Trois sculptures monumentales de l'artiste Magdalena Abakanowicz (1930-2017), Figures marchant, entrent dans la collection du Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM) grâce à deux donateurs, Marcel et Caroline Elefant.

Les amateurs d'art ont pu apprécier l'oeuvre pour la première fois au cours de l'été 2017 à l'occasion de l'exposition La Balade pour la Paix : un musée à ciel ouvert du MBAM. Ces figures arpentent désormais le Sentier de la Paix, situé dans le pavillon pour la Paix Michal et Renata Hornstein, sur la terrasse du niveau 3, qui portera désormais le nom de Marcel et Caroline Elefant. Il s'agit de la première acquisition d'une oeuvre de l'artiste polonaise par un musée canadien.

Afin d'installer les trois sculptures sur la terrasse, une opération technique a dû être mise en branle. Ainsi, chaque « marcheur », dont le poids individuel est de près d'une tonne, ont été amarrés afin d'entreprendre un voyage de 17 mètres dans les airs à l'aide d'une grue. Une fois les trois sculptures hissées sur le toit, une demi-douzaine de travailleurs s'est affairée à construire un système de poulies pour river chacune d'entre elles sur un socle de métal.

Les trois silhouettes de l'oeuvre Figures marchant symbolisent la démocratie et l'un de ses principes, la liberté d'expression individuelle. Elles sont tirées d'un ensemble de 16 figures, une commande spéciale de la Biennale de sculpture de Vancouver (2005-2007). Exécutées entre 2004 et 2006 à la fonderie de Śrem (près de Poznań) en Pologne, elles ont été réalisées sous la direction de Magdalena Abakanowicz, alors âgée de 76 ans. Toutes sont différentes, chacune ayant été conçue comme une oeuvre unique.

Souvent censurée, l'artiste propose des figures humanoïdes, décapitées et asexuées, qui rappellent la vision des citoyens attendant des heures durant pour se nourrir, voire pour survivre. Comme le souligne Nathalie Bondil, directrice et conservatrice en chef du MBAM : « Leurs deux jambes vigoureusement plantées dans le sol urbain s'inscrivent dans la lignée des sculptures archaïques grecques - les kouroï -, mais aussi de L'Homme qui marche - l'oeuvre de Rodin et celle de Giacometti. Chacune des monumentales figures possède sa propre texture, expressionniste comme une peau ridée ou une écorce végétale. Le choix d'un matériau brut - la fonte d'acier corrodé - évoque la fragile condition humaine comme sa force tellurique. »

Le Musée n'aurait pu acquérir ces trois sculptures sans la générosité et le soutien indéfectible de deux donateurs et collectionneurs, Marcel et Caroline Elefant. « Je suis un collectionneur éclectique. Souvent, j'observe une oeuvre d'art et j'essaie d'imaginer à quoi pensait l'artiste au moment de la créer, et ça me laisse songeur. Quand Nathalie Bondil m'a raconté l'histoire derrière cette oeuvre si puissante, cela m'a convaincu qu'on devait l'installer au pavillon pour la Paix Michal et Renata Hornstein. L'art est une influence forte et positive dans ma vie. En ce qui concerne l'art, il y a toujours quelque chose à apprendre, c'est un voyage qui ne finit jamais... et Caroline et moi croyons sincèrement que l'art est fait pour être partagé. C'est pourquoi nous avons offert des oeuvres, dont celle-ci, à ce Musée, qui, plus que le musée d'une ville, est le musée des gens. Mon engagement envers le MBAM est le point culminant de mon amour et de ma passion pour l'art », a tenu à souligner Marcel Elefant lors de l'installation de Figures marchant.

Magdalena Abakanowicz (1930-2017) est née en Pologne, en banlieue de Varsovie, où sa famille, appartenant à la noblesse russo-polonaise et ayant perdu les privilèges de sa classe sociale, s'est exilée après la révolution russe de 1917. Quand la Seconde Guerre mondiale éclate, elle n'a que neuf ans. Après avoir grandi dans un pays malmené par l'invasion nazie puis par l'occupation soviétique, Abakanowicz s'interroge sur le statut de l'individu noyé dans la masse.

Artiste polémique, elle a transformé la pratique de la sculpture, utilisant des matériaux souvent simples comme de la toile de jute ou du grillage métallique. Ses fameuses installations qui regroupent bustes et silhouettes du corps humain - les Abakans (1966), les Altérations (1974-2000), ou Hurma (1994-2002) avec ses 250 figures, notamment - la rendent célèbre dans le monde entier. Les oeuvres de Marina Abakanowicz figurent dans les collections de plus de 70 musées, du Centre Pompidou, à Paris, au Metropolitan Museum of Art, à New York.