Trois athlètes, trois étapes de la vie. Cette semaine : Marianne St-Gelais, 26 ans, championne de patinage de vitesse sur courte piste.

La patineuse de vitesse sur courte piste Marianne St-Gelais tourne en rond, mais elle sait où elle s'en va.

À un an des Jeux olympiques de Pyeongchang, en Corée du Sud, la double médaillée d'argent des Jeux de Vancouver entame l'ultime ligne droite qui la mènera... ailleurs.

Ce sera l'outre-ligne d'arrivée. L'après-carrière athlétique. « C'est drôle, il me semble que ça fait des années qu'on la prépare, mais là, ça s'en vient de plus en plus », confie-t-elle.

Depuis qu'elle a entamé sa carrière internationale, vers l'âge de 19 ans, l'athlète de 26 ans se consacre à temps plein à sa discipline. « On est 11 mois par année en entraînement, c'est pour ça qu'on dit que c'est notre vie. Et on s'entraîne six jours par semaine, deux fois par jour. C'est mon métier. »

Son métier ? Certainement. Mais ce n'est pas parce qu'on remporte des courses qu'on roule sur l'or.

« Les gens pensent qu'on gagne beaucoup parce qu'on est souvent sur le podium. Mais ces victoires ne riment à rien en termes de sous. Je reviens à la maison avec du métal, c'est tout. » - Marianne St-Gelais

Ses revenus proviennent très peu de ses compétitions.

« En ski alpin, chaque descente, chaque course va être rémunérée : si tu finis 12e, si tu finis 25e, ça a une valeur », indique-t-elle. « Nous, en courte piste, c'est un cumulatif à la fin de saison. » La saison sur courte piste se joue en six compétitions dites Coupes du monde. Les bourses ne sont versées qu'au terme de la saison, selon le classement cumulatif de chacune des distances. Par exemple, une première place au cumulatif du 500 m vaut 5000 $US, une deuxième place, 4000 $US, etc.

« Si je veux avoir les 5000 $ pour le cumulatif, il faut que je gagne une soixantaine de courses. Ça fait déjà quatre Coupes du monde que je fais cette année, et même si j'ai fait des podiums, il n'y a aucun argent qui est relié à ça. Ça m'a juste fait des points pour mon cumulatif de fin de saison. »

Au terme des six Coupes du monde 2015-2016, sa première place au cumulatif du 500 m, sa quatrième au 1000 m et sa sixième au 1500 m lui ont valu des bourses totalisant 9500 $US.

LES BOURSES ET LA VIE

Comme les autres athlètes olympiques de haut niveau, elle touche également des bourses du Fonds du programme d'aide aux athlètes de Sport Canada - des bourses qui dépendent elles aussi de ses performances.

L'équipe canadienne féminine de patinage de vitesse sur courte piste compte une quinzaine d'athlètes. Les sept ou huit premières forment l'équipe nationale, les autres sont membres de l'équipe de développement. Les premières reçoivent 18 000 $ pour l'année, les secondes, 10 800 $.

« Pour faire partie de l'équipe nationale et avoir ce statut, il faut que tu fasses les sélections et que tu fasses tes preuves chaque année. »

Ses médailles au Championnat du monde lui ont également valu une bourse de 5000 $ du Fonds d'excellence des athlètes (FEA) du Comité olympique canadien.

Les athlètes québécois de niveau excellence touchent en outre une bourse annuelle de 6000 $, en 12 versements de 500 $.

NOTORIÉTÉ À RETARDEMENT

La notoriété sportive a une valeur marchande, dites-vous ? C'est ce que l'athlète de Saint-Félicien pensait, elle aussi.

« Mon moment le plus difficile, c'est bizarre, mais c'est dans le cycle olympique de Vancouver à Sotchi, confie-t-elle. J'étais double médaillée olympique, et il ne se passait absolument rien pour moi. »

Pourtant, sa fraîcheur et son sourire radieux avaient marqué les Jeux de Vancouver.

« Oui, je faisais des conférences et des apparitions, mais il n'y avait rien qui bougeait pour moi. Je me demandais : qu'est-ce que ça va prendre de plus pour qu'on me fasse confiance, pour qu'on m'approche et pour que les sous entrent ? » - Marianne St-Gelais

Le problème s'est résolu l'été dernier.

Le 24 août, les Produits forestiers Résolu ont annoncé un partenariat de trois ans avec la patineuse de vitesse, couvrant les saisons 2016 à 2019.

L'entente, dont le montant n'a pas été divulgué, la mène au-delà des Jeux de Pyeongchang, donc à l'orée de son après-carrière. Elle devient l'ambassadrice de l'entreprise pour la sécurité au travail.

« Ça m'a permis de me concentrer sur le patin. Il reste une année avant les sélections olympiques, il n'y a plus de casse-tête. C'est le patin à 100 % et on ne pense à rien d'autre. »

PLACEMENT ET FIDUCIE

Cet argent gagné à la sueur de son front et du reste de son anatomie, elle doit le gérer avec prudence et parcimonie.

Ses surplus budgétaires ont été soigneusement investis avec l'aide d'un conseiller en placements. « On a fait des portefeuilles, avec de l'argent qu'on a commencé à placer, et qu'on va seulement toucher à la retraite. »

Pour les athlètes amateurs, l'argent arrive par à-coups, comme d'une pompe qui toussote.

Pour se prémunir contre les mauvais jours, ils peuvent profiter du régime de Fiducie au profit d'un athlète amateur, dans lequel ils versent souvent les sommes gagnées en promotion et en commandite. L'impôt sur les actifs détenus dans la fiducie est différé jusqu'au moment où ils sont distribués au bénéficiaire.

Marianne St-Gelais a créé la sienne peu après les jeux de Sotchi.

« Il a fallu penser à l'après-carrière et à mettre des sous dans cette fiducie pour être certain que tout se passe bien ensuite », explique-t-elle. « Si on a des périodes un peu plus creuses, où ça va moins bien, cet argent va être là pour nous aider. »

LA PROCHAINE COURSE

Elle ne se pose pas en victime. Avec son conjoint, le patineur Charles Hamelin, elle a pu acquérir une copropriété, peu après les Jeux de Vancouver, en 2010. « On est des privilégiés dans ce sport-là, avec ce qui s'est passé à Vancouver, avec la notoriété, les titres qu'on est allé chercher. »

Elle est encore indécise sur ce qui suivra le dernier virage, à Pyeongchang. « Il y a plein de choses qui m'intéressent. J'aime beaucoup le milieu des communications. En même temps, j'aime beaucoup ma région. Je ne sais pas encore comment ça va se concrétiser. On veut aussi une famille rapidement après les prochains Jeux. »

Ce sera le début d'une nouvelle course.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, archives LA PRESSE

En patinage de vitesse, ce n'est pas parce qu'on remporte des courses qu'on roule sur l'or.