Votre entreprise travaille sur une idée de produit. Après quelques tentatives, puis des ajustements, ça y est, le prototype fonctionne! Quelle est la marche à suivre ensuite pour tirer profit de tous ces efforts? Des experts se penchent sur la question.

Prendre le contrôle de sa propriété intellectuelle

Matérialiser une idée ou assembler un prototype implique souvent plus d'un individu. Des employés, des consultants, des entreprises sous-traitantes et des maisons d'enseignement participeront à la mise au point d'une innovation, et pourraient un jour revendiquer des droits sur celle-ci.

Pour maintenir votre contrôle sur l'invention, signez une entente qui vous garantit les droits exclusifs de propriété intellectuelle avec chacun d'eux. C'est la première des étapes vers la protection, selon Jacques Bernier, associé principal de Teralys, un investisseur de longue date qui connaît bien le milieu de l'innovation.

« On voit souvent que ce travail a mal été fait, dit-il, et ça peut devenir problématique quand vient le temps de faire une ronde d'investissement, par exemple. Il faut que l'entrepreneur "nettoie" tout ce qui est lié à la propriété intellectuelle, et qu'il détienne les droits. »

C'est vrai pour ce qui peut faire l'objet d'un brevet, mais aussi pour tout ce qui touche à la marque de commerce ou tout aspect de la propriété intellectuelle.

Vérifier ce qui existe déjà

En parallèle vient la recherche. Après tout, on ne pourra revendiquer une invention si elle fait déjà l'objet d'un brevet ou d'une demande de brevet.

« Faire une recherche très exhaustive et large autour de ce que l'on fait est primordial, souligne Jacques Bernier. Ça empêche de gros maux de tête éventuels. »

Selon lui, un entrepreneur peut se charger lui-même de cette étape, ou la déléguer à un spécialiste, comme à un agent de brevet.

Ce dernier déterminera non seulement quels sont les brevets concurrents à celui qu'on souhaite déposer, mais vous indiquera aussi ce qui peut faire l'objet d'un brevet dans votre invention. Un service qui coûte entre 3000 et 4000 $, selon Brian Daley, associé chez Norton Rose Fulbright, mais qui vaut la peine parce qu'il permet d'enclencher le processus de protection plus rapidement, et d'éviter qu'une maladresse vienne entraver l'obtention du brevet.

« Il faut toujours déposer le brevet avant de divulguer son invention. Si un entrepreneur invente quelque chose qui est brevetable et le montre à un client potentiel, ça pourrait être considéré comme une divulgation de preuve au public, et nuire à l'obtention du brevet. »

- Brian Daley, associé chez Norton Rose Fulbright

Le conseil d'entamer des recherches tôt dans le processus vaut aussi pour les marques de commerce, souligne Catherine Bergeron, agente de marques et associée chez Robic.

« On peut avoir une mauvaise surprise si on attend l'étape de commercialisation avant de vérifier si un nom de marque de commerce est disponible ou pas. »

Déposer sa ou ses demandes

Si l'agent et vous déterminez qu'il y a une possibilité de breveter l'invention, c'est le moment de passer à l'étape suivante : celle du dépôt du brevet. Une étape qui coûte de 2000 à 5000 $ si vous faites affaire avec un bureau spécialisé, selon Brian Daley.

Attendez-vous à un long processus d'au moins deux ans, informe ce dernier. Une fois qu'un agent de l'Office de la protection intellectuelle du Canada (OPIC) jettera un oeil à votre dossier, il pourrait demander une série d'amendements.

Des étapes qui prolongent le processus, et augmentent les coûts, sans toutefois garantir l'obtention éventuelle du brevet.

Le processus d'obtention d'une marque de commerce est pour sa part beaucoup plus simple, explique Catherine Bergeron, et dure environ 18 mois.

« Même si les demandes d'un brevet et d'une marque de commerce pour un même produit se font toutes les deux à l'OPIC, elles suivent des chemins différents, dit-elle. C'est vrai aussi pour les dessins industriels : toutes ces protections sont indépendantes et se superposent éventuellement. »

À ce sujet, la spécialiste souligne l'éventail de ce qui peut être protégé comme « marque de commerce ».

« Au-delà du nom, il peut y avoir une couleur, un logo ou une forme particulière qui se protège, dit-elle. La bouteille de Perrier ou la forme de la Toblerone sont des exemples. »

Selon elle, il est toutefois difficile d'obtenir pareille protection avant la commercialisation d'un produit. « Pour aller chercher ce genre de protection, il faut démontrer que le consommateur associe la forme du contenant au produit qu'il contient indépendamment de sa marque », ajoute-t-elle.

Obtenir la protection, et faire valoir ses droits

Bravo, au bout de plusieurs mois d'attente, on vous accorde un ou des titres de propriété intellectuelle. Ils vous seront ensuite utiles pour obtenir une protection similaire dans d'autres territoires. Mais là ne s'arrête pas l'histoire d'un brevet. Vous pourriez avoir à revendiquer vos droits.

C'est que certaines sociétés aux poches plus profondes profitent parfois de la vulnérabilité de plus petites entreprises pour les traîner en cour et contester le brevet. Sinon, elles pourraient copier votre innovation.

Brian Daley reconnaît ces possibilités, mais soutient du même souffle que le brevet est la seule façon de se lancer dans la commercialisation avec confiance.

« Si vous voulez commercialiser quelque chose et que vous n'avez pas la protection d'un brevet, vous risquez d'être copié et de n'avoir aucun recours judiciaire possible, dit-il. Si vous voulez trouver des investisseurs ou vendre à l'étranger, il faut détenir une protection. »