«Il n'y a pas d'histoire ici», lance une victime à l'un des deux principaux personnages du long métrage Snow&Ashes (Neige et cendres) du réalisateur Charles-Olivier Michaud. Toute l'essence du film se résume dans la réplique de ce film portant sur le travail d'un journaliste et d'un photographe de guerre. Deux travailleurs de l'information qui défendent sans doute un autre point de vue. Celui de témoigner d'une histoire avant que celle-ci ne bascule dans l'oubli. Nous en avons parlé avec le réalisateur, un passionné de journalisme de guerre.

Plus jeune, Charles-Olivier Michaud aurait voulu être médecin légiste, espion, journaliste de guerre et bien d'autres choses. Après un début de carrière dans la finance, il a abouti en cinéma, ce qui, au fond, correspond parfaitement à son profil.

«Pour moi, le cinéma constitue un univers où l'on peut se réinventer d'un projet à l'autre, dit ce dernier qui, cet été, signait le film Sur le rythme mettant en vedette Mylène St-Sauveur et Nico Archambault. Et avant d'être cinéaste, je suis cinéphile. Je regarde tous les genres de films. Je ne vois pas pourquoi je me cataloguerais dans une seule forme de cinéma. J'ai envie d'explorer plein de sujets. Je n'ai pas de projet de trilogie à l'esprit.»

Michaud rigole à cette dernière réflexion. Il reste que derrière ce goût pour la diversité, le réalisateur a été guidé par ses intérêts personnels dans le choix de son premier projet en sortant, diplôme en poche, d'une école de cinéma de Los Angeles, à l'été 2008.

«J'avais déjà écrit un scénario sur une histoire de journaliste de guerre qui était impossible à faire. Puis, un jour, en marchant avec mon chien au bord de la rivière Chaudière à Québec, un endroit où je vais tout le temps, je me suis dit que ce serait bien d'avoir une scène avec deux journalistes courant dans une rivière. Pour Snow&Ashes, je suis donc parti d'une simple scène.»

Le film raconte l'histoire de Blaise (Rhys Coiro) et David (David-Alexandre Coiteux), un journaliste et un photographe indépendants embourbés dans un conflit en Europe de l'Est. Témoins d'atrocités, ils n'en reviendront pas indemnes. L'affaire, tout en flashbacks, aura des ricochets dans la vie de Sophie (Lina Roessler).

Une histoire humaine

C'est à la suite d'un voyage en Birmanie, où il a rencontré deux journalistes britanniques ayant vécu des expériences de guerre, que le réalisateur s'est passionné pour le genre. «Ils m'ont raconté leur histoire et j'ai trippé, poursuit Michaud. Pour moi, c'est devenu une obsession, une fascination.»

À travers l'histoire du film, il se questionne beaucoup sur les raisons motivant des journalistes à aller sur la ligne de feu. En cela, son film n'est pas un commentaire sur la guerre.

«Je n'ai pas voulu donner de leçons sur un conflit spécifique, poursuit-il. C'est vraiment une histoire humaine dans un contexte de guerre. Tous les jours, nous sommes confrontés aux images de guerre dans tous les types de médias. Mais on ne connaît jamais qui sont les gens derrière ces mots et ces images. On en connaît quelques-uns tels Anderson Cooper ou Christiane Amanpour. Mais eux, c'est le Hollywood du journalisme de guerre. Moi, j'avais envie de raconter l'histoire de journalistes plus terre à terre, indépendants.»

En eux, Michaud voit «des gens qui risquent leur vie tous les jours pour pas grand chose». «Ce n'est pas pour la gloire; on ne les connaît pas, lance-t-il. Ce n'est pas pour l'argent; c'est pas payant. C'est dangereux, ce n'est pas une belle vie (...) Il faut qu'ils aient une grande passion, un feu à l'intérieur d'eux-mêmes.»

