Sept ans après Depuis qu'Otar est parti, la réalisatrice française Julie Bertuccelli s'est exilée en Australie pour raconter une histoire de deuil aux résonances très personnelles.

Le jour où elle a lu le roman de Judy Pascoe Our Father who Art in the Tree (L'arbre du père), Julie Bertuccelli était loin de se douter à quel point le récit prendrait une telle résonance dans sa vie. Désirant depuis longtemps construire une histoire autour d'un arbre, au point même où cette volonté s'est pratiquement transformée en obsession, l'auteure cinéaste avait déjà conclu une entente avec les détenteurs australiens des droits du roman afin de porter celui-ci à l'écran.

Elle planchait sur le scénario de The Tree depuis un moment quand son mari, le directeur photo Christophe Pollock, est mort après une maladie fulgurante.

«Forcément, c'est devenu plus difficile, d'expliquer la réalisatrice au cours d'une rencontre de presse tenue à Paris il y a quelques mois. Même si je m'efforçais de ne pas trop lier le deuil que vivent les personnages du film au mien, ce drame personnel a évidemment coloré mon écriture. Et a confirmé d'autant plus mon envie de réaliser ce film. Du coup, The Tree est devenu un projet beaucoup plus personnel. Cela dit, je n'ai pas voulu en faire un film autobiographique.»

Une touche surnaturelle

Le thème du deuil était déjà présent dans Depuis qu'Otar est parti, son premier long métrage gratifié du Grand Prix de la Semaine de la critique au Festival de Cannes, de même que du César du meilleur premier film. Cette fois, Julie Bertuccelli, fille du cinéaste Jean-Louis (Docteur Françoise Gailland, Aujourd'hui peut-être), creuse le même thème en ajoutant cette fois une petite touche surnaturelle dans un récit de nature très réaliste.

L'histoire d'une petite famille heureuse et paisible vivant dans le bush australien bascule en effet le jour où le père meurt brutalement. La petite Simone (Morgana Davies), âgée de 8 ans, est persuadée que le disparu vit maintenant dans le figuier tout juste à côté de la maison. La fillette s'y installe de façon permanente, refusant d'en descendre. Or, cet arbre devient de plus en plus envahissant dès que semble poindre la moindre contrariété, notamment quand la veuve (Charlotte Gainsbourg) manifeste son intérêt pour un autre homme...

«Le roman n'empruntait pratiquement que le point de vue de la fillette, rappelle Julie Bertuccelli. Il m'importait de faire de la mère et de la fille les deux personnages principaux de cette histoire et de laisser aussi place au reste de la famille.»

Au coeur du récit, le rapport très fort entre l'homme et la nature. D'où le choix de la réalisatrice de garder le cadre original du roman et d'aller filmer en Australie.

«Le deuil s'apparente à l'exil, fait-elle remarquer. Il faut parvenir à se détacher de l'autre tout en le gardant à l'intérieur de soi, de la même façon qu'un exilé va tenter de garder un lien avec ses racines. C'est pourquoi il était si important pour moi d'aller raconter cette histoire loin de chez moi. Le plus loin possible en fait. Là-bas, j'ai eu le sentiment de tout devoir recommencer en apprivoisant un nouveau pays, en parlant une autre langue, en travaillant avec d'autres techniciens. Un sentiment de liberté m'a habitée. La distance faisait aussi en sorte qu'il était impossible de se concentrer sur autre chose que le film puisque nous tournions quand même dans un endroit plus reculé. Je tenais toutefois à ce que l'atmosphère soit familiale et qu'il y ait plein d'enfants. Les miens étaient là, ceux de Charlotte, des techniciens, bref, la vie s'est intégrée au tournage.»

Une actrice parfaite

Julie Bertuccelli concède avoir ressenti une petite appréhension le jour où elle a vu les premières photos du film de Lars von Trier Antichrist, lesquelles montraient Charlotte Gainsbourg entretenant un rapport pour le moins intense avec les arbres et la forêt. «Heureusement, les deux histoires ne se ressemblent pas du tout, dit-elle. Je n'ai pas écrit le film spécifiquement pour Charlotte, mais j'ai quand même pensé à elle très tôt dans le processus, qui remonte maintenant à il y a quelques années. Or, je trouvais Charlotte peut-être un peu jeune pour le rôle à l'époque. L'histoire du film étant campée en Australie, j'ai d'abord cherché une actrice du pays, d'autant plus que dans la première version du scénario, l'amant du film était d'origine française. Mais je n'ai pas trouvé. J'ai donc décidé d'inverser les origines des personnages. Charlotte s'est ainsi révélée parfaite pour le rôle, non seulement par ses origines (une Française née de mère anglaise), mais aussi parce qu'elle avait mûri. Elle était maintenant parfaitement crédible dans le rôle d'une mère de quatre enfants.»

Rappelons que The Tree a clôturé le Festival de Cannes l'an dernier.

The Tree (L'arbre en version française) prend l'affiche le 8 juillet. Les frais de voyage ont été payés par Unifrance.