Pour seul guide d'usage, ce «Cliquez n'importe où» écrit sur l'écran en guise d'introduction de l'oeuvre traduite en sept langues, à découvrir sur blabla.onf.ca. L'exploration du thème de la communication commence là, par l'interaction du spectateur avec le document.

Au deuxième des six chapitres de ce récit, à l'occasion touchant, apparaît un petit bonhomme, une marionnette dessinée par la conceptrice Caroline Robert et fabriquée par Jean-François Lévesque. Son animation est conçue évidemment par ordinateur, mais à partir de photographies selon la technique de l'animation en volume (stop-motion). «L'idée était de réussir à créer un lien émotif entre le personnage et le spectateur - ou l'utilisateur, l'internaute, je ne sais jamais comment décrire ça...»

Tout est à faire, tout est à nommer, dans le monde naissant des productions audiovisuelles interactives pour le web. Morisset commence d'ailleurs seulement à endosser le rôle de réalisateur dans un contexte comme celui-ci: «C'est tout nouveau que je me définisse comme réalisateur dans le domaine web. Au début, j'étais «producteur», ou «programmeur»... La notion de signer des projets web et multimédia, c'est nouveau.»

Ayant préalablement fait ses classes en cinéma et communications/multimédia, Morisset a ébranlé l'univers du vidéoclip en 2006 lorsqu'il a réalisé celui de Neon Bible d'Arcade Fire, considéré comme l'un des premiers exemples de vidéoclip musical inter-actif. Par la suite, il a coréalisé le film Miroir Noir pour le même groupe (avec Vincent Moon), puis un autre, à paraître, pour Sigur Ròs, entre autres projets cinéma et multimédia.

Sa motivation? Les interrogations inhérentes à cette nouvelle forme d'art vidéo et informatique qui interpellent d'une nouvelle manière le spectateur.

«Comment raconter différemment une histoire en utilisant ce médium? Qu'est-ce que ça amène de plus, dit-il, de présenter des images sur un ordinateur plutôt que sur un écran traditionnel? Comment intégrer la grammaire du cinéma et qu'est-ce qu'on peut récupérer de celle de l'univers des jeux vidéo?»

Autant de questions que les artisans de l'ONF - et celles de ARTE en Europe, la BBC, plus récemment CBC/Radio-Canada tentent d'élucider à travers leurs propres webdocuments - cherchent à explorer. «Ce monde est un laboratoire», note le jeune réalisateur de 34 ans.

Derrière le thème de la communication de Bla Bla s'en cache un autre, ajoute Morisset, celui du cycle de la vie, «du matin au soir, de la naissance à une espèce de mort... jusqu'à ce que ça reprenne au début du film».

Renaissance de l'ONF

Nous serons tentés de voir, avec ce nouveau succès du département interactif de l'ONF, une certaine renaissance de l'institution qui a acquis sa renommée grâce à ses productions en animation et en documentaire dans les années 50.

À l'ère du web, des webdocumentaires et autres oeuvres interactives, l'ONF retrouve le dynamisme et la curiosité qui animaient les artisans de son âge d'or tout en rendant disponible, instantanément, ses productions à un immense bassin de spectateurs-internautes. À ce propos, le premier chapitre de Bla Bla, intitulé Les Mots, par ses effets de pellicule qui saute et son formalisme, évoque les oeuvres du célèbre Norman McLaren et rappelle la «naissance» de l'institution.

Le clin d'oeil à McLaren est fortuit, mais il tombe sous le sens, concède le réalisateur.

«Ça m'a sauté aux yeux, mais une fois le film terminé, confie-t-il. McLaren m'a marqué plus jeune, comme beaucoup d'autres aussi, son travail est beaucoup repris. Or, je voulais surtout commencer le film par quelque chose de simple, pour que les gens apprivoisent tôt le film.»

«J'espère que les gens pourront diriger à leur manière le film, sans que j'aie à leur donner les clés pour tout comprendre du récit, ajoute Morrisset. Il n'y a pas de message à partager; je vois d'abord Bla Bla comme une grande métaphore sur la communication en général, que ça reste une oeuvre ouverte à l'intérieur de laquelle les gens puissent vivre quelque chose de presque viscéral, d'émotionnel, plutôt qu'intellectuel», conclut-il.