Le journalisme de guerre n'est pas né avec les conflits marquant la dernière décennie. Il remonte loin dans le temps. René Lévesque était avec l'armée américaine durant la Seconde Guerre mondiale. Hemingway a couvert la guerre civile espagnole. Les exemples sont nombreux.

À travers le personnage de Blaise, un brin poète, le film fait un petit clin d'oeil à ces correspondants de guerre d'une autre époque. «Ce n'était pas prévu comme ça mais ça s'est imposé, lance le réalisateur. La poésie est un retour à une époque de journalistes plus nostalgiques.»

De nos jours, les correspondants de guerre deviennent eux-mêmes des cibles, constate Charles-Olivier Michaud. Écrire en grosses lettres le mot «PRESS» sur son casque ou son sac à dos n'est pas un gage de sécurité. «Il n'y a plus de règles, plus de sécurité pour eux», lance-t-il. Là-dessus, le film parle de lui-même...

Snow&Ashes sort en salle le 16 septembre, en version doublée en français au Quartier latin et en version sous-titrée en français ailleurs.

LINA ROESSLER: «LAISSÉE DERRIÈRE...»

De Sophie, son personnage dans Snow&Ashes, Lina Roessler dit qu'elle représente les gens laissés derrière. «Derrière les soldats, derrière les journalistes qui vont à la guerre, il y a des conjointes, des conjoints, des familles qui les attendent, inquiets, à la maison, dit-elle. Mon personnage est la fille qui reste en retrait et qui, par la suite, doit remettre en place toutes les pièces de l'histoire. Avec le recul, j'ai l'impression que le film parle aussi des choix qu'une personne fait au cours de sa vie. Que ce soit en matière de loyauté, d'amour ou d'amitié.»

Si ses scènes sont espacées, son personnage a du poids, dit-elle. «Je voulais que Sophie soit très présente. Je ne voulais pas qu'elle sorte de nulle part, balance ses lignes et retourne dans l'ombre. En ce sens, c'était un rôle difficile. Sous la surface, Sophie était aux prises avec des tonnes d'émotions. Il fallait rendre ce sentiment sans trop appuyer.»

La confrérie a apprécié car Mme Roessler est en nomination pour le titre de comédienne de l'année au gala de l'ACTRA (Alliance of Canadian Cinema, Television and Radio Artists) qui aura lieu le 11 septembre à la Place des Arts.

DAVID-ALEXANDRE COITEUX: «DAVID VA SUIVRE SON PARTENAIRE»

Il y a d'importantes différences entre Blaise et David, personnages principaux de Snow&Ashes, assure le comédien et producteur David-Alexandre Coiteux. «David est le gars qui va suivre son partenaire Blaise jusqu'au bout du monde, dit-il. Il va sortir son ami du pétrin. Il y a une définition claire entre leurs deux caractères.»

On n'en dira pas plus! Mais on dira que Coiteux et Michaud, qui se sont connus en Californie, ont travaillé étroitement à la réalisation du film. Ainsi, ils ont tous deux, sans se le dire, allumé sur le personnage de Billy Walsh interprété par Rhys Coiro dans la sérieEntourageavant de lui proposer le rôle de Blaise.

«J'ai tout de suite aimé le scénario de Charles-Olivier, dit Coiteux. Et je voulais jouer David. Je me suis documenté à l'organisme Reporter sans frontière. J'ai constaté comment ces gens-là sont des junkies d'adrénaline.»

Comme les autres membres de l'équipe, David-Alexandre Coiteux se réjouit que le film porte sur le travail des journalistes de guerre, un genre moins exploité. «Eux aussi peuvent revenir avec le syndrome de stress post-traumatique, dit-il. C'est rare qu'on en parle. J'ai un grand respect pour eux.»

S'il sentait le personnage de David lui coller littéralement à la peau dès qu'il enfilait son costume, Coiteux avoue qu'il ne pratiquerait pas le métier. «J'aime trop le cinéma», lance-t-il en éclatant de rire.