Sam Childers, motard, ancien taulard et ex-trafiquant de drogue, a rencontré Dieu en 1992. Il a rencontré le diable en 1998, au Soudan. De cette vie comme une tempête, Jason Keller a tiré un scénario que Marc Forster a porté à l'écran: Machine Gun Preacher, qui met en vedette Gerard Butler et Michelle Monaghan. Rencontres.

«Que les gens soient d'accord ou non avec les méthodes employées par Sam importe peu. Mais une chose est sûre: son histoire doit être connue, ce film doit être vu, provoquer des discussions, des débats. Il faut lever le voile sur ce qui s'est passé et se passe encore au Soudan», s'enflammait Marc Forster (Monster's Ball, Finding Neverland, Quantum of Solace) lors de l'entrevue qu'il a accordée à La Presse lors du dernier Festival international du film de Toronto.

Un aller-retour dans la Ville reine qu'il tenait à faire, même en plein tournage à Londres, parce que Machine Gun Preacher est un projet important pour lui. Un projet qui lui est arrivé par l'intermédiaire d'un ami, le producteur Robbie Brenner. Sa première réaction: il ne pouvait pas croire que cette histoire-là était vraie. Elle l'était. Sa seconde réaction: il a accepté de se mettre à la barre du long métrage, interpellé par «le parcours d'un homme sans éducation et sans ressources financières qui est parvenu à changer des choses et à sauver des centaines d'enfants. C'est édifiant.»

Cette histoire est celle de Sam Childers. Trafiquant de drogue, motard. Pendant son dernier séjour en prison, sa femme, Lynn, s'est tournée vers Dieu. Sam a fait de même une fois sa liberté retrouvée. Il est ainsi devenu charpentier (oui, comme un autre grand prêcheur), et c'est dans l'idée d'obtenir des contrats de construction qu'il s'est rendu une première fois au Soudan, en 1998. C'est là qu'il a rencontré «le diable»: les rebelles de l'Armée de résistance du Seigneur (LRA) menés par Joseph Kony. «Ils enlèvent des enfants, font des soldats avec les garçons, des esclaves sexuelles avec les fillettes, ils torturent et ils tuent. Ils faisaient ça en 1998, ils le font encore aujourd'hui», raconte Sam Childers, que La Presse a rencontré en compagnie du scénariste Jason Keller.

C'est pourquoi l'homme de Dieu, prêcheur dans sa petite paroisse de Pennsylvanie, a pris le marteau afin de construire un orphelinat pour ces enfants; et les armes pour les protéger. «Ce que le film montre n'est rien en comparaison avec les horreurs que j'ai vues sur place», assure-t-il. Marc Forster a pourtant poussé le bouchon. Aussi loin qu'il l'a pu. «Le petit garçon qui saute sur une bombe, la fillette dont on a arraché les lèvres, les enfants tués puis entassés et brûlés... résume-t-il. Je ne pouvais pas aller plus loin: il y a un niveau à ne pas dépasser si l'on veut que les gens se déplacent pour aller voir le film.»

Et pour cela: sa tête d'affiche, Gerard Butler. Mais ce n'est pas pour cela (uniquement) que la star de 300 a obtenu le rôle. «Il s'est battu pour l'avoir, puis pour que le film soit fait, poursuit le réalisateur. Mais il a ce qu'il faut pour incarner Sam: j'ai pensé à lui très tôt dans le processus, car il est l'un des rares acteurs de Hollywood à être aussi masculin, à paraître aussi fort et solide. De plus, son passé sombre - alcool, drogues - en faisait un excellent candidat pour chausser de tels souliers.»

Expérience d'immersion

Comme Michelle Monaghan, qui incarne sa femme, l'acteur écossais a passé pas mal de temps en Pennsylvanie en compagnie des Childers. Le scénariste Jason Keller a fait de même... et plus. «Pendant une année, j'ai fait des allers-retours entre leur maison et Los Angeles, et Sam est venu me visiter à plusieurs reprises. Puis, je suis allé au Soudan, où j'ai vécu à l'orphelinat, j'ai parlé aux enfants et aux adultes qui travaillent sur place», raconte celui qui a été pris «à la gorge et au coeur» en découvrant l'histoire de Sam. Une histoire qui lui a été racontée par le principal intéressé, mais aussi par ses amis, sa famille, les soldats soudanais, les orphelins. «Tout ce qui est dans le scénario lui a été inspiré par ces témoignages, pas seulement par le mien», poursuit Sam Childers.

Mais le résultat n'est pas un documentaire, ses artisans l'assument: «Sam et moi avons eu des milliers de discussions, je l'ai consulté sur tout, dit Jason Keller. Mais vous ne pouvez pas raconter la vie de quelqu'un au cinéma sans prendre de licence dramatique. Chaque scène s'est vraiment produite ou est inspirée de ce qui s'est produit. Oui, nous avons poussé sur l'action parce que nous voulions faire un film qui soit vu par le plus de gens possible. Mais si vous parlez aux gens qui vivent là-bas, ils vous diront que ce qui se passe est pire que ce que nous montrons.»

«Ils ont posé ma vie sur une table et en ont extrait ce qui leur semblait être le meilleur», conclut Sam Childers. Satisfait du résultat? Rires. «Bien sûr. Mais ma vie est tellement mouvementée qu'il y aurait de quoi faire un deuxième film.»

P La semaine prochaine: notre entrevue avec Michelle Monaghan

Machine Gun Preacher prend l'affiche le 7 octobre.