Même s'il s'inscrit différemment dans la filmographie du réalisateur de Raging Bull,Hugo est bel et bien un film de Martin Scorsese. Il témoigne d'un amour inconditionnel du cinéma.

Quand vient le moment d'évoquer des histoires destinées à toute la famille, le nom de Martin Scorsese ne surgit pas automatiquement dans les esprits. Pourtant, soulignent tous les artisans de Hugo, un film en 3D prenant l'affiche aujourd'hui, nul n'était mieux placé que le réalisateur de The Departed pour évoquer sur grand écran l'univers du roman illustré de Brian Selznick, L'invention de Hugo Cabret. Ardent cinéphile, Martin Scorsese ne pouvait faire autrement que d'être sensible à un récit au coeur duquel figure un hommage aux premiers artisans du septième art. Et plus particulièrement au génie de Georges Méliès.

«Cela s'inscrit dans la logique des choses, a fait remarquer Sacha Baron Cohen lors d'une conférence de presse à New York, dimanche. Je suis convaincu que si Georges Méliès était vivant aujourd'hui, il explorerait toutes les possibilités qu'offrent les technologies, y compris celle de la 3D. Bien des gens remettent aujourd'hui la 3D en question, mais Martin prouve avec ce film que cette technologie peut avoir des vertus artistiques. Et aller bien au-delà d'un simple effet de mode.»

Comme un alter ego

Malheureusement absent de cette conférence de presse, Martin Scorsese fut néanmoins le sujet principal de toutes les conversations. À travers le parcours d'un petit Parisien découvrant le monde du cinéma dans les années 30 grâce à une rencontre inattendue avec Georges Méliès, le cinéaste évoque en effet dans ce film la magie d'un art dont il deviendra l'une des figures emblématiques.

«Quand j'ai écrit ce livre, l'idée d'une adaptation au cinéma ne m'a jamais effleuré l'esprit», concède l'auteur Brian Selznick.

Cela me semblait impossible. À cette époque, je ne pouvais imaginer qu'une histoire abordant l'histoire du cinéma muet produit en France au début du XXe siècle puisse intéresser qui que ce soit. Encore moins devenir un succès en librairie. Puis, j'a eu un choc quand Martin m'a téléphoné lui-même pour m'annoncer son intention d'en faire un film. Encore aujourd'hui, j'ai du mal à le croire!»

Pourtant, l'histoire de ce jeune orphelin ayant clandestinement élu résidence dans la grande gare ferroviaire de Paris où son père, disparu prématurément, fut horloger, a visiblement touché une corde sensible auprès des jeunes lecteurs.

Selznick rappelle sa passion du cinéma, née en outre de la recherche effectuée pour son bouquin. En remontant aux tout premiers balbutiements du cinématographe, l'auteur fut ainsi mis en contact avec les oeuvres phares de l'époque.

«Tout cela a un effet d'entraînement, explique-t-il. Les séances organisées par les frères Lumière te mènent à Méliès, qui, lui, te mène aux films de René Clair et Marcel Carné. Puis, tu découvres Vigo, Truffaut, la Nouvelle vague, etc. Une fois que tu commences, tu ne peux t'arrêter tellement la matière est riche!»

Une sensibilité française

Hugo est un film de langue anglaise dont la distribution est principalement composée d'acteurs britanniques. Le caractère français de l'histoire est toutefois évoqué par l'esprit, les inscriptions, l'environnement. Même les livres que les personnages lisent sont montrés sans traduction dans la version originale.

En aparté, le producteur Graham King a confié à La Presse que Scorsese tenait à ce que le cadre dans lequel est campé le récit soit le plus authentique possible. Dans ses moindres détails. Tant sur le plan de la langue que des décors et des objets. Le directeur artistique Dante Ferreri a d'ailleurs eu à relever le défi gigantesque de reconstituer une grande gare ferroviaire parisienne des années 30 dans les studios Shepperton, en Angleterre. Peu d'effets numériques ont été utilisés.

Aux journalistes américains qui s'inquiètent de l'aspect plus «cinéphile» d'un film d'abord destiné à un jeune public, Sacha Baron Cohen répond que Hugo est d'abord et avant tout l'oeuvre d'un artiste.

«Martin crée d'abord un film pour lui-même, pour exprimer sa sensibilité d'artiste, fait-il valoir. Il est l'un des derniers grands que nous avons. Ce qu'il fait n'a rien à voir avec des produits formatés selon la volonté de producteurs ou de groupes de discussion. Il travaille de façon artisanale. Comme Méliès.»

Hugo prend l'affiche aujourd'hui. Les frais de voyage ont été payés par Paramount Pictures.