)

9-Le vendeur, de Sébastien Pilote (Québec)

10-Shame, de Steve McQueen (Grande-Bretagne)

1-Polisse, de Maïwenn (France)

2-Shame, de Steve McQueen (Grande-Bretagne)

3-La guerre est déclarée, de Valérie Donzelli (France)

4-The Descendants, d'Alexander Payne (États-Unis)

5-Une séparation, d'Asghar Farhadi (Iran)

6-Monsieur Lazhar, de Philippe Falardeau (Québec)

7-Hugo, v de Martin Scorsese (États-Unis)

8-Le nom des gens, de Michel Leclerc (France)

9-The Artist, de Michel Hazanavicius (France)

10-La piel que habito, de Pedro Almodovar (Espagne)