Tracie Pearson, 16 ans, a commencé à subir de l'intimidation dès l'école primaire. Des jeunes se moquaient de sa chevelure bouclée et la surnommaient «le caniche». Puis au secondaire, cette élève de l'école secondaire Jacques-Rousseau à Longueuil a continué de subir les railleries de ses pairs. Cette fois, les attaques s'étaient déplacées sur Internet.

Des jeunes la traitaient de «grosse» et lui suggéraient même «d'aller se pendre». Tracie n'est pas la seule à subir de la cyberintimidation dans les écoles du Québec. Un sondage diffusé hier par la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) montre que le phénomène prend de l'ampleur. À un point tel que la ministre de l'Éducation, Line Beauchamp, a décidé de prolonger le plan d'action pour contrer la violence dans les écoles en s'attaquant principalement au phénomène de la cyberintimidation.

La CSQ a répété un sondage mené en 2008 auprès d'enseignants du Québec. En 2008, 27 % des personnes sondées disaient connaître au moins une victime de cyberintimidation. Aujourd'hui, cette proportion est de 40 %.

«Et ce n'est possiblement que la pointe de l'iceberg puisque plusieurs victimes n'en parlent tout simplement pas», note Luc Allaire, conseiller à la CSQ.

Pour le président du syndicat, Réjean Parent, voici la preuve que le plan d'action pour contrer la violence à l'école, adopté en 2008 avec une enveloppe de 17 millions par Québec, n'a pas donné les effets escomptés.

Plus fréquent au privé

Selon le sondage, 72 % des victimes de cyberintimidation sont des filles. Les cas de cyberintimidation sont deux fois plus fréquents dans les écoles privées que dans le réseau public. «Principalement parce que les ordinateurs y sont plus accessibles», a résumé M. Allaire. Les réseaux sociaux sont de plus en plus utilisés par les harceleurs. En 2008, seulement 3 % des cas de cyberintimidation se déroulaient sur des sites comme Facebook, contre 27 % aujourd'hui. Tracie Pearson a justement été victime d'un groupe de filles qui ont voulu lancer un groupe «anti-Tracie Pearson» sur Facebook. «Quand j'étais victime d'intimidation, je pleurais tout le temps. J'allais me cacher dans les toilettes de l'école pour pleurer. J'étais en dépression. Mes parents me disaient de simplement effacer les messages haineux. Mais les mots blessent parfois plus que les poings», relate Tracie.

Briser le silence

Hier, l'adolescente a voulu briser le silence afin «d'être un exemple» et d'inciter un plus grand nombre de victimes à dénoncer leurs agresseurs. «Si les victimes ne dénoncent pas, ça ne va jamais arrêter. Il faut en parler», dit-elle.

La CSQ s'est associée à la Fondation Jasmin-Roy qui lutte contre l'intimidation en milieu scolaire. M. Parent a rappelé vouloir «un plan d'action efficace pour lutter contre la violence».

«Plusieurs mesures n'ont pas été mises en place avec le dernier plan du gouvernement. Québec devait faire un portait de la violence à l'école à l'échelle provinciale. Ce n'est toujours pas fait. Il faut agir», dit-il.

En fin de journée, la ministre Beauchamp a annoncé qu'elle prolongera et bonifiera le plan d'action contre la violence. «Depuis le lancement du plan il y a trois ans, la place des médias sociaux et du cyberespace a encore augmenté. On va se pencher sur la question pour être sûr d'avoir les bons outils pour y répondre. On va chercher des solutions avec tout le monde», a dit Mme Beauchamp.