En 2005, Jean-Pierre et Suzanne avaient participé à la chronique de consultation en finances personnelles Sous la loupe. Dix ans plus tard, où en sont-ils?

EN 2005

LA SITUATION

> Jean-Pierre: 55 ans

> Revenu: 78 000$

> REER: 299 000$

> CRI: 108 500$

> Épargne hors REER: 431 000$

> Suzanne: 48 ans

> Revenus: 77 000$

> REER: 358 000$

> Épargne hors REER: 40 000$

> Deux enfants de 7 et 9 ans

> REEE: 40 000$

L'OBJECTIF

Prendre une retraite en commun en juin 2006, malgré le jeune âge de leurs enfants.

LA RÉPONSE DU PLANIFICATEUR

Pas de problème. Avec un rendement de 3% net d'inflation et un coût de vie à la retraite de 60 000$, les épargnes s'épuisent au 102e anniversaire de Suzanne.

EN 2015

Ah! La vie!

Elle réserve toutes sortes de surprises. Une année sabbatique avec les enfants à l'étranger, par exemple.

Jean-Pierre a pris sa retraite un an plus tard que prévu, en juin 2007. «On était supposé sarrêter en 2006 et on a poursuivi une année de plus», confie-t-il.

Avec neuf ans de retard sur le programme établi en 2005, Suzanne va prendre la sienne en avril prochain.

Elle a 57 ans. Il aura 65 ans au printemps.

Leur plan était pourtant bien arrêté.

Première modification: le couple a conçu le projet de passer un an à l'étranger avec ses enfants d'âge primaire, pour leur permettre d'apprendre l'anglais. Ils sont partis à l'été 2007, lorsque Jean-Pierre a finalement pris sa retraite.

De son côté, Suzanne y a consacré un congé sabbatique d'un an avec salaire différé.

Pendant que les enfants fréquentaient l'école locale, les parents parcouraient les environs. Le bonheur.

À l'été 2008, il a tout de même fallu revenir au pays. Nouveau retraité, Jean-Pierre s'est occupé. «Il y avait pas mal de réparations de maison à faire. On a tout refait la cuisine, on a ajouté une salle de bains. Au total, près de 100 000$. J'ai pas mal pris mon temps pour ça. Puis mon employeur m'a offert la même job. Suzanne m'a dit non.»

«Non! répète-t-elle. Et c'était le plan, aussi! Normalement, on devait arrêter tous les deux. C'était clair.»

Pourtant, elle-même n'a pas pris sa retraite comme prévu après son retour de l'étranger. Une offre intéressante et des changements chez son employeur l'ont incitée à reprendre le collier. Elle y est encore, et toujours avec plaisir.

Gros mots

Bon, allons-y immédiatement avec les gros mots. Jean-Pierre et Suzanne sont millionnaires. Ce n'est pas eux qui le disent - ils sont simples et discrets.

Mais les chiffres parlent pour eux.

Ne leur en faites pas le reproche: que voulez-vous, ils ont épargné dès leur jeunesse et leurs épargnes ont fructifié.

En 2005, Jean-Pierre et Suzanne avaient déjà accumulé à eux deux un peu plus de 1 million en épargne. Ils touchaient de bons salaires, sans toutefois qu'on puisse les qualifier de mirobolants: entre 70 000 et 80 000$.

Bien sûr, l'arrivée tardive des enfants - 46 et 39 ans à la naissance de l'aînée - leur avait permis d'engranger des surplus budgétaires. Mais il y avait autre chose: Jean-Pierre applique une philosophie très stricte à l'égard des intérêts.

«Au lieu de payer de l'intérêt, on m'en a toujours payé, résume-t-il. Les seules dettes que j'ai eues ont été mes prêts étudiants. Ma première voiture a été payée au bout de trois ans, et ensuite, j'ai toujours payé les dépenses que je faisais.»

Il a acheté sa première maison comptant (une modeste demeure en région), dans les années 80. Suzanne avait presque terminé de payer la sienne quand ils ont acheté une propriété ensemble, une petite maison de plain-pied en Montérégie. Comptant aussi.

Les voitures? Toujours comptant.

À l'inverse, Jean-Pierre estime avoir maintenu depuis neuf ans un rendement annuel moyen de 9% sur ses placements, soit environ 7% en sus de l'inflation. Il faut dire qu'il a su éviter la débâcle de 2008-2009 en vendant en juillet 2008 toutes ses actions, qui occupaient pourtant près de 40% de son portefeuille. «Un coup de dé», dit-il.

Il a ainsi transformé en liquidités une valeur boursière de 500 000$.

Le couple détenait environ 1,6 million en juillet 2008. En mai 2009, au lendemain de la tempête, leur portefeuille valait encore 1580 000$. Jean-Pierre a réinvesti ses liquidités sur le marché boursier au courant 2009.

En mai 2014, le couple possédait 1,398 million en REER, 85 000$ en CELI, 580 000$ en placements non enregistrés.

Au total: des épargnes de 2,063 millions, incluant le petit héritage des parents de Jean-Pierre.

On pense dépenses

La planification financière de 2005 s'appuyait sur des dépenses annuelles de 60 000$, soit 70 000$ en 2014, avec l'ajustement au coût de la vie.

En 2009, ils ont fait préparer une nouvelle planification financière. Elle prévoyait pour le ménage des dépenses de 70 000$ par année jusqu'en 2015 et de 60 000$ à partir de 2016, au moment où Jean-Pierre atteindrait 66 ans.

Quelle est la réalité? «Les dépenses depuis 2008 se sont maintenues autour de 65 000$ par année, indique Jean-Pierre. Des rendements un peu plus élevés que prévu et des dépenses un peu plus basses que prévu.»

Suzanne gagne à présent environ 98 000$ par année.

«On vit avec ton salaire, lui lance-t-il. Le coût de vie représente à peu près son salaire net.»

Jean-Pierre ne touche aucune rente de retraite. Depuis 2009, il décaisse environ 25 000$ par année, surtout pour payer les rénovations et les voyages.

À ce rythme, avec le régime de retraite auquel Suzanne contribue depuis quelques années, les épargnes du couple devraient se maintenir tout au long de leur retraite.

«Une mentalité de campagne, dans mon cas», décrit Jean-Pierre, fort du solide jugement terrien qu'il tient de ses origines rurales. «On ne dépense que ce qu'on a besoin», complète Suzanne.

Projets

Des projets pour la retraite? Peut-être l'achat d'une résidence secondaire à proximité de la montagne ou de l'eau, dont ils pourraient faire la location occasionnelle.

Leur fille aînée va entamer ses études universitaires en septembre prochain. La cadette entrera au cégep au même moment. Heureusement - et sans surprise, vu la discipline des parents -, les deux enfants bénéficient de REEE bien garnis.

Ah! La vie! «Il ne faut pas avoir peur, conclut Suzanne. Il faut avoir confiance. Et être débrouillard.»

Aide-toi, le Ciel t'aidera.