Les produits laitiers, le bois d'oeuvre et l'énergie : Donald Trump s'en est pris avec virulence aux échanges commerciaux avec le Canada dans les derniers jours. Malgré ces nuages, les PME québécoises continuent de brasser des affaires chez nos voisins du Sud.

Plus tôt cette année, le gouvernement du Québec a annoncé son intention de mener une offensive aux États-Unis pour promouvoir le commerce frontalier. Le projet progresse bien. « Chacun des partenaires a pris l'initiative dans son champ d'activité d'établir un dialogue avec ses pairs américains et de faire la preuve que l'entente de libre-échange (ALENA) doit non seulement demeurer, mais qu'elle peut être améliorée », explique Éric Tétrault, président de Manufacturiers et exportateurs du Québec (MEQ).

En plus de son organisme, le gouvernement est notamment épaulé par la Fédération des chambres de commerce du Québec et la Chambre de commerce du Montréal métropolitain.

Les dispositions actuelles sont satisfaisantes, selon Éric Tétrault. « Elles ont permis un accroissement des exportations de 221 % vers les États-Unis en ce qui nous concerne. Ç'a été très bénéfique pour eux également. » Les dirigeants d'affaires des deux côtés de la frontière discutent entre eux pour voir ce qui peut être fait. « Il n'y a pas d'action formelle pour l'instant, mais on sera prêts le moment venu », assure le patron de MEQ.

DE L'OPTIMISME MALGRÉ L'INCERTITUDE

La Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI) souligne que les gens d'affaires n'aiment pas l'incertitude. « La renégociation de l'ALENA pourrait affecter la productivité des PME québécoises en sol américain, admet son directeur des affaires économiques, Simon Gaudreault. Reste qu'on n'en est pas encore là. La relation entre le Canada et les États-Unis est très forte. »

Celui-ci constate par ailleurs que les entrepreneurs sont optimistes. « La FCEI publie le baromètre des affaires chaque mois. On pose une série de questions à un échantillon de nos membres pour établir un indice de confiance. Le mois dernier, au Québec, l'indicateur d'optimisme était bon : 65,7 % des chefs de PME estimaient que leurs affaires allaient bien, alors que seulement 17 % considéraient que la demande extérieure était insuffisante. Il n'y a pas encore d'inquiétude qui se matérialise. »

Les intervenants rappellent que la réalité n'a pas changé pour l'instant. Les liens commerciaux sont toujours en place, et les entreprises ne s'en privent pas. « Plusieurs compagnies ont un carnet de commandes bien rempli et investissent aux États-Unis », mentionne Simon Gaudreault, qui ajoute toutefois que la FCEI suivra de très près le dossier et qu'elle espère qu'on trouvera rapidement une solution à la guerre commerciale qui se dessine.

SE DIVERSIFIER

Tant du côté de la FCEI que de MEQ, on relève que l'occasion est tout indiquée pour se tourner vers l'étranger. « Ce dossier démontre qu'on est chanceux d'avoir un partenaire commercial majeur, qui nous donne plein de contrats et fait travailler des gens d'ici, mais ça nous rappelle aussi à quel point c'est important de diversifier ses marchés pour réduire sa dépendance envers les États-Unis », dit Simon Gaudreault.

Éric Tétrault opine : « Trump a annoncé clairement ses intentions. Les gouvernements du Canada et du Québec ont maintenant du travail à faire. Peu importe ce qui se passe, il faut se diversifier et travailler très fort sur notre capacité concurrentielle. C'est pour ça que le Canada a signé une entente avec l'Europe et amorcé des pourparlers avec la Chine. On devra devenir des exportateurs de classe mondiale. Il faut produire davantage à un coût encore moindre. Il faut se robotiser, s'automatiser, moderniser nos processus pour être moins soumis aux positions des autres États. »

En 2016, le Québec a exporté pour 10,8 milliards de dollars en Europe, une hausse de 9,7 % par rapport à 2015, selon Institut de la statistique du Québec. Le