L'idée était tellement bonne que les trois jeunes étudiantes ne pouvaient que se lancer en affaires.

Tout le monde les y encourageait. Leurs professeurs. Leurs collègues.

Une idée toute simple, pourtant.

Imaginez un sous-verre comme une étoile, dont les branches, à l'aide de petites pattes, s'accrochent au pied du verre à vin, de la flûte à champagne ou du verre à martini.

Dans une réception où chacun se déplace avec sa consommation, il protège les meubles et identifie de sa couleur vive le verre de son propriétaire.

Sarah Brousseau, Cléo Poirier-Muszynski et Marie-Christine Rondeau en ont eu l'idée en 2006, dans un atelier en deuxième année du programme de design industriel, à l'Université de Montréal. L'exercice consistait à concevoir et fabriquer - en six semaines! - un petit objet en 12 exemplaires, lesquels seraient vendus ensuite lors d'un frénétique événement tenu à HEC Montréal.

Les trois jeunes femmes avaient songé à ce sous-verre à griffes, taillé dans une mince feuille de mousse souple. Elles l'ont appelé Gluk.

Elles ont obtenu leur diplôme en 2009 et ont chacune suivi leur voie, mais le projet n'a jamais quitté leur esprit. Dès 2010, elles ont travaillé à la création de leur entreprise, qu'elles ont fondée l'année suivante sous le nom de Panoplie.

À corps et temps perdus

«On l'a fait à temps perdu au début, puis on l'a intégré dans notre horaire, raconte Sarah Brousseau. On se rencontre une à deux fois par semaine et on travaille chacune de notre côté sur différentes parties du projet.»

Elles ont d'abord soigneusement préparé leur plan d'affaires et l'ont ensuite présenté à divers concours d'entrepreneuriat. «À notre grande surprise, on en a gagné quelques-uns», narre la jeune femme.

Grâce aux bourses des concours, elles n'ont eu à investir que peu de leurs fonds propres. Ce qui faisait la qualité du projet pour l'atelier de design est également un avantage pour une production industrielle: une fabrication simple, un outillage minimal et peu coûteux, et la possibilité de ne produire que de petites séries.

Le sous-verre Gluk est taillé avec un emporte-pièce à 15 ouvertures - un peu à la manière des bonshommes en pain d'épices - dans une mousse d'éthylène-acétate de vinyle de 2 mm d'épaisseur. Le découpage est effectué par un manufacturier de Saint-Hilaire, à raison de séries de 1000 à 2000 pièces.

Elles ont également conçu un emballage transparent en polypropylène, une petite boîte qui met en évidence le kaléidoscope des 12 sous-verres. Ceux-ci sont emballés à Verdun par une entreprise qui favorise l'insertion au travail de personnes handicapées. «Au début, on le faisait nous-mêmes, mais ça nous prenait beaucoup de temps et ce n'était pas très efficace pour la gestion de l'entreprise», souligne Sarah Brousseau.

Produire plus, produire mieux

La boîte de 12 sous-verres Gluk, de couleurs assorties, se vend 15$. Une édition limitée, taillée dans une mousse imprimée de motifs, coûte 11$ pour une boîte de six.

Ils sont vendus dans une trentaine de boutiques spécialisées en Ontario et au Québec et distribués en ligne aux États-Unis sur le site Solutions USA.

L'intérêt a été instantané. Dès son lancement, Gluk a paru dans le catalogue d'objets-cadeaux de Montréal Ville Unesco de design. En janvier 2012, les trois designers ont été invitées à participer au New York International Gift Fair.

La distribution demeure cependant un grand défi. «On souhaiterait que Gluk soit plus présent partout, mais on n'a pas le moyen ni le temps de se déplacer pour le vendre», déplore Mme Brousseau.

Un distributeur demandera une commission, ce qui soulève la question du coût de fabrication. Les feuilles de mousse sont achetées aux États-Unis d'un revendeur qui se les procure en Asie. «On a essayé de contacter des entreprises directement en Asie, mais les quantités minimales sont incroyables.»

Comment bâtir durablement sur une bonne idée?