Les aventures financières de trois superhéros. Un ton léger mais un fond sérieux, avec de véritables planificateurs... Cette semaine : la Femme Chauve-souris

L'évasion

QUELQUE PART DANS LA NUIT NOIRE DE MONTRÉAL

Le bat-cellulaire de la Chauve-souris résonne. Bat-drinnng !!! Le chef de police est au bout du fil.

-- Le Pingouin s'est échappé !

-- Je file au Biodôme !

--  Il veut sans doute remettre sur pied son trafic d'héroïne. Méfiez-vous.

-- Il ne m'attrapera pas, réplique l'héroïne.

En effet, la femme de 45 ans s'est maintenue dans une forme splendide.

Sous son masque se cache Catherine Asstrof - ses amis l'appellent Cath. Voulant voler de ses propres ailes, elle est traductrice pigiste, avec un petit contrat pour l'Insectarium - un travail alimentaire, dit-elle. 

Vingt ans plus tôt, une chimiothérapie lui avait fait perdre temporairement tous ses cheveux. L'épreuve l'avait incitée à reprendre à son compte l'idée du fameux justicier masqué : la nuit venue, la jeune femme sans cheveux deviendrait la Chauve-souris !

Si un homme pouvait le faire, elle le ferait aussi. « Pas de chauvinisme ! », s'était-elle écriée.

Depuis, le cancer s'est résorbé, les cheveux ont repoussé, mais la motivation est demeurée. Elle n'a toutefois jamais eu les moyens de son riche inspirateur. À défaut d'une bat-cave, elle a installé un bat-sous-sol, dans sa petite maison de banlieue.

Elle enfile ses bat-bottes, saisit son bat-bâton, monte à bord de sa bat-voiture et ferme la portière.

« Bat-tinsse, jure-t-elle. Je ne m'habituerai jamais à ce rideau dans le dos. »

Malheureusement, ses responsabilités de supermère chef de famille monoparentale, qu'elle devait concilier avec son boulot non rémunéré de superhéroïne, ne lui ont pas permis d'épargner autant qu'elle aurait voulu.

FICHE SIGNALÉTIQUE

Nom : Catherine Asstrof (surnommée Cath)

Âge : 45 ans

Identité secrète : la Chauve-souris

Caractère : disciplinée, grand courage physique, mais financièrement prudente

Travail : traductrice pigiste

Régime de retraite : aucun

Mère chef de famille monoparentale

Deux enfants de 13 et 15 ans

Propriétaire d'une maison de plain-pied en banlieue

Projets : mener ses enfants à l'université, prendre sa retraite à 60 ans

La Chauve-souris est dans le noir le plus complet. Pour y voir plus clair, elle appelle le planificateur financier Raphaël Hainault.

«Je ne peux plus continuer à l'aveugle, confie-t-elle. J'ai peur de frapper un mur.» 

-- Quand voulez-vous prendre votre retraite ?

-- Idéalement, j'aimerais me poser vers 60 ans.

-- Envoyez-moi vos données financières, je peux vous préparer un plan de vol. 

 

CHAUVE-SOURIS, REVENUS ET DÉPENSES



Revenus bruts : 85 000 $

Revenu net : 80 000 $ (5000 $ de dépenses de bureau à domicile)

Revenu après impôts : 59 000 $

Coût de la vie : 52 600 $

Cotisations REEE : 2000 $

Cotisations REER : 4000 $

REER : 32 000 $

CELI : 5000 $

REEE aînée : 2500 $

REEE cadet : 1200 $

Maison : valeur de 350 000 $

Solde hypothécaire : 210 000 $

.

Le rendez-vous secret

Deux jours plus tard, Raphaël Hainault invite la Chauve-souris à entrer dans son bureau.

-- Aïe !

Sa cape est restée prise dans la porte.

Célibataire, Cath Asstrof est la mère de deux chauves-souriceaux de 13 et 15 ans, dont elle veut payer les études universitaires. 

« Vous avez des objectifs qui sont ambitieux, mais un peu difficiles à réaliser, commence le planificateur.

« Je pense que vous devriez penser davantage à vous, quitte à ce que vos enfants aient un peu de dettes d'études, qu'ils utilisent les prêts et bourses... »

Il résume : 

« Il va falloir mettre cap sur l'épargne.

- Pas question que je me sépare de ma cape. Je vais épargner autrement. »

Selon les calculs du planificateur, l'héroïne masquée pourrait épargner 15 000 $ par année, versés dans son REER. Cette cotisation produirait un remboursement d'impôt de 3000 $, qui s'ajouterait à la cotisation de l'année suivante.

Même avec un rendement raisonnable de 4,5 %, cette récolte ne lui suffit pas pour prendre sa retraite à 60 ans en conservant son coût de vie actuel.

« Il va falloir mettre la main à la pâte un petit peu plus longtemps que prévu.

-- Je ne suis pas pâtissière, je suis traductrice.

-- C'était une image.

-- Pas illustratrice, traductrice.

-- Selon mes calculs, vous devrez travailler jusqu'à 65 ans, mais de 60 à 65 ans, vous pourrez ralentir à 75 % de ce que vous travaillez actuellement. 

-- Je travaille 35 heures. Je réduirais donc à 26 h et 15 minutes par semaine.

-- C'était une approximation. »

Le piège

Son revenu aurait pu lui permettre d'accumuler davantage d'épargnes. Il y a quelques années, elle a perdu plusieurs dizaines de milliers de dollars dans un investissement malheureux.

« Un coup de tête qui m'a menée à un cheveu de la faillite », raconte la Chauve-souris.

« Il se présentait sous le nom de Jaucqueur. Hilare Jaucqueur. Un farceur de la pire espèce. Il promettait un rendement de 18 %, à capital garanti. Je m'étais laissé convaincre par son sourire enjôleur. Il s'appelait en fait Gervais Viday-Lecompte. J'aurais dû me méfier. Mais Je l'ai fait coffrer. »

Danger : longévité

En planification de retraite, le risque de longévité - le risque de survivre à ses épargnes - est un point essentiel. Raphaël Hénault a (vraiment !) fait ses devoirs.

« Le gros problème des chauves-souris - c'est un point que j'ai vérifié sur internet -, c'est qu'elles ont le record de longévité chez les petits animaux. Vous risquez de vivre longtemps. 

- Ah non ! », se désole la noctambule.

Aura-t-elle assez d'épargnes pour soutenir son coût de vie jusqu'à 96 ans, âge auquel elle aura 25 % de probabilité d'être encore vivante ?

« En raison de votre longévité, on pourrait tirer un grand avantage à retarder le moment où vous allez faire la demande de la RRQ et de la pension de la Sécurité de la vieillesse », évoque le planificateur.

En commençant à retirer ses rentes gouvernementales à 70 ans plutôt qu'à 65 ans, elle toucherait 29 000 $ par année plutôt que 20 500 $, jusqu'à son décès, aussi tardif soit-il.

-- Mais est-ce que j'ai suffisamment de revenus entre 65 et 70 ans ? Je ne veux pas me couper les ailes.

-- Vous pourriez vendre la maison et libérer 100 000 $, qui pourraient être utilisés pour les premières années de la retraite... »

Bat-dring !!!

C'est le chef de police.

-- Il y a urgence pour un sauvage.

-- On dit sauvetage , corrige la Chauve-souris, riant sous cape.

Et elle s'élance vers sa bat-voiture.

FIN

Merci au conseiller en gestion de patrimoine Raphaël Hainault, de la Financière des professionnels, de s'être prêté au jeu.