Ayant vécu dans le monde de 24 pendant une dizaine d'années, Kiefer Sutherland ne connaissait pratiquement pas le cinéma de Lars von Trier. Pour l'interprète de Jack Bauer, cette nouvelle collaboration avec le trublion danois fut déterminante.

Kiefer Sutherland n'était pas à Cannes lors de la désormais célèbre conférence de presse au cours de laquelle Lars von Trier a tenu des propos outranciers en se déclarant «nazi». Le cinéaste danois, rappelons-le, fut ensuite déclaré persona non grata par les organisateurs du festival. «Je n'avais pu me rendre à Cannes, car je jouais au théâtre à New York au même moment, a expliqué l'acteur au cours d'une entrevue accordée à La Presse au Festival de Toronto. Mais j'ai appris ce qui s'était passé. Un ami m'a dit que je devais remercier le ciel d'avoir été pris ailleurs!»

Au-delà de cet incident, Sutherland affirme éprouver une véritable affection pour von Trier. Tant le créateur que l'homme.

«Notre première conversation s'est déroulée sur Skype. J'avais lu le scénario de Melancholia, mais il ne m'en a pas parlé du tout au cours de notre premier échange. Guère après, du reste. Il m'a simplement invité à venir au Danemark passer du bon temps et prendre un verre avec lui. Je l'ai tout de suite aimé. Il a quelque chose de très attachant.»

Cet univers créatif étranger avait d'autant plus les allures d'un monde nouveau que l'acteur ne connaissait pas du tout l'oeuvre du cinéaste.

«En fait, un ami avec qui je travaillais sur la série 24 était un grand admirateur du travail de von Trier. Il m'en parlait beaucoup. L'occasion s'est présentée [de collaborer avec le réalisateur]. L'anglais n'étant pas la langue maternelle de Lars, la première version de son scénario était toutefois, comment dire, un peu rugueuse. Puis, cet ami m'a donné à voir ses films précédents. Qui sont à mes yeux rien de moins qu'extraordinaires. Et je me suis alors rendu compte de la chance qui m'était offerte.»

Un rôle de soutien

Dans Melancholia, Kiefer Sutherland tient le rôle de John, le mari de Claire (Charlotte Gainsbourg). Le couple prépare une noce somptueuse pour la soeur de Claire, Justine (Kirsten Dunst), jeune femme de nature dépressive qui consent néanmoins à jouer le jeu parce qu'il le faut bien. Incapable d'anesthésier son mal-être, même en ce grand jour, Justine se laissera aller à des activités non prévues au programme de la journée.

À l'opposé, l'aînée s'appuie sur sa famille pour organiser son bonheur. Solide et tranquille. Mais au fur et à mesure que la menace d'une collision entre la planète «Melancholia» et la Terre devient sérieuse, les personnalités des deux soeurs changent radicalement.

«Cela ne me dérangeait aucunement de camper un petit rôle, fait remarquer Kiefer Sutherland. J'aurais été prêt à faire de la figuration pour Lars. Il fait partie de ces rares cinéastes qui pourraient tirer un scénario intéressant d'un simple annuaire téléphonique. J'ai vécu auprès de lui l'une des plus grandes expériences professionnelles de ma vie. À ce jour, je ne sais toujours pas pourquoi il m'a choisi. Je n'ai d'ailleurs jamais osé le lui demander sur le plateau, de crainte qu'il change d'idée. Je devrais peut-être lui poser la question maintenant! «

L'après 24

À 44 ans, Kiefer Sutherland est riche d'une expérience acquise au fil de près de trois décennies de carrière. «J'ai joué dans 80 films environ, et tourné 198 épisodes de 24, dit-il. Les tournages se ressemblent tous. Sauf chez Lars. Il déconstruit tout pour mieux tout réinventer, tant sur le plan du filmage que dans l'approche du jeu des comédiens. Avec lui, tu dois t'abandonner complètement. Et lui accorder une confiance absolue. Si tu résistes, ça ne fonctionne pas.»

Sutherland aime la discipline de travail. Qui lui permet aussi de «discipliner» sa vie personnelle. «24 a eu un impact profond sur tous les plans, reconnaît-il. Pendant huit ans, j'ai dû travailler sans relâche sur une base quasi quotidienne. J'ai acquis là une somme d'expérience inestimable. Je me suis rendu compte, une fois l'enregistrement de la série terminée, que je m'ennuyais de ce rythme de travail, de cette discipline. En fait, ma vie va beaucoup mieux quand je suis occupé. Je me sens alors mieux dans ma peau.»

L'acteur sera l'une des têtes d'affiche de The Reluctant Fundamentalist, le prochain film de Mira Nair (Amelia). Il tient aussi la vedette de Touch, série dramatique conçue par Tim Kring (créateur de Heroes), que diffusera le réseau Fox au début de l'an prochain.

«On pourrait croire le contraire, mais les acteurs ne l'ont vraiment pas facile aujourd'hui, commente-t-il. Je plains les jeunes qui commencent. Ils n'ont pratiquement plus de marge de manoeuvre, surtout s'ils ont le malheur de jouer dans un film ou une émission qui n'obtient pas tout de suite le succès escompté. Et puis, la téléréalité a changé la donne. Ce n'est vraiment plus évident.»

Melancholia prend l'affiche en version originale et en version française le 11 novembre.