Pour certains, la gestion de l'innovation ne fait pas encore partie de l'ADN des PME québécoises. «Pour les entrepreneurs, l'innovation relève encore de l'aventure, de la chance ou de l'opportunité, affirme Jean-Louis Legault, président de l'Association pour le développement de la recherche et de l'innovation du Québec [ADRIQ]. S'ils ont le réflexe de sortir des sentiers battus, ils n'ont pas encore celui de planifier l'innovation pour qu'elle s'intègre bien à leur plan d'affaires.»

C'est l'un des principaux constats du rapport 2014 de l'ADRIQ, présenté lors du quatrième Forum InnovAction, les 8 et 9 octobre dernier. On y dresse un bilan de l'innovation au Québec dans le contexte mondial. Le document servira de base à la production d'un livre blanc.

«Nous avons un fossé à combler», estime Jean-Louis Legault. Il cite à l'appui les statistiques du Conference Board of Canada : 40 % des entreprises ne mesurent jamais leur innovation, près de 30 % le font de façon sommaire et moins de 8 % le font réellement.

Le chaos contrôlé

Pour inverser la tendance, le président de l'ADRIQ suggère d'implanter une culture de la gestion de l'innovation, non seulement dans les entreprises, mais aussi dans le système bancaire, au gouvernement et même au sein de la population. «On associe encore trop souvent l'innovation au risque et à l'incertitude, remarque-t-il. C'est vrai, mais les entreprises qui réussissent leur innovation sont celles qui savent contrôler le chaos provoqué par leur folie créatrice.»

L'ADRIQ recommande d'offrir des programmes d'accompagnement aux sociétés en croissance. «Il s'agit d'aider les entreprises à poser les bons gestes quand elles veulent innover, en leur offrant des outils et une expertise dans différents domaines, par exemple la propriété intellectuelle, le financement et la commercialisation», explique Jean-Louis Legault, ajoutant du même souffle que le Réseau-conseil en technologie et en innovation, qui s'est joint à l'ADRIQ en 2011, le fait déjà.

Selon M. Legault, les entreprises auraient aussi avantage à inclure le design thinking au début de leur cycle d'innovation, afin de mieux se mettre en mode exportation. «Si on conçoit un produit pour notre territoire, la définition de son design est assez simple, dit-il. Mais si on veut fabriquer quelque chose qui va survivre à l'extérieur de nos frontières, comme l'iPhone, le design nécessite plus de réflexion.»

Pas le choix d'innover

Soutenir les PME dans leurs efforts d'innovation est d'autant plus important qu'elles traversent une période où l'inventivité n'est plus un choix, mais une obligation. «En raison du ralentissement de la croissance démographique et économique, les entreprises se tournent vers de nouveaux marchés pour tirer leur épingle du jeu, et pour cela, elles doivent investir en innovation», observe Michel Bundock, premier vice-président et directeur général du Groupement des chefs d'entreprise du Québec.

Les multiples défis posés par la mondialisation, la pression des marchés ainsi que la rétention et la formation de la main-d'oeuvre incitent aussi les entreprises à déployer des trésors d'imagination. «L'innovation ne concerne pas que le produit, signale M. Bundock. Elle se fait aussi dans la finance, la gestion, les ressources humaines, etc.»

De son côté, Jean-Louis Legault pense que le contexte d'austérité budgétaire constitue une bonne nouvelle pour les esprits innovants. «Pour eux, ce sera un défi de trouver comment faire mieux avec moins, et ils vont adorer ça! s'exclame-t-il. Mais attention : le gouvernement devra tout de même couper sans nuire à la stimulation de l'innovation.» Le proverbe ne dit-il pas que la nécessité est la mère de l'invention?

En chiffres



40%

Entreprises qui ne mesurent jamais leur performance liée à l'innovation

12e

Rang du Canada dans le Global Innovation Index en 2014. Il était 8e en 2011

11%

Gains d'efficience générés par les entreprises qui innonvent

187 160

Nombre d'employés en R&D dans les entreprises du Québec. Ils étaient 198 500 en 2007

De 1,87% à 1,68%

Diminution des dépenses canadiennes en R&D en pourcentage par rapport au PIB du pays entre 2000 et 2012

Sources: ADRIQ Confernce Board du Canada, Global Innovation Index et Institut de la statistique du Québec