Lors de son dernier budget, en mars 2013, le ministre fédéral des Finances, Jim Flaherty, a fait passer de 750 000 à 800 000$ l'exonération cumulative sur le gain de capital découlant de la vente d'actions d'une entreprise.

Autre bonne nouvelle: cette somme sera désormais indexée. Une double victoire aux yeux de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI).

Toutefois, la fédération ne peut se contenter de cette victoire. L'organisme milite pour que le gouvernement québécois emboîte le pas à son homologue fédéral. Mais surtout, explique Simon Gaudreault, économiste à la FCEI, on souhaite que les entrepreneurs qui transfèrent leur entreprise à des membres de leur famille puissent profiter de cette exonération, ce qui n'est pas le cas actuellement.

«C'est une portion importante du fonds de pension des entrepreneurs qui est en jeu. C'est pourquoi nous rappelons sans cesse à nos élus qu'il est moins avantageux de vendre à ses enfants qu'à un étranger», dit M. Gaudreault.

Impacts

Étonnement : dans le sondage CROP/RCGT sur le transfert d'entreprises, obtenu par La Presse Affaires, les chefs d'entreprise sondés avouent ne pas bien connaître les impacts fiscaux liés au type de repreneur.

À la question: «D'après ce que vous savez, diriez-vous qu'au Québec, il est fiscalement plus avantageux pour un propriétaire de transférer son entreprise à...», 16% ont répondu «un membre de sa famille»; 26% «une personne hors de sa famille»; 27% «ni l'un ni l'autre» et 31% «Je ne sais pas».

«C'est très préoccupant que les entrepreneurs ne soient pas plus au courant. Il va falloir réveiller nos élus. La fiscalité québécoise n'est pas adaptée à la réalité d'aujourd'hui. On va manquer le bateau. La loi antiévitement qui date des années 70 créée à la suite d'abus lors de vente d'entreprise à des membres de la famille doit être revue», soutient Éric Dufour, leader national pour la relève entrepreneuriale chez Raymond Chabot Grant Thornton.

Changer la loi

Selon le spécialiste en transfert d'entreprise, nos gouvernements n'ont rien à gagner en optant pour le statu quo. «Les gouvernements ont dû faire une équation et ils se sont rendu compte que ça allait être assez coûteux de changer la loi. Pourtant, ce sera plus coûteux en fin de compte, parce que les entreprises vont se désintéresser, elles n'investiront plus», soutient M. Dufour.

De l'avis d'Alain Aubut, président-directeur général de la Fondation de l'entrepreneurship, l'exonération en capital auquel n'ont pas droit les propriétaires dans le cadre d'un transfert familial demeure «un enjeu majeur».

Transaction familiale

Malgré cette iniquité, plusieurs dirigeants n'hésitent pas à transférer leur entreprise à leur fils, ou à leur nièce. C'est le cas de Pierre Crevier et de ses soeurs Hélène et Lorraine. Les trois actionnaires de Groupe Crevier, l'un des plus importants acteurs indépendants dans la vente de produits pétroliers au Québec, ont décidé de passer le flambeau à trois de leurs enfants. «À partir du moment où on a pris la décision de vendre à la troisième génération, l'exonération devenait secondaire. C'est évident qu'on aurait aimé y avoir droit. Mais notre volonté était plus forte», explique Pierre Crevier.