Wrebbit et ses casse-tête 3D seront de retour cet automne: sept modèles seront lancés, dont Hobbiton, le bucolique village du nouveau film Le Hobbit.

L'entreprise d'origine, achetée en 2005 par l'américain Hasbro, s'est éteinte.

Quand il a fondé la nouvelle entreprise Wrebbit 3D, au début de l'année 2012, Jean Théberge, vice-président aux affaires juridiques au sein de l'entreprise d'origine, a battu le rappel des anciens. Ils ont répondu comme la Vieille Garde à l'appel de Napoléon.

Il présente ses collègues un à un, tout en faisant le tour de ses locaux, dans l'arrondissement d'Anjou. Voici son adjointe Linda Gallagher. Le designer industriel Éric Bergeron, qui conçoit les casse-têtes. Le graphiste et photographe Jean-Marc Guérin. Et puis Rosa Carnero, à la fabrication...

Le créateur du Puzz3D, Paul Gallant, mort en 2011, n'est pas de la nouvelle aventure, mais son fils Éric s'est associé à Jean Théberge. Directeur de la création, il illustre les surfaces des casse-tête. Tous avaient travaillé chez Wrebbit auparavant.

«On a tous une grenouille tatouée sur le coeur», s'exclame Jean Théberge.

Tout recommencer

Jean Théberge rêvait depuis longtemps de relancer les casse-tête en trois dimensions.

Il a d'abord tenté d'obtenir une licence de Hasbro. Les discussions allaient bon train quand le géant américain lui a annoncé, à la fin de 2011, qu'il préférait vendre l'entière division des casse-tête. Paradoxalement, Jean Théberge s'en est trouvé soulagé. Dédouané, il pouvait foncer sans arrière-pensée.

Coup de chance, apprend-il, le brevet canadien du puzzle 3D, dont Hasbro détenait toujours les droits, venait à échéance à l'automne 2011. Les brevets américain et européens tombaient caducs en 2012. Dès lors, la voie était libre.

Quel nom donner à l'entreprise naissante? Jean Théberge découvre que Hasbro avait enregistré la marque de commerce Puzz3D, mais pas le nom de l'entreprise Wrebbit. Il nomme son entreprise Les casse-tête Wrebbit (Wrebbit Puzzles inc. en anglais), et il enregistre la marque de commerce Wrebbit 3D.

Il prévoit d'abord lancer quatre nouveaux modèles architecturaux, dont le Taj Mahal et la tour de Big Ben, qu'Éric Bergeron et Éric Gallant devront concevoir.

Mais il apprend que Peter Jackson prépare son film Le Hobbit. Il conservait un vif souvenir du succès des modèles du Seigneur des anneaux. Il tente sa chance auprès de Warner, où il avait conservé des contacts. Il obtient la licence pour Le Hobbit en mai 2012, et du même coup, celles des anciens modèles du Seigneur des anneaux, dont Warner avait conservé la propriété.

«C'était la clé du plan de match», lance Jean Théberge. Il venait de gagner trois modèles déjà conçus - une économie de cinq mois de travail pour chacun. Son équipe a refait le village Hobbiton, pour l'adapter aux images du nouveau film. Il avait dès lors sept produits dans son catalogue.

Warner ouvrait ainsi une porte que Wrebbit n'aurait pas à défoncer. L'effet n'a pas tardé à se faire sentir. En août dernier, Wrebbit a reçu une commande de 10 000 casse-tête de la chaîne de libraires Barnes&Noble, qui compte plus de 600 points de vente.

Jean Théberge est convaincu qu'il existe encore un marché pour les casse-tête 3D, «mais pas celui d'antan».

Plutôt que le volume et les grandes surfaces, le Wrebbit nouveau cru vise la qualité et la difficulté - bref une clientèle de connaisseurs. Sur l'une des façades du château de Neuschwanstein, qu'il est en train d'illustrer, Éric Gallant montre les subtiles variations de teinte dans la pierre et le délicat travail d'ombrage, qui semblent donner une nouvelle profondeur à ce trompe-l'oeil. Un visiteur a eu ce commentaire: ce n'est plus seulement de la 3D, c'est de la HD.

«Notre objectif, et je pense qu'on va l'atteindre, est d'augmenter la production de 10 0000 à 120 000 unités durant la première année, ce qui serait exceptionnel», s'enthousiasme Jean Théberge.

Petit train va loin

Pour l'instant, le papier est imprimé chez Transcontinental, laminé sur la plaque de mousse à Cornwall, laquelle est découpée à la matrice chez Gravure Choquet, à Saint-Léonard, puis décortiquée et mise en boîte dans les locaux de Wrebbit. «Tout est fait ici», se réjouit Jean Théberge.

Le succès et les revenus affluant, il rapatriera sans doute dans son usine l'une ou l'autre des opérations. Mais pas de gestes intempestifs.

«Small is beautiful, dit-il. On a appris.» Il montre fièrement la machine qui décortique les plaques en pièces détachées et les met en boîtes. «Cette chaîne de production compte trois personnes. Avant, il en fallait six ou sept pour faire le même travail.»

Il n'est pas question non plus de multiplier les modèles. L'une des premières décisions d'Éric Gallant a consisté à réduire le nombre de formats de plaques de mousse - il y en avait huit autrefois. Un seul format suffira à présent. La plaque de 28 po sur 40 po accueille un casse-tête de 800 pièces, ou deux de 400 pièces. Un casse-tête de 1500 pièces nécessitera deux plaques.

Conserver l'avance et gérer l'innovation

Wrebbit 3D n'a plus à se soucier des brevets, mais ses concurrents non plus. Qui les empêchera de copier les casse-tête du fabricant québécois? Déjà, à la fin de 2011, le géant allemand Ravensburger a lancé des casse-tête architecturaux en plastique.

«Il faut être meilleur que la compétition et offrir ce que les consommateurs veulent vraiment: un casse-tête qui donne du défi», énonce Jean Théberge.

Il compte sur le talent et l'expérience de son équipe. «Nous sommes une nouvelle entreprise qui commence avec un rodage de 20 ans», explique son associé Éric Gallant.

Mais comment et où innover pour conserver cette avance?

UN PEU D'HISTOIRE

Le casse-tête en trois dimensions Puzz3D est inventé par Paul Gallant à la fin des années 80. Il lance le produit sur le marché en 1991. C'est un succès mondial. Au plus fort de la vague, en 1997, les ventes au prix de gros atteignent 80 millions de dollars.

Paul Gallant vend Wrebbit au géant canadien Irwin Toy en 2001. Un an plus tard, Irwin fait faillite. Paul Gallant rachète aussitôt les actifs de Wrebbit et relance l'entreprise. Il cède à nouveau Wrebbit en 2005, à Hasbro, cette fois. Hasbro ferme l'usine de Montréal et ne conserve que quelques-uns des créateurs de Wrebbit. Sans soutien ni intérêt de la part des dirigeants, le Puzz3D disparaît.

De 1995 à 2005, les ventes ont totalisé 500 millions de dollars de ventes en gros, soit un milliard au détail. Plus de 250 modèles ont été produits.