L'industrie de la transformation alimentaire, un poids lourd avec des ventes annuelles de 27,4 milliards, se doit d'investir davantage dans la modernisation de ses installations pour être « plus compétitive », soutient Dimitri Fraeys, vice-président innovation et affaires économiques au Conseil de la transformation alimentaire du Québec.

« Il y a une culture à inculquer, principalement auprès des dirigeants de PME de 50 employés et moins, qui constituent un groupe important dans notre industrie, précise-t-il. Nous devons innover, acheter des équipements plus performants. »

Ces investissements, qui ne sont pas chiffrés, pourraient également permettre aux entreprises d'être « plus profitables », selon le vice-président. « Il y a du rattrapage à faire, insiste-t-il. Au Québec, on dépense en moyenne 350 millions par année dans l'achat d'équipement, tandis qu'en Ontario, c'est le double, avec 700 millions. »

PRODUITS DU QUÉBEC

Dimitri Fraeys maintient en outre qu'il faudra adopter des stratégies plus dynamiques permettant d'identifier les produits du Québec et l'achat local.

« Il y a de plus en plus de produits importés sur les tablettes des supermarchés et des commerces qui vendent des produits alimentaires, constate-t-il. D'où l'importance de mettre en valeur les produits transformés chez nous. »

Il déplore toutefois que le gouvernement libéral, « pour des raisons budgétaires », ait cessé de financer les campagnes publicitaires d'achat local il y a deux ans. « On a pourtant un logo fort, avec Aliments du Québec, qui permet de bien identifier nos produits auprès des transformateurs », fait-il valoir.

Le professeur Maurice Doyon, du département d'économie agroalimentaire et des sciences de la consommation de l'Université Laval, va plus loin. Il propose d'instaurer un « bulletin des détaillants » pour mesurer le pourcentage de produits frais et transformés du Québec dans leurs magasins.

« Comme on le fait pour mesurer le rendement des écoles des commissions scolaires à l'échelle de la province », soulève-t-il.

« On pourrait constituer des équipes qui se rendraient dans les supermarchés pour répertorier les produits d'ici et ceux qui sont importés », ajoute le professeur. Il a abordé cette question dans une étude récente réalisée avec Raymond Dupuis, directeur de projet au Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO).

« Même le Canadian Tire du coin vend de la bouffe. Il y a aussi Dollarama et Amazon, sans parler des pharmacies. Ça change la donne. » - Maurice Doyon, professeur au département d'économie agroalimentaire et des sciences de la consommation de l'Université Laval

UNE GRANDE PRESSION

Un fait demeure : les plus petits acteurs de l'industrie - dominée par les Agropur, Olymel, Lassonde, Agropur et Bonduelle - ressentent la pression exercée par les grands de la distribution, « qui évoluent eux aussi dans un marché très compétitif », observe M. Doyon.

« On pourrait même s'attendre, dans un avenir pas si lointain, à des changements importants dans la façon de distribuer les produits alimentaires dans les supermarchés ou ailleurs, anticipe-t-il. Il pourrait y avoir, d'un côté, d'immenses entrepôts automatisés qui vont remplacer les magasins traditionnels et, de l'autre, des petites épiceries très spécialisées. »

« Déjà, aux États-Unis, on observe ce phénomène. Les consommateurs achètent leurs produits en ligne et viennent les cueillir dans les entrepôts. On parle du clic and collect. »

La tendance est lourde, rappelle le professeur. « Il y a 10 ans à peine, note-t-il, environ 90 % de l'alimentation était achetée dans les supermarchés. En 2016, c'est 80 %. »

LA TRANSFORMATION ALIMENTAIRE EN CHIFFRES

1500

Nombre d'entreprises actives dans le secteur au Québec

62 000

Nombre d'emplois liés à la transformation alimentaire dans la province

7,5 milliards

Valeur des exportations de produits alimentaires transformés au Québec en 2015. Les trois denrées alimentaires transformées au Québec les plus vendues dans le monde sont le porc, le chocolat et le soya.

Sources : CTAQ et MAPAQ

PÉNURIE DE MAIN-D'OEUVRE

Les entreprises de transformation alimentaire ont du mal à recruter de la main-d'oeuvre qualifiée et c'est ce qui explique, en partie, l'urgence d'automatiser leurs usines pour produire à un rythme soutenu. « Les chercheurs d'emploi doivent savoir qu'il y a de bons postes à pourvoir dans notre secteur d'activité, souligne Dimitri Fraeys, vice-président du Conseil de la transformation alimentaire. Nous devons prendre les devants pour le leur faire savoir. » Pour ce faire, le Conseil lancera officiellement cet automne le site À table Québec emploi, sur lequel les employeurs afficheront les postes à pourvoir. « Ce sera un peu comme Jobboom et Workopolis, précise le vice-président. L'objectif, c'est de valoriser les métiers de la transformation et d'en faire la promotion. » Il y a aussi le dossier des travailleurs étrangers autonomes qui préoccupe les transformateurs, qui souhaitent voir le fédéral faire preuve de plus de souplesse quand vient le moment de recruter de la main-d'oeuvre du Mexique et du Guatemala.