Cinquante mille dollars. C'est le budget total de Corrie le Seigneur, premier film d'animation de l'histoire du cinéma haïtien, qui sera présenté aujourd'hui en primeur mondiale à l'ONF. «Je n'ai pas eu de commandite, j'ai fait tout ça avec mes chèques!» affirme son réalisateur Jean-Marie Lamour.

On peut parler d'un sacrifice. Mais il faut savoir que Corrie le Seigneur avait une signification particulière pour le réalisateur.

Le film, en effet, raconte l'histoire de sa grand-tante, Corelia Lefrançois, une «folle de Dieu» qui fit la pluie et le beau temps entre 1940 et 1970, dans la région de Sainte-Suzanne, au nord d'Haïti. Folle de chagrin après avoir été trompée par l'amour de sa vie, cette grande dévote devint complètement illuminée, allant jusqu'à se prendre pour le Seigneur lui-même - d'où le titre.

Sa mission divine l'amena à faire le bien et protéger les faibles. Elle a même sauvé le cinéaste, alors qu'il crevait de faim. «J'avais six ans. J'allais mourir. Elle est arrivée de nulle part et m'a nourri. Un vrai miracle», dit-il. Mais le régime Duvalier ne voyait pas cette vocation d'un très bon oeil et la dame fut brutalisée. «Elle croyait qu'elle était le Seigneur. Elle voulait régner sur le village. Les Tontons Macoutes n'aimaient pas cela» résume M. Lamour. Comme si n'était pas assez, on raconte que Corrie ressuscita après avoir été déclarée morte...

«Oui, il y a beaucoup d'action dans ce film!», souligne le réalisateur, en riant.

Corrie le Seigneur est le quatrième long métrage de Jean-Marie Lamour. Ses trois premières productions ont été réalisées quand il vivait à Boston. Installé à Montréal depuis deux ans, le cinéaste a mis 14 mois pour réaliser ce film d'animation. L'idée lui en est venue après avoir vu Avatar. Un dessin animé lui permettait non seulement de réduire ses dépenses, mais aussi d'explorer de nouvelles avenues technologiques. Corrie le Seigneur existe d'ailleurs en version 3D, ne reste qu'à trouver la salle adéquate pour la projection.

«J'ai toujours voulu donner une touche d'Hollywood à mes films. Avec Corrie, ça commence à arriver», dit-il.

M. Lamour, 45 ans, n'a pas seulement financé Corrie de sa poche. Il a écrit le scénario, fait les dessins, l'animation et le montage avec un logiciel acheté au magasin. Quelques acteurs montréalais ont collaboré pour les voix, notamment Schelby Jean-Baptiste , Sam Abraham, Nathalie Ambroise et Myriame Jean. Leurs visages ont aussi servi de référence pour les personnages.

Bon. Le résultat est peut-être loin des films de Pixar. On est ici dans l'animation informatique de base. Mais cela n'empêche pas Corrie le Seigneur d'être une première. Venus spécialement de Boston, des représentants de la MPAH (Motion Picture Association of Haiti) lui remettront d'ailleurs une plaque pour cette réalisation samedi.

Avis aux intéressés, ça se passe à l'ONF (1564 Saint-Denis), à compter de 16h30. Musique. Danse. La projection débute à 17h.