Christiane Germain est coprésidente et cofondatrice du Groupe Germain Hospitalité. L'entreprise compte pour l'instant cinq hôtels Le Germain et cinq hôtels ALT.

L'industrie de l'hôtellerie est certainement une des plus anciennes. La plus vieille entreprise du monde est d'ailleurs une auberge japonaise ouverte en 770 (non, il ne manque pas un 1 devant le 7).

Mais l'ancienneté n'empêche pas l'innovation.

«L'innovation, c'est aussi avancer dans la vie, fait valoir Christiane Germain. Si tu es conscient que c'est important pour ton entreprise, tu essaieras toujours d'apporter des choses nouvelles, de garder vivante la curiosité des gens envers ton organisation.»

Une chambre d'hôtel est en principe assez simple: un lit, une salle de bains, une commode, un bureau. Quelle place l'innovation peut-elle y trouver?

«L'innovation n'est pas juste dans ce qu'on voit, soutient Mme Germain. C'est dans ce qu'on vit, c'est dans ce qu'on sent. Ce n'est pas toujours une question de changer nos vies. Quelquefois, c'est un petit quelque chose qui fait plaisir et qui incite à revenir, sans qu'on sache trop pourquoi.»

Ne pas avoir peur de sauter dans le vide

C'est peut-être aussi un gros quelque chose. «Innover, dit-elle, c'est sauter un peu dans le vide, mais il ne faut pas avoir peur de le faire.»

Elle l'a fait, presque de façon radicale, dès l'ouverture de son premier hôtel, en 1988.

«Replacez-vous dans le contexte, on a fait 126 chambres, dont 116 chambres n'avaient que des douches. Aucune baignoire. C'était du jamais vu.»

Pourquoi installer une baignoire dont les clients ne se serviront que pour se doucher?, se disait-elle. Mieux valait utiliser l'espace à meilleur escient.

«On a fait de belles douches. Mais ç'a été source de difficultés, surtout au niveau du financement. Les gens qui financent l'industrie hôtelière n'avaient jamais vu un hôtel sans baignoires.»

Ses financiers ont fermé le robinet. «Ils ne voulaient plus nous prêter de l'argent. On a ouvert l'hôtel en avril et on a réussi à se financer au mois de janvier suivant. Ç'a été un départ ardu, même si on a eu une bonne affluence dès le début. Quand on innove, il faut être prêt à vivre certains moments plus difficiles. Lorsqu'on fait quelque chose qui n'a jamais été fait, ce sera éventuellement payant. Mais sur le coup, ça peut être un petit peu fatigant.»

Ne pas craindre de se tromper

«Ça s'est toujours fait comme ça? J'aime beaucoup quand je me fais donner cette réponse. C'est une bonne raison de faire autre chose.»

Toutefois, l'innovation et l'audace ne sont pas nécessairement couronnées de succès. Christiane Germain peut en témoigner.

Elle avait songé à retirer les bureaux de travail de ses chambres d'hôtel. «Les gens utilisent de moins en moins un bureau pour travailler. Ils sont assis dans un fauteuil, sur leur lit. Un bureau et une chaise de travail prennent beaucoup de place dans une chambre.»

Les tests de la formule dans quelques chambres n'ont pas été concluants. «On est peut-être trop en avant de notre temps», juge-t-elle. Ce qui ne l'empêche pas de continuer à avancer.

«Il ne faut pas avoir peur de se tromper. Les gens veulent trop que ce soit parfait la première fois. Et pour cette raison, ils s'empêchent d'essayer. Or l'innovation, c'est essayer.

«On ne valorise pas assez le fait de faire des erreurs. Ça a l'air fou, ce que je dis? C'est important, pourtant. On apprend beaucoup de ses erreurs. Quelqu'un qui casse de la vaisselle, c'est parce qu'il en a transporté.»

C'est d'ailleurs ce qui a mené à l'invention de la desserte.