Le professeur Rikard Blunck, du Groupe d'étude des protéines membranaires (GÉPROM) de l'Université de Montréal, vient de recevoir hier soir le Traditional Paul F. Cranefield Award de la Society of General Physiologists.

Les travaux de M. Blunck montrent que certaines protéines de toxines sont introduites par génie génétique dans nos aliments car elles ont la propriété de détruire les insectes en perforant les membranes de leurs cellules.

« Cette étude permet de mieux comprendre le fonctionnement de base des protéines de toxines et donc d'évaluer les risques que soulève leur utilisation comme pesticides dans les denrées alimentaires », explique le professeur Blunck.

La toxine Cry1Aa du bacille de Thuringe qui a été étudiée dans le cadre de cette recherche fait partie d'une famille de protéines connues sous le nom de « toxines perforantes », car elles forment des pores dans les parois ou membranes des cellules. Les toxines Cry détruisent les larves des insectes qui les ingèrent et sont par conséquent introduites par génie génétique dans plusieurs cultures transgéniques, y compris celles destinées à la consommation humaine, pour les rendre résistantes aux insectes prédateurs.

Les pores que ces toxines forment dans les membranes favorisent la fuite des sels minéraux nécessaires à la survie de la cellule et partant, l'épuisement des ressources énergétiques de la cellule. Même si ces toxines pourraient être étudiées en dehors des membranes cellulaires, grâce aux techniques permettant d'obtenir des images en trois dimensions de leur structure, leur architecture change rapidement dès qu'elles entrent en contact avec la membrane, si bien qu'il est impossible d'appliquer les techniques traditionnelles pour les étudier.

Le professeur Blunck et ses collaborateurs ont trouvé une parade en faisant appel à la spectroscopie de fluorescence pour analyser l'architecture et le mécanisme des protéines dans un environnement membranaire artificiel. Les bicouches lipidiques planaires (BLP) sont des systèmes artificiels de 0,1 mm de largeur qui imitent la membrane cellulaire. Les chercheurs ont élaboré une puce pour étudier les protéines introduites dans ces parois cellulaires artificielles au moyen d'ondes fluorescentes. Des sondes fluorescentes moléculaires sont ensuite couplées aux protéines de toxines. Grâce à cette technique, la fluorescente émise par les protéines permet d'étudier leur architecture et de suivre leurs mouvements lorsqu'elles passent au travers des membranes artificielles et modifient leur structure.

« En observant la toxine à l'état actif et inactif et en mesurant les changements dynamiques de la lumière émise par les sondes moléculaires, nous pouvons déterminer quelles sont les parties de la toxine qui interagissent avec la membrane et forment des pores, explique le professeur Blunck. Nous pensons que cette technique pourra être appliquée, à l'avenir, à un large éventail de toxines pathogènes. »

L'article « Rapid topology probing using fluorescence spectroscopy in planar lipid bilayer: the pore-forming mechanism of the toxin Cry1Aa of Bacillus thuringiensis » a été publié dans le Journal of General Physiology par Rikard Blunck, Nicolas Groulx et Marc Juteau de l'Université de Montréal. Cette étude a bénéficié d'une subvention du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, du Programme des chaires de recherche du Canada, de la Fondation canadienne pour l'innovation, du Fonds de la recherche en santé du Québec et du Fonds québécois de la recherche sur la nature et les technologies.