Jusqu'à la toute fin du nouveau spectacle de Céline Dion au Colosseum de Las Vegas, le spectateur va de surprise en surprise, plus agréables les unes que les autres.

On a beau savoir l'orchestre de 31 musiciens, les projections multimédias, les toilettes élégantes et les clins d'oeil à James Bond et Michael Jackson, on n'a pas encore l'ombre du début d'une idée du grand bond en avant que fait la chanteuse québécoise dans sa nouvelle production vegassienne.

La première d'hier soir s'étant terminée bien après notre heure de tombée, je vous raconte la dernière générale devant public que j'ai vue samedi et qui a tellement été concluante qu'on ne se proposait pas d'y apporter de modifications, hier soir, même si elle dépassait de 10 minutes la durée qu'on s'était fixée.

On reviendra dans Le Nouvelliste de demain sur la soirée de première et la conférence de presse qu'a donnée Céline Dion tout de suite après.

Le spectacle, donc. Après une vidéo nerveuse de Stéphane Laporte illustrant ce qui s'est passé dans la vie de Céline Dion depuis son départ de Las Vegas en décembre 2007, le rideau s'entrouvre, elle apparaît seule et se met à chanter Open Arms du groupe Journey. Un grand rideau blanc tombe, nous laissant voir l'orchestre qui meuble l'immense scène au milieu duquel on reconnaît, dispersés, les musiciens habituels dirigés par Claude Mégo Lemay. L'effet est saisissant.

L'instant d'après, l'écran nous montre Jay Leno présentant Céline à sa première participation au Tonight Show de Johnny Carson.

La Céline actuelle se lance aussitôt dans son premier succès américain, Where Does My Heart Beat Now?, et une dizaine d'écrans verticaux et horizontaux descendent du plafond et s'imbriquent comme dans un puzzle sur lequel la petite fille nerveuse des débuts se métamorphose en la femme d'aujourd'hui.

Projections multimédias

Les projections multimédias de Moment Factory, jusque-là plutôt discrètes, prennent progressivement leur place: le chandelier de cristal de Because You Loved Me, les aurores boréales de The Power of Love qui se prolongent sur les écrans des deux côtés du parterre, créant ainsi un effet de profondeur, et le jardin luxuriant, magnifique, qui nous enveloppe pendant The Reason.

La fête visuelle culmine avec le segment consacré à James Bond. L'iconographie propre à l'agent secret défile sur les multiples écrans pendant que l'orchestre s'en donne à coeur joie en reprenant les thèmes que tout le monde connaît.

La chanteuse revient telle une vamp dans sa robe noire, elle sort la jambe et mord dans Goldfinger. Puis c'est Nobody Does It Better, illustrée par une pluie de particules de lumière dont émergent des silhouettes, et Live and Let Die, moins pyrotechnique et rock mais plus orchestrale que celle de McCartney.

Le clou de la soirée devrait être les deux duos virtuels, entourés du plus grand secret, qui jumellent d'abord Céline Dion, en chair et en os, avec son double virtuel puis la chanteuse avec une projection de Stevie Wonder assis au piano. L'effet n'est pas parfait, l'image virtuelle étant un peu plus fantomatique que celle, très nette, du même Stevie Wonder qu'on nous montre sur les écrans de chaque côté.

La bonne nouvelle, c'est qu'au-delà du trucage spectaculaire, c'est encore la musique qui l'emporte: les deux Céline qui se répondent et se complètent intelligemment sur How Do You Keep the Music Playing? de Michel Legrand - un autre clin d'oeil au cinéma - et le mariage harmonieux des deux voix au service de l'une des plus belles ballades de Wonder, Overjoyed.

Hommage à Ella Fitzgerald

En plus des succès que les fans réclament, Céline Dion fait des emprunts judicieux qui mettent sa sensibilité en évidence. Qu'on pense à You'll Have To Swing It (Mr. Paganini), un coup de chapeau jazzé à Ella Fitzgerald, dont on voit la photo sur les écrans de côté: depuis le temps qu'on veut entendre Céline chanter du jazz et scatter, elle ne déçoit pas, bien entourée du trio de base auquel se grefferont un trompettiste et un violoniste dans un décor intime. At Seventeen, de Janis Ian, et Lullabye (Goodnight, My Angel) de Billy Joel, cette dernière accompagnée de vidéos des enfants de la chanteuse, sont à la fois subtiles et touchantes. Mais le grand moment d'émotion survient quand elle chante Ne me quitte pas de Brel, dramatique à souhait, qu'elle termine en séchant ses larmes.

Intermèdes surprises

Les belles surprises se trouvent aussi dans les intermèdes musicaux qui permettent à la chanteuse de se changer et qui mettent en valeur ses musiciens: le violoniste Jean-Sébastien Carré qui y va d'un solo énergique au parterre, le choriste Barnev Valsaint et les cinq cuivres qui livrent une version torride de Spinning Wheel de Blood, Sweat & Tears, et trois violoncellistes qui, seuls devant le rideau, plongent tête première dans un medley d'airs de Michael Jackson avec une fougue tout à fait rock and roll. Électrisant.

Coup de chapeau à Michael Jackson

Elle s'amène ensuite et reprend Ben, la première chanson qu'elle a entendue de Michael Jackson. Puis choristes et musiciens claquent des doigts et entonnent avec elle Man in the Mirror dans un tableau très esthétique. Non contente de bien chanter l'hymne du disparu, Céline Dion reprend à son compte ses tics vocaux et ses onomatopées plutôt que de vraiment la faire sienne. C'est l'un des rares bémols de cette soirée dont on ressort avec la satisfaction d'avoir vu à l'oeuvre une chanteuse épanouie, au sommet de sa maturité, et heureuse de proposer un spectacle qui, en plus de lui ressembler vraiment, lui permet de révéler d'autres facettes de son considérable talent.