Marseille, le bruit des cigales et la grogne des ouvriers syndiqués. Avec Les neiges du Kilimandjaro (du titre de la chanson de Pascal Danel), Robert Guédiguian est bien de retour à L'Estaque, ce quartier du nord de Marseille où il a grandi et fait évoluer ses personnages, de Dernier été, son premier film, à Marius et Jeannette.

Le cinéaste y retrouve sa famille de comédiens, Jean-Pierre Darroussin, Ariane Ascaride (sa conjointe) et Gérard Meylan, près de 15 ans après leurs derniers émois dans la cité phocéenne.

«Tous les 10 ans, je fais le point sur le quartier où je suis né. Je réévalue l'état de la solidarité ouvrière, de ces pauvres gens. Je voulais donc revenir sur les lieux du crime et faire le point pour voir comment les choses ont changé», explique-t-il en entrevue.

Librement inspirée d'un poème de Victor Hugo (Les pauvres gens), cette fable politique raconte l'histoire de Michel (Jean-Pierre Darroussin), un représentant syndical d'une solidarité exemplaire, forcé à la préretraite à la suite d'une vague de licenciements, qui coule des jours paisibles aux côtés de sa compagne, Marie-Claire (Ariane Ascaride).

Le couple fête ses 30 ans de mariage entouré de ses enfants, amis et collègues, qui leur ont offert un voyage en Tanzanie. Un bonheur qui va rapidement voler en éclats en raison d'un violent braquage à leur domicile organisé par l'un des jeunes ouvriers licenciés avec Michel, qui considère pourtant ce dernier comme un petit bourgeois.

«Ce qui a changé depuis Marius et Jeannette, c'est que la division du monde ouvrier n'existait pas encore de manière aussi forte qu'aujourd'hui. Les Italiens appellent ça La guerre des pauvres», explique Robert Guédiguian.

«Ce qui est le plus difficile, c'est d'essayer de rester fidèle à ses idées en vieillissant. C'est la question que se posent les personnages du film en disant: Qu'auraient pensé les jeunes gens militants que nous étions des adultes que nous sommes devenus? «, poursuit-il.

Jean-Pierre Darroussin incarne Michel, un justicier, sorte d'hybride entre Jean Jaurès et Spider-Man, dont l'humanisme le mènera jusqu'au pardon et à l'empathie envers son agresseur. «C'est un personnage très proche de moi et de ma famille. Mon père aurait pu être comme ça, car mes parents étaient des ouvriers et j'ai été formé par cette culture-là, cette ambition d'être fier tout en étant au service d'un patron», note le comédien.

Au prochain rendez-vous

Si Robert Guédiguian travaille actuellement à l'écriture d'un prochain film sur l'Arménie, dans lequel il projette d'observer comment une communauté reste soudée sur trois générations autour de l'idée du génocide et de sa reconnaissance, il souhaite dès que possible se faire à nouveau le porte-parole des pauvres gens de l'Estaque, à condition de toujours pouvoir le faire avec sa troupe de comédiens.

«On reste fidèle à cette idée qu'on avait quand on était jeune de faire une troupe de cinéma. On a cette liberté, cette résistance de ne pas être dans le métier totalement comme tout le monde, car on est un peu les propriétaires de notre manière de travailler», explique Jean-Pierre Darroussin, qui incarnera Maître Panisse dans la trilogie de Marcel Pagnol Marius, Fanny et César, portée à nouveau l'écran par Daniel Auteuil et dont le tournage se fera à Marseille d'avril à juillet prochain.

«Pour le moment, je vais me consacrer à l'écriture de deux scénarios. Je me dis qu'il y aura peut-être un qui va plaire! Le premier parle de schizophrénie, de manière assez humoristique et surréaliste, et le second, d'un agent en communication au coeur de scandales financiers», conclut Jean-Pierre Darroussin.