Au printemps dernier, les producteurs d'alcool québécois, détenteurs d'un permis artisanal, ont appris qu'ils pourraient vendre bientôt leurs produits (contenant moins de 16 % d'alcool) dans les épiceries et les dépanneurs. Détenant un permis industriel, les Vergers Pedneault étaient déjà sur ce marché depuis 2006. Le succès ne s'est toutefois pas avéré, si bien que l'entreprise a pris la décision de délaisser ce créneau, préférant ouvrir ses propres boutiques.

Établie à L'Isle-aux-Coudres, l'entreprise Les Vergers Pedneault n'a aucune difficulté à attirer les touristes et à vendre ses produits durant l'été. Il faut dire qu'Éric Desgagnés, copropriétaire et responsable du marketing, est aussi président de Tourisme Charlevoix. « Quand je vais dans un salon agroalimentaire, je remets toujours des guides touristiques de l'île. Ça fonctionne, on fait la moitié de notre chiffre d'affaires durant la saison touristique », souligne le producteur.

Ces produits ont aussi la cote puisqu'ils sont créés avec des variétés de pommes rares qui n'existent pratiquement plus dans la province, comme la Wealthy ou l' Alexandre. 

« Notre climat a permis de conserver des pommiers qui ont presque 100 ans. Ces pommes donnent un goût unique aux cidres. À cela, on ajoute nos poires, prunes, cerises avec lesquelles nous faisons aussi des alcools. » - Éric Desgagnés

APRÈS LES TOURISTES

Une fois que la saison froide a pris racine, l'île devient un endroit plus tranquille et rares sont ceux qui vont y faire une excursion. Avec plus de 100 000 bouteilles et une offre de 25 produits alcoolisés, sans parler de tous les autres produits transformés (confitures, beurres, sirop, etc.), la bête est grosse pour la laisser hiberner tout l'hiver.

En 1999, l'entreprise a naturellement cogné à la porte de la Société des alcools du Québec (SAQ) quand elle a commencé à produire des alcools. Elle a réussi à y avoir une place sur les tablettes, mais la machine commerciale des Vergers Pedneault n'était pas assez forte. « C'est une mise en marché qui demande des énergies considérables. Il faut avoir au moins deux ou trois personnes constamment sur la route pour pousser nos produits. Une entreprise comme la nôtre ne peut pas se permettre cela », affirme M. Desgagnés.

Vient alors le marché des dépanneurs et des épiceries. Les Vergers Pedneault ont déjà eu près de 100 points de vente dans ces types de commerces, mais les ventes n'ont pas été au rendez-vous.

Difficile de faire concurrence aux produits bon marché, plus populaires et, surtout, déjà connus. Sans parler des marges bénéficiaires minces et des problèmes de distribution. 

« Nous sommes près de Québec, mais Montréal, c'est loin de chez nous. Le transport coûte cher et il arrive souvent que la marchandise soit endommagée quand elle arrive. » - Éric Desgagnés

OUVRIR SES BOUTIQUES

L'homme d'affaires est heureux de cette nouvelle vitrine pour les viticulteurs et autres producteurs d'alcool, mais il se demande si l'impact sera aussi positif qu'espéré. « N'importe qui va vouloir entrer dans ces créneaux. On va tasser qui pour faire de la place aux produits québécois ? Quels seront les coûts pour avoir un espace ? » Selon lui, ce sont les plus gros qui risquent de tirer leur épingle du jeu. « Financièrement, quelqu'un qui obtiendra des ententes avec des dépanneurs ne fera pas des livraisons toutes les semaines et quand il en fera, ce sera une caisse. Faire 10-12 km pour livrer une caisse, où est le profit ? »

Aujourd'hui, on retrouve les produits des Vergers Pedneault dans quelques épiceries seulement, mais ils sont offerts en tout temps dans les quatre boutiques. Une décision salutaire pour l'entreprise qui a vu ses volumes de vente augmenter considérablement. « Nous avons une boutique à Baie-Saint-Paul, une à La Malbaie et deux à Québec, dont une dans le Petit Champlain. Je vends plus dans ces 4 endroits qu'en étant dans 100 dépanneurs. Nous allons continuer d'ouvrir des boutiques toujours dans des lieux de fort achalandage. »

En attendant, les entrepreneurs misent toujours sur leur île et cherchent sans cesse des idées pour augmenter son attrait. Le but : que les touristes continuent de s'y presser et qu'ils laissent encore plus d'argent dans l'économie locale. « Nous tentons cette année la culture de safran. Qui sait où cela va nous mener. C'est un attrait supplémentaire. »

LES VERGERS PEDNEAULT EN CHIFFRES

1918

Année de plantation des 300 premiers pommiers et arbres fruitiers sur la terre ancestrale de L'Isle-aux-Coudres dans Charlevoix.

1999

Première mise en marché des cidres, des mistelles et création d'une vinaigrerie.

Une famille d'actionnaires

L'entreprise compte cinq actionnaires issus de la même famille : Michel Pedneault, Marie-Claire Pedneault, Jean-Baptiste Pedneault, Éric Desgagnés et Patrice Desgagnés.

30

Nombre d'employés, dont 13 ont des liens familiaux.

Photo Julie Roy, collaboration spéciale

Dans ces boutiques, l'entreprise laisse aussi une place à plusieurs produits agroalimentaires représentant Charlevoix. Une façon de faire connaître la région et de donner une vitrine supplémentaire aux artisans qui la composent.