Comme le baobab après la saison des pluies, Vues d'Afrique se régénère. Le plus vieux festival de cinéma «ethnique» à Montréal a entamé sa 27e année jeudi avec une nouvelle directrice, Géraldine Lechêne. Cette nomination n'a pas surpris grand monde. Fille du fondateur Gérard Lechêne, Mme Lechêne travaillait depuis 23 ans à temps plein pour le festival, dont elle était devenue un rouage important. Il était prévisible qu'elle prendrait la relève du paternel.

Changement dans la continuité, pourrait-on dire. Avec Mme Lechêne à la barre, Vues d'Afrique continuera de promouvoir «une image positive» des pays créoles et du continent noir, au moyen du cinéma. «C'était la vision de mon père, c'est aussi la mienne», résume-t-elle.

Mais à l'approche du 30e, Mme Lechêne ne se cache pas qu'elle aimerait amener l'entreprise «plus loin», en lui donnant un «nouveau souffle», tant sur le plan artistique que financier.

Elle souhaite notamment que son événement reflète pleinement les nouvelles tendances cinéma du continent noir. Malgré son sous-financement chronique et ses difficultés à être vu à l'étranger, le septième art africain est actuellement en «pleine révolution», souligne la directrice. Les propos des films changent, l'industrie prend des chemins insoupçonnés.

«Les réalisateurs se positionnent davantage, fait remarquer Mme Lechêne. Ils donnent l'heure juste sur ce qui se passe dans leurs pays. On n'aurait pas vu ça il y a 10 ans. Et puis il y a le cinéma numérique qui se développe. C'est ça ce que je veux montrer. Je veux que le festival soit plus que jamais actuel....»

Mais encore faudra-t-il aussi «grandir financièrement». Privé de subventions de l'ACDI et du ministère des Affaires étrangères depuis 2006 - un manque à gagner annuel d'environ 100 000$ - le festival cherche de nouvelles façons d'amener du fric au moulin. Bien que rentable, ses bénéfices sont pratiquement inexistants. «On le fait par conviction», résume Géraldine Lechêne.

Cette quête de fonds pourrait se traduire par la recherche de donateurs et de nouveaux partenaires, et par la souscription à certains programmes provinciaux, comme Placement Culture. Vues d'Afrique vit présentement avec un budget moyen de 700 000$, comprenant des subventions de la SODEC, de Téléfilm Canada et de la Ville de Montréal.

30e anniversaire

Mme Lechêne avoue qu'elle souhaiterait mieux pour un événement qui approche la trentaine. Mais il semble que son festival, comme le continent qu'il représente, n'aura jamais fini de se battre. Cerise sur le gâteau, celui-ci doit également composer avec de nouveaux concurrents, qui tentent de faire leur place au soleil. On pense bien sûr au récent Festival du film black, lancé l'an dernier, dont la programmation marchait en partie sur les plates-bandes de Vues d'Afrique. Le sujet n'est pas sans titiller la nouvelle directrice, qui dissimule à peine son agacement.

«Est-ce que ça pose problème? Disons qu'ils ont programmé certains films qu'on souhaitait avoir. Alors c'est sûr qu'on a été obligés de faire le point avec eux, pour avoir un droit de regard.»

Collaboration en vue? Pas pour l'instant, conclut Mme Lechêne. «Il y aura un terrain d'entente lorsqu'on sentira qu'il y a une vraie différence entre les deux événements. Pour l'instant, il y a trop de ressemblances. Je suis pour la créativité, pas pour le copier-coller...»

Festival Vues d'Afrique, jusqu'au 8 mai, au Théâtre Gesù. www.vuesdafrique.org