«Un président d'entreprise m'a déjà dit que s'il n'avait pas choisi à l'avance où il voulait aller, il aurait perdu six mois sur 12 à analyser toutes les opportunités qui s'offraient à lui», raconte Jean Joncas, conseiller d'affaires chez BDC Consultation.

Heureusement, il avait en main un plan stratégique, qui lui rappelait quel était son port de destination.

Le plan stratégique analyse la situation actuelle de l'entreprise, définit ses buts et établit un plan d'action pour y parvenir. Il procure des balises de décision lorsqu'un événement ou une opportunité exige une décision rapide.

«Quand on participe à un exercice de réflexion stratégique, on raffermit les liens entre les gestionnaires dans l'entreprise et on s'établit des objectifs communs, observe Denis Perras, consultant principal en gestion et planification chez Vision Stratégique Optimum. Tout le monde travaille dans le même sens.»

Il n'est jamais trop tôt pour faire l'exercice. «Le plan stratégique est toujours nécessaire, aussi bien à la micro-entreprise, à la moyenne qu'à la grande, souligne-t-il. Le promoteur qui réussit est celui qui se fixe des objectifs et qui se trace des plans pour y arriver. C'est plus simple que de donner des coups d'épée un peu partout.»

Le plan stratégique s'étale le plus souvent sur trois ans, avec une révision annuelle. Il est courant de refaire le point par intervalles de trois mois, pour corriger la trajectoire selon les circonstances.

«Après deux ans, généralement, les actions sont réalisées à hauteur de 90 à 95%, poursuit M. Perras. On réévalue si le 5% qui reste est encore pertinent, et on identifie de nouvelles opportunités, de nouvelles menaces, de nouveaux défis, et on s'y attaque.»

Avec un nouveau plan, bien sûr.

UN PLAN DE ROUTE EN 6 ÉTAPES

1-D'abord, un bilan rapide des dernières années

Cet exercice permet de faire ressortir les «bons coups», et dans certains cas les mauvais, question de ne pas les répéter. On en tire des leçons utiles, dit Jean Joncas, conseiller chez BDC Consultation.

2-Un diagnostic de l'entreprise actuelle

Quelles sont nos forces, où sont nos talents, notre savoir-faire, nos avantages concurrentiels? «On jette également un regard sur ce qu'on appelait auparavant nos faiblesses, mais auxquelles on a attribué le titre plus positif d'améliorations à apporter», indique Jean Joncas. Les valeurs essentielles de l'entreprise seront aussi identifiées.

3-Un portrait de notre environnement

Le regard est ensuite porté vers l'univers dans lequel évolue l'entreprise, pour déceler les menaces et les occasions d'affaires. «On regarde tous les facteurs qui peuvent influencer notre secteur d'activité, décrit Jean Joncas: les règlements qui pourraient nous affecter, les nouveaux concurrents qui se pointent à l'horizon, les fusions et acquisitions...»

4-Se donner une vision

Sur la base de ce diagnostic, les dirigeants se réunissent pour se donner une vision. Elle doit répondre à une question: où souhaitent-ils mener leur entreprise dans un horizon de deux à trois ans?

Jean Joncas propose souvent un petit exercice de visualisation: «Décrivez en vos mots à quoi ressemblerait cette entreprise.»

5-Établir une stratégie

Une fois que les participants se sont entendus sur cette vision séraphique, ils établissent les stratégies qui leur permettront de la concrétiser, souligne Jean Joncas.

6-Élaborer un plan d'action

Pour chacune des stratégies, des projets concrets sont définis. «Il faut que ce soit mesurable, avise Denis Perras, consultant en gestion et planification chez Vision Stratégique Optimum. Lorsqu'on va faire le suivi, il faut être capable de déterminer si les actions sont faites, si on atteint les objectifs, si les processus d'affaires sont mis en place, etc.» La majorité de ces projets ont des échéances de six à 12 mois.

5 ÉCUEILS À ÉVITER

Faire l'exercice en vase clos

Mieux vaut faire appel à une ressource externe. «Règle générale, les gens à l'interne ne sont pas outillés de méthodes appropriées», affirme Denis Perras, consultant principal chez Vision Stratégique Optimum.

- N'impliquer que le patron

La planification stratégique ne doit pas être réservée au seul patron. «C'est une opportunité extraordinaire de réunir ses principaux lieutenants ou ses principaux talents, observe Jean Joncas, conseiller d'affaires chez BDC Consultation. C'est une affaire d'équipe qui va profiter à l'ensemble de l'organisation.»

- Réserver le plan stratégique à un cercle fermé

L'entrepreneur doit présenter son plan stratégique à l'ensemble de ses employés. «Chaque employé saura où s'en vont ses dirigeants, quels moyens ils se donnent pour y arriver», souligne Jean Joncas. Et chacun verra quelle contribution il peut y apporter.

- Ne pas tenir les employés informés

Les employés doivent être tenus au courant de l'avancement ou des échecs des projets du plan stratégique. «Il faut qu'ils sentent qu'on avance dans la bonne direction», affirme Jean Joncas.

- Laisser le plan prendre la poussière

«Il faut garder le plan d'action ouvert près de soi, conseille Denis Perras. On doit s'y référer régulièrement. Il ne faut pas le perdre de vue dans le feu de l'action des opérations.»

PME et croissance

Dès leur naissance, les PME commencent à croître.

Quels moyens doivent-elle prendre pour éviter les erreurs de jeunesse?

Pour ce premier cahier spécial PME sur le thème de la croissance, notre entrepreneur invité, Alain Bouchard, président d'Alimentation Couche-Tard, commentera les différents thèmes abordés.

Croissance, vous dites? M. Bouchard est, parmi les gens d'affaires québécois, celui qui a orchestré l'une des plus grandes expansions en Amérique du Nord.

Depuis l'ouverture de son premier dépanneur, en 1980, son entreprise s'est étendue au Québec, dans les Maritimes, en Ontario, dans l'Ouest, aux États-Unis, en Orient. Son univers compte maintenant plus de 5800 établissements et 53 000 employés.

Mais gérer la croissance n'est pas toujours facile, comme on a pu le voir avec les problèmes de relations de travail dans quatre dépanneurs du Québec.

Il faut dire que les marges bénéficiaires sont minces dans l'alimentation, et plus particulièrement dans le monde des dépanneurs (moins de 2%!).

Pour son dernier exercice, les profits nets de Couche-Tard sont de 370 millions pour un chiffre d'affaires de 19 milliards ... d'où l'importance de bien contrôler les dépenses.

En 31 ans, Alain Bouchard a réalisé des coups de maître. Il a fait des erreurs coûteuses. Il a appris, il apprend encore.

La croissance, il connaît.

L'opinion d'Alain Bouchard

Instinctivement, j'ai vite réalisé que j'avais besoin d'un plan stratégique. J'avais seulement 10 magasins. Mes partenaires me disaient que je n'avais pas besoin d'un plan, qu'ils savaient que je voulais être le plus gros au Québec. Mais je voulais qu'on s'entende sur des critères. J'avais tendance à partir à gauche et à droite. Le plan stratégique m'aide beaucoup à m'enligner.

Photo Olivier Pontbriand, collaboration spéciale

Alain Bouchard