Cet article doit être bref et concis : productivité et communication l'obligent.

Il existe trois grands rapports entre les deux notions.

La communication peut accroître la productivité. Elle peut restreindre la productivité. Et elle peut aider à en faire accepter la nécessité.

« Mal communiquer, peu communiquer ou trop communiquer peut nuire à la productivité «, rappelle Diane Bazire, conseillère d'affaires en ressources humaines à la Banque de développement du Canada.

« Les entrepreneurs doivent apprendre à communiquer, soutient-elle. Leur comportement au quotidien, leur façon de communiquer avec leur employé, a un impact direct sur la productivité. «

Une simple promenade dans l'usine peut avoir un effet positif... ou négatif. « Si le propriétaire a l'air de mauvaise humeur ce matin-là, les employés vont penser que c'est parce que la compagnie va fermer, que quelque chose ne fonctionne pas «, observe la conseillère.

L'essentiel, soutient-elle, est de maintenir la régularité de la communication - sans toutefois réduire sa pertinence.

Car la multiplication des canaux augmente le risque d'usage excessif des technologies de l'information. Certaines grandes organisations en abusent et s'intoxiquent.

Chez les PME toutefois, «je vois plus de gens qui ne s'en servent pas assez», indique-t-elle.

De son côté, Jean-Marc Legentil, président de Bell Nordic, une firme de consultants en gestion de la production et de l'innovation, a observé que la communication en entreprise était insuffisamment structurée.

«Parce que la communication n'est pas innée, il faut la promouvoir et l'organiser», soutient-il.

Comment?

Il propose quatre moyens, dont il a pu observer l'efficacité.

Réunions informelles... fixes

La communication interpersonnelle directe est essentielle, particulièrement dans un contexte d'échange informel. Mais cet échange doit être encadré!

Jean-Marc Legentil suggère des réunions obligatoires, organisées à période fixe. Elles pourraient prendre la forme d'une rencontre à 16h, tous les jeudis, verre en main, pour échanger librement. Ou encore d'un dîner-conférence mensuel, où les aspects du métier sont commentés et débattus.

Les petits et grands problèmes, les interrogations les plus anodines comme les plus sérieuses peuvent alors être abordés sans contrainte.

Les ateliers d'amélioration continue

À l'intention des équipes en usine, une autre formule consiste en l'organisation d'ateliers d'amélioration continue.

Jean-Marc Legentil cite le cas d'un fabricant de pièces en sous-traitance pour Subaru, comptant quelque 125 employés, où les équipes d'employés et leur contremaître se réunissent à intervalle de trois semaines pour discuter de leurs tâches et des améliorations à y apporter.

«Le propriétaire fait le tour des équipes, assiste aux réunions à l'occasion, et si ses employés ont des questions à lui poser, ils peuvent le faire», décrit-il.

Les stations visuelles

Les stations visuelles sont des points de rencontre informels, sur les lieux de travail, où un panneau d'affichage ou un tableau permet de diffuser de l'information et de recueillir des idées en groupe.

Un hôpital du Wisconsin utilise cette méthode avec succès, assure M. Legentil. «C'est un moyen de communication très fort... et obligatoire», dit-il.

Institutionnaliser le Gemba

Enfin, il préconise d'institutionnaliser le Gemba, un mot japonais qui signifie (à peu près) «là où se trouve la réalité», ou «l'endroit véritable».

«Ça veut dire d'allez voir par vous-même, explique-t-il. Lâchez les systèmes informatiques, les rapports, les réunions. Laissez votre bureau et allez marcher sur le plancher et s'il y a des problèmes, les employés vont vous adresser la parole.»

L'OPINION DE MARC DUTIL

Dans sa plus simple expression, pour moi, la productivité, c'est l'élimination du gaspillage. Gaspillage de temps, gaspillage de ressource, gaspillage en répétitions... Techniquement, c'est de la non-valeur ajoutée, et c'est ce qu'on cherche à éliminer.

Chez Canam, le premier moyen que nous prenons pour améliorer la productivité, c'est d'exprimer notre intention de le faire, et d'exprimer qu'il n'y a pas de contradiction entre vouloir maintenir un bon niveau d'emploi et vouloir s'améliorer. Si on n'avait pas des usines bien équipées, on n'aurait pas 500 gars de plus dans les ateliers: on n'aurait simplement plus d'ateliers. C'est une discussion entre adultes sur le besoin de s'améliorer.

La productivité, il faut en parler, il faut la vouloir. Ce n'est pas tout le monde qui insiste là-dessus. Chez nous, nous en parlons depuis 50 ans. On veut être meilleurs, on veut s'améliorer. On a des programmes de reconnaissance, on fait tirer des prix, on met des photos sur les babillards, on montre des vidéos dans les cafétérias: on parle de l'amélioration.

Je passe beaucoup de temps à rencontrer les gens dans les usines, à parler des valeurs de Canam, à expliquer nos objectifs, à essayer d'avoir un peu de candeur à propos de nos imperfections. Il faut que les gens sentent qu'il y a quelque chose de partagé dans la communication.

Le vocabulaire est important. Quand le patron répète un message, que veulent dire les mots rentabilité, fiabilité, service, qualité? Ce qui importe, ce n'est pas la définition du dictionnaire, mais la définition commune de l'entreprise.

Cet automne, entre le 11 octobre et la mi-novembre, je vais rencontrer au moins 3000 employés de Canam, dans des présentations devant 50 à 60 personnes. Je fais des repas avec chacune des équipes de gestion sur les sites.

Il y a deux semaines, des copains d'affaires m'ont demandé si j'étais obligé de faire tout ça, si un vice-président ne pourrait pas s'en charger. J'ai répondu qu'une certaine communication ne pouvait pas être déléguée.

- Propos recueillis par Marc Tison

BÂTIR SUR LA PRODUCTIVITÉ

Marc Dutil, président et chef de l'exploitation du Groupe Canam, a refusé trois fois de participer au troisième et dernier cahier spécial PME qui, après la croissance et l'innovation, porte cette fois sur la productivité. Puis il a cédé. En regard de son agenda chargé et de son désir de discrétion, c'est dire l'importance qu'il accorde au sujet. Spécialisé dans la conception et la fabrication de produits de construction, Groupe Canam compte un demi-siècle d'existence.

Ses huit segments d'affaires emploient plus de 3350 personnes en Amérique du Nord, en Chine, en Inde et en Roumanie. Ses 20 usines spécialisées au Québec, en Alberta et aux États-Unis ont une superficie totale de 287 000 m2, avec une capacité de production combinée de 764 000 tonnes. Canam fabrique en usine et assemble sur chantier. Un seul exemple: le segment d'affaires Structal-construction métallique lourde vient de construire le toit ouvrant, composé de 8000 tonnes d'acier, qui couvrira le Miami Ballpark, futur domicile de l'équipe de baseball des Marlins de la Floride. On ne construit pas un tel édifice - ni une telle entreprise - sans un souci constant de l'amélioration continue et de la productivité.