Josiane a 31 ans. Elle tient un budget. Son emploi l'amène à faire de l'éducation financière auprès des jeunes adolescents. Elle sait qu'il est important de planifier sa retraite. Malgré tout, son copain et elle n'ont pas encore réussi à mettre un cent de côté pour la vie après le travail.

«Pour l'instant, je me fie seulement à la Régie des rentes du Québec pour mes vieux jours, raconte-t-elle. C'est très décourageant.»

Son histoire relève davantage de la règle que de l'exception. Près de 85% des travailleurs québécois de 25 à 34 ans n'ont pas d'objectifs précis quant à leur revenu de retraite, révèlent des chiffres publiés en octobre dernier par Question Retraite, un organisme de sensibilisation sur le sujet.

Plusieurs raisons expliquent la difficulté qu'ont les jeunes à épargner. Dans la plupart des cas, c'est simplement qu'il y a des dépenses jugées plus urgentes.

«À 22 ou 23 ans, on vient de finir nos études. On a un premier emploi. On veut une maison, on doit acheter des meubles et probablement une voiture. Les priorités sont plutôt là», remarque Jacques Brouillard, planificateur financier chez Groupe Investors.

Sont-elles bien ordonnées, ces priorités? «Les jeunes veulent avoir une maison rapidement, souvent avant que leur couple ne soit solide. En cas de rupture, c'est coûteux. D'autres décident d'épargner, mais n'ont pas éliminé leurs dettes, qui leur coûtent plus cher que ce que rapportent leurs placements.»

La présidente de Question Retraite, Jocelyne Houle-LeSarge, donne le même son de cloche. «Quand il fait froid, il faut chauffer, convient-elle. Mais quand on fait son budget pour la première fois, on s'aperçoit généralement qu'on surconsomme, que certaines dépenses ne sont pas nécessaires. Le hic, c'est que la majorité des gens n'ont pas de budget.»

Josiane, elle, travaille pour rembourser les dépenses liées à son éducation. «Je suis encore en train de payer mes dettes d'études. Mon copain aussi. Mettre de l'argent pour la retraite, ça vient en dernier lieu.»

Elle s'imagine déjà devoir étirer sa vie active très longtemps avant de pouvoir se retirer du marché du travail.

«Je n'aurai pas le choix. Je ne crois pas que les jeunes auront la chance des boomers de prendre leur retraite très tôt ou de profiter, comme mes parents, d'un généreux régime de retraite public.»

Le pessimisme est palpable. En 2003, 65% des travailleurs espéraient se retirer du marché du travail avant 65 ans, selon Question Retraite. L'an dernier, seulement 41% étaient du même avis.

Surdose d'information

La complexité du sujet pourrait être une des barrières qui dissuadent les jeunes de s'investir dans leur projet de retraite. «Lorsque le sujet est abordé publiquement, il n'est pas vulgarisé pour les jeunes. Ce n'est pas assez bien expliqué. C'est peut-être pour ça qu'on s'en soucie moins», estime Josiane.

Une autre partie de l'explication pourrait tenir à la confusion qui naît des conseils parfois contradictoires qui leur sont donnés et de la difficulté à séparer le bon grain de l'ivraie.

«Je trouve que les institutions financières ne font pas un bon travail lorsqu'elles disent que les REER sont bons pour tout le monde, dit Jacques Brouillard. Elles ne prennent pas le temps d'analyser la situation de chaque personne au cas par cas.»

Les jeunes couples, par exemple, n'auraient pas toujours un grand avantage à investir dans un Régime enregistré d'épargne-retraite (REER), selon lui. Lorsqu'un jeune gagne un salaire équivalant à celui qu'il prévoit faire à la retraite, il ne fera en réalité que reporter la facture d'impôts à plus tard s'il investit dans un REER. «Les CELI sont parfois de meilleurs véhicules pour leur épargne.»

Victime du progrès

Tout n'est pas noir. L'année 2014 semble avoir été marquée par une prise de conscience des jeunes face à la question de la retraite. Peut-être parce que les médias en ont beaucoup parlé.

En 2014, 41% des jeunes de 25 à 34 ans sondés par Question Retraite ont répondu consulter un professionnel de la planification financière sur une base régulière pour faire le point sur leur épargne retraite. En 2013, ils n'étaient que 33% à abonder en ce sens.

Il reste néanmoins du travail de sensibilisation à faire à propos de l'importance de bien planifier sa retraite, estime Jocelyne Houle-LeSarge. L'envers de la médaille, c'est que les jeunes qui réussissent à gérer adéquatement leurs finances peuvent aspirer à une retraite plus longue que jamais. «L'espérance de vie augmente. La retraite, ça peut être le tiers de notre vie», conclut-il.

Photo Robert Mailloux, La Presse

Jacques Brouillard, planificateur financier chez Groupe Investors.