L'industrie québécoise de la transformation alimentaire a un appétit d'ogre pour les dollars du gouvernement québécois. Le Conseil de la transformation alimentaire et des produits de consommation (CTAC), qui regroupe les entreprises de l'industrie, veut de 20 à 30 millions de dollars du budget de la prochaine politique de la recherche et de l'innovation. Cette dernière doit être dévoilée par le gouvernement au cours de l'automne.

Ça peut sembler beaucoup pour une industrie qui ne passe pas pour être au pinacle de la recherche scientifique et de l'innovation technique.

«Nous avons deux motifs pour réclamer cet argent dans le cadre de la nouvelle politique de la recherche, explique Dimitri Fraeys, vice-président, innovation, au CTAC. Primo, nous croyons que c'est, mathématiquement, notre juste part. La Stratégie de la recherche et de l'innovation du gouvernement québécois précédent avait accordé entre 10 et 15 millions aux projets de l'industrie aéronautique. Or, si on compare les livraisons annuelles de cette industrie avec la nôtre, il y a un rapport du simple au double: environ 12 milliards pour l'aéronautique et 23 milliards pour la transformation alimentaire québécoise.»

Conclusion du CTAC: cette industrie doit recevoir le double de la part de l'aéronautique.

Sylvie Cloutier, présidente-directrice générale du CTAC, expose ainsi le second motif: «Le niveau de rentabilité moyen des entreprises québécoises de transformation des aliments est de 6% (marge bénéficiaire brute 2006-2010), contre 10% en Ontario et 8% pour le reste du Canada. Nous avons donc du rattrapage à faire, et la clé, c'est la recherche et l'innovation.»

D'autres ont aussi reconnu cette nécessité urgente de faire entrer l'industrie de la transformation alimentaire dans le XXIe siècle. Ainsi, dans son mémoire d'octobre 2012 destiné au ministère de l'Enseignement supérieur, de la Recherche, de la Science et de la Technologie (MESRST), l'Association pour le développement de la recherche et de l'innovation du Québec (ADRIQ) appuie les ambitions du CTAC.

Le rapport, présenté dans le cadre de consultations sur la nouvelle politique de la recherche et de l'innovation du Québec, place la transformation alimentaire parmi les neuf domaines stratégiques prioritaires que devrait viser cette politique. «C'est la première fois dans l'histoire du Québec qu'un organisme crédible hors du bioalimentaire reconnaît cela», souligne M. Fraeys.

Dollars au mérite

Et qu'en pense-t-on à Québec? Françoise Beaulieu, de la direction des communications au ministère des Finances, répond que «la Stratégie québécoise de la recherche et de l'innovation 2010-2013 (SQRI) ne visera pas à soutenir la R-D et l'innovation dans un secteur économique particulier, mais plutôt à mieux positionner nos entreprises sur les marchés porteurs, et ce, peu importe le secteur».

Jacques Delorme, porte-parole du ministère des Finances, résume ainsi l'approche de la future politique de la recherche et de l'innovation: «L'argent n'est pas distribué par secteur industriel, mais par projets, évalués selon leurs impacts sur la société québécoise.» Et des projets précis, l'industrie de la transformation alimentaire en a-t-elle?

Oui, répond Dimitri Fraeys. «Deux grands projets en recherche et innovation mobilisent actuellement l'industrie. D'abord, nous voulons créer un consortium de recherche précompétitive en transformation alimentaire. Cegroupede recherche développera de nouveaux produits, de nouvelles technologies, étudiera les équipements de pointe, les méthodes avancées de substitution d'ingrédients et les nouveaux emballages.»

Le second projet est la mise sur pied d'un réseau-conseil pour favoriser l'implantation des innovations au sein des entreprises. On saura cet automne si la nouvelle politique de la recherche et de l'innovation retient ces projets et, si oui, combien d'argent elle leur consacrera.