Non, l'électronique n'est pas condamnée à émigrer en Asie.
M2S Électronique, petit fabricant de composantes électroniques établi à Québec, survit sur le marché nord-américain. Mieux, il croît sur le marché américain.
Cette croissance sera même son principal enjeu au cours des prochaines années: il lui faudra suivre le rythme de ses clients sans s'essouffler.
Le péril chinois
Fondé en 1981, M2S Électronique offrait des services de sous-traitance pour la conception et la fabrication de circuits électroniques.
La récession de 2009 a toutefois forcé l'entreprise à redéfinir sa mission.
«On a profité de la crise économique pour investir», relate son président, Mario Marcotte. Pourtant, beaucoup de petites entreprises similaires n'avaient pu traverser la tourmente. «La clé du succès, dit-il, est de conserver l'entreprise en bonne santé financière pour que, si des événements comme celui-là surviennent, on puisse réagir et se préparer à la relance.»
M2S a réagi. Beaucoup.
Première étape, elle a donné un électrochoc à son modèle d'affaires.
La Chine, ont observé les gestionnaires, est imbattable pour les produits électroniques peu complexes et à grand volume. Si on ne pouvait vaincre les Chinois, mieux valait s'en faire des alliés et leur sous-traiter la fabrication de ce type de produits.
M2S a retenu huit partenaires chinois, après en avoir visité 80.
L'entreprise québécoise s'est réservé la fabrication de produits à plus faible volume, mais plus complexes et à grande valeur ajoutée. «Chez nous, énonce Mario Marcotte, on ne parle pas de capacité de production, mais de faculté de production.»
Il a fallu améliorer l'équipement de production. Heureusement - ou malheureusement, selon le point de vue -, plusieurs entreprises malmenées par la crise soldaient leurs machines.
«Pour la partie asiatique, résume-t-il, on a transformé la menace en occasion d'affaires.»
Renouveler l'innovation
Le service de recherche et développement a subi lui aussi les effets de cette réorientation. Auparavant, la R&D était principalement mue par les demandes des clients. Depuis deux ans, M2S propose également à ses clients des produits innovants, qu'elle met au point ensuite et dont elle conserve la propriété.
Un exemple? M2S vient de conclure une entente avec Hydro-Québec d'environ 14 millions de dollars sur 10 ans pour un projet qu'elle lui avait proposé - un système de gestion des télécommunications en fonction des urgences, à l'usage des postes et centrales électriques.
«J'ai reçu la première commande, se réjouit Mario Marcotte. C'est un bon de commande de 1,1 million à livrer avant la fin mars 2013.»
Croissance rapide
Avec cette nouvelle orientation, Mario Marcotte a confié au directeur général les rênes des opérations, pour se concentrer lui-même sur les projets stratégiques - «les projets à grand volume qui pourraient ajouter un ou deux millions supplémentaires par année à la croissance normale de nos clients actuels».
«Cette modification au modèle d'affaires nous a permis d'aller chercher plusieurs nouveaux clients, mais dans une période où tout le monde était au ralenti, déclare-t-il. Ce qui fait que quand tout le monde repart, ça repart en grande.»
Et c'est ce qui s'est produit.
«Notre grand enjeu est de conserver nos clients, nous assurer de l'offre et de suffire à la croissance en fonction des nouveaux services que l'on a mis en place lors de la récession. Les clients reprennent tous, il faut tous les satisfaire, et il faut grossir en même temps qu'eux. Pour nous, l'enjeu, c'est de bien gérer la croissance.»
Un peu d'histoire
Fondé en 1981, M2S Électronique a longtemps fabriqué pour sa clientèle des circuits électroniques sur mesure. Le choc économique de 2009 a toutefois incité l'entreprise à céder à des sous-traitants chinois la fabrication de ses produits à faible valeur ajoutée, pour conserver dans son usine celle des circuits plus complexes. Le virage chinois a bouleversé l'entreprise... et ses employés. Ils craignaient de perdre leur emploi, alors que l'objectif consistait à en créer.
Il y a deux ans, l'entreprise comptait environ 75 employés. Ils sont maintenant près de 140. Pour les accueillir, la superficie de l'usine est passée de 20 000 pi2 à 33 000 pi2. Mario Marcotte vient de signer un bail pour une surface supplémentaire de 12 000 pi2, ce qui portera la superficie totale à 45 000 pi2.
Cette année, l'entreprise investira près d'un million de dollars, portant les investissements depuis 2009 à près de 3,5 millions.
Pendant l'année financière qui s'est terminée fin mars 2012, le chiffre d'affaires a grimpé à 15 millions, soit une augmentation de 50% en deux ans.