Le secteur du transport représente un grand défi dans la lutte contre les changements climatiques. Au Québec, il est responsable de près de 40 % des émissions de gaz à effet de serre et de 25 % de la consommation totale d'énergie. Le transport durable est néanmoins en émergence. Et la province mise sur l'électrification.

La congestion routière, les changements climatiques et une certaine désaffection des jeunes envers l'automobile amène les décideurs à envisager de nouveaux modes d'organisation des transports. Si l'électrification offre des gains intéressants en matière de durabilité, il n'élimine pas le besoin de réduire l'utilisation de l'automobile.

UNE MOBILITÉ REPENSÉE

Des tendances lourdes, comme la congestion routière, l'étalement urbain et les changements climatiques, obligent aujourd'hui les experts à repenser la planification de la mobilité. À l'échelle de la planète, on constate d'ailleurs quelques changements en matière de transport. « On assiste à un désengagement des jeunes envers l'automobile, note Catherine Morency, qui dirige la chaire de recherche Mobilité de l'École Polytechnique et est professeure associée à l'Observatoire de la mobilité durable de l'Université de Montréal. L'économie du partage est également une réalité dans le transport. Communauto existe depuis 1994, c'est un pionnier, mais il y a aussi Car2Go, Uber ou BIXI. »

L'ÉLECTRIFICATION COMME SOLUTION

L'Association du transport urbain du Québec (ATUQ), qui représente les neuf sociétés de transports en commun de la province, a une stratégie d'électrification. En effet, « 50 % des transports en commun sont déjà électrifiés, souligne Philippe Schnobb, président du conseil d'administration. La Société de transport de Montréal (STM) vise en plus à acheter uniquement des bus électriques d'ici 2025. » François Adam, directeur de l'Institut du véhicule innovant (IVI), abonde dans le même sens. « Ici, nous avons l'avantage de posséder une énergie propre, l'hydroélectricité. Ce n'est pas le cas partout. Les solutions vont des accessoires pour véhicules lourds jusqu'au moteur électrique complet. »

« PAS UNE PANACÉE »

Catherine Morency croit aussi que l'électrification fait partie des réponses. Elle ajoute par contre un bémol. « Celle-ci ne pourra pas régler tous les problèmes de développement durable. On est chanceux d'avoir une énergie verte, mais ce n'est pas une panacée. Si tout le monde continue d'utiliser sa voiture en solo, ça ne changera rien. On doit changer nos habitudes », dit-elle. La professeure estime que nous devons réduire le nombre de voitures et de stationnements, en plus d'augmenter l'utilisation des transports en commun. « Le sous-financement des sociétés de transport nuit à la mise en place de solutions de mobilité durable », admet toutefois Catherine Morency.

LES LEADERS AU QUÉBEC

Comme le transport durable n'est pas (encore) un secteur industriel reconnu au Québec, il est difficile d'en dresser le portrait. Il existe néanmoins des dizaines d'entreprises qui oeuvrent dans ce domaine. « Le Québec a un écosystème de niche, souligne François Adam. Nova Bus fabrique par exemple des autobus hybrides, Autobus Lion, des autobus scolaires, dont le premier électrique au Québec. AddÉnergie fabrique quant à elle des bornes de recharge pour véhicules électriques et est le fournisseur du Circuit électrique. TM4 conçoit des moteurs électriques pour autobus et pour bateaux, alors que Precidad fabrique des véhicules électriques pour alumineries. »

LES AUTOBUS D'AUJOURD'HUI ET DE DEMAIN

Depuis l'an dernier, la STM n'achète plus que des véhicules hybrides. Philippe Schnobb est aussi fier du projet Cité Mobilité, « le seul du genre en Amérique du Nord ». « Trois bus 100 % électriques conçus par Nova Bus seront testés pendant trois ans sur la ligne 36-Monk à partir de l'automne 2016. Des bornes de recharge rapide seront installées en bout de ligne », explique-t-il. La STM n'est pas la seule à innover. On a notamment mis à l'épreuve un autobus électrique à recharge lente à la Société de transport de l'Outaouais en 2013, et la Société de transport de Laval a acheté un bus tout électrique en 2011.

LES TAXIS ÉLECTRIQUES

En faisant l'acquisition de Taxi Hochelaga, Alexandre Taillefer a dévoilé son ambition d'offrir aux Montréalais pas moins de 2000 taxis 100 % électriques d'ici 2019. S'il atteint son objectif, presque la moitié de tous les taxis de Montréal (4500) rouleront grâce à une énergie verte. L'homme d'affaires compte investir plus de 200 millions dans l'aventure. Le parc de 500 taxis que possède Taxi Hochelaga sera progressivement transformé en véhicules électriques. Les premières voitures pourraient être mises en service dès novembre. « Le projet aura un impact important », croit François Adam. Aéroports de Montréal entend aussi proposer 35 % de taxis électriques ou hybrides aux voyageurs.

TRANSPORT AÉRIEN, FERROVIAIRE ET AUTOMOBILE DURABLE

Les avancées de la mobilité durable se font plus timides dans la province en ce qui a trait au transport aérien, maritime ou ferroviaire, mais on dénombre malgré tout quelques nouveautés. « Dans l'aviation, on discute de "l'avion plus électrique", qui utilise l'électricité pour tous les systèmes non propulsifs », remarque François Adam. « Du côté du train, on mise surtout sur les systèmes légers sur rails. L'IVI a également développé des véhicules de triage électriques aux États-Unis. Il y a peu de nouveau pour le transport maritime. Certains traversiers du Québec pourraient néanmoins être électriques dans un avenir rapproché », souligne M. Adam.

LES VÉHICULES AUTONOMES

Tous les experts s'entendent pour dire que les véhicules sans conducteur feront une percée au Québec. « Ne reste qu'à savoir quand, lance François Adam. Ça dépendra de nos législations. Ce sera quand même dans un futur pas si lointain, puisque des actions automatisées, comme l'évitement ou le stationnement, sont déjà disponibles dans certains véhicules pour faciliter la conduite. » Catherine Morency rappelle de son côté que la technologie est déjà permise ailleurs. « Un projet-pilote de véhicules autonomes est testé sur les campus en France. L'arrivée de ces voitures sans chauffeur pourrait avoir un impact significatif sur le transport au Québec. »