Le rapport étroit entre les universités et les entreprises est souvent évoqué quand il est question de nouvelles technologies, de génie ou de la santé. Pourtant, les idées qui bouillonnent dans les secteurs du marketing, de la gestion de projets, des ressources humaines et de la gouvernance séduisent elles aussi quantité d'entreprises. Tour d'horizon.

SEGMENTER LE MARCHÉ AU SOCCER

L'AS Saint-Étienne est une marque emblématique du foot français. Mais depuis quelques années, ses produits dérivés ne se vendaient pas autant qu'espéré. Afin de trouver une solution, les dirigeants du club ont fait appel à un groupe de recherche de l'Université Laval. « Après avoir interrogé 4500 fans, on a identifié quatre profils : des nostalgiques, des authentiques, qui se sentent interpellés par des valeurs de communion et de combat, des super-fans, pour qui la marque était parfaite, et d'autres qui adoraient le club mais détestaient le côté business entourant le sport », explique Frank Pons. Avec ces informations, le club a réorganisé ses boutiques et segmenté son approche pour séduire tous les genres.

HORAIRES DE TRAVAIL COMPLEXES

Fondée à Polytechnique Montréal dans les années 80, la société Adopt a fusionné avec l'américaine Kronos pour atteindre les marchés internationaux. Sa spécialité : fabriquer des logiciels qui planifient des horaires casse-têtes, comme ceux des compagnies d'aviation. « Lorsqu'une compagnie opère 40 000 vols par mois, 24 heures par jour, sur plusieurs continents, avec le décalage horaire et toutes les conventions collectives à respecter, c'est très complexe de gérer les équipages, explique François Soumis. Notre système génère un horaire que des employés ne pourraient faire à la main. » Adopt Kronos s'occupe aussi des horaires de chauffeurs d'autobus dans près de 400 villes, comme New York, Singapour, Montréal, Tokyo ou Québec.

DIVERSITÉ DES CONSEILS D'ADMINISTRATION

Déterminé à convaincre les conseils d'administration de diversifier leur composition, Claude Francoeur a fait des recherches empiriques pour établir des liens entre la performance des entreprises et la présence de plus de femmes aux conseils. « Notre analyse des modèles financiers des entreprises démontre clairement que les groupes diversifiés performent mieux, car ils prennent des décisions basées sur un plus grand nombre de points de vue, souligne le professeur à HEC Montréal. On a donc tendance à encourager la diversité, dont celle des genres. » Depuis quelques années, des conférences sont offertes à des gens du milieu des affaires pour vulgariser le fruit de ces recherches en gouvernance.

OCULOMÉTRIE EN MARKETING

Souvent utilisée en psychologie, l'étude des mouvements oculaires fait depuis peu sa place en marketing. La technique permet de déterminer comment les consommateurs réagissent à une publicité, un étalage, un produit ou un site web. « Sur internet, par exemple, on souhaite découvrir où l'attention des usagers se pose. On vérifie si la publicité en haut à droite de telle taille a la même efficacité qu'une autre ou si un bouton est assez évident pour un consommateur », précise Abdel Mekki Berrada, professeur à l'Université de Sherbrooke. Pour l'instant, ses recherches se concentrent sur les données d'entreprises des médias, du commerce de détail et du voyage.

PRÉVOIR L'APRÈS-PROJET

Évaluer la performance et la valeur ajoutée d'une organisation, c'est une chose. Réaliser la même analyse pour un projet temporaire, c'en est une autre. La chaire de gestion de projet de l'ESG UQAM se penche actuellement sur la question. « On veut explorer les pratiques pour anticiper, évaluer et mesurer les bénéfices, longtemps après la fermeture d'un projet », affirme la professeure Monique Aubry. Subventionnée par le Project Management Institute, la plus grande association en gestion de projets du monde, la recherche a débuté le 1er janvier 2016 et se poursuivra pendant deux ans. La chaire va collaborer avec quatre organisations, dont la Société de transport de Montréal et le Centre universitaire de santé McGill.

LA RÉTENTION DES SAVOIRS CRITIQUES

Avec le projet Héritage, Laurent Simon veut cartographier les meilleures pratiques des entreprises. Spécialement en aéronautique, un domaine où 30 % des employés partiront à la retraite d'ici cinq ans. « On met en place des ateliers afin que les employés explicitent leur bagage avant de quitter leur poste. On fait une analyse du processus pour capter chaque étape. On évalue la nature des connaissances utilisées, si elles ont été formalisées et si on peut en tirer une recette, en les codifiant ou en les écrivant. » Il établit aussi des pratiques de mentorat et des situations de partage afin que les employés échangent en profondeur sur un sujet difficile à modéliser. Ses partenaires sont Bombardier Aéronautique, Pratt & Whitney, Héroux-Devtek et Hutchison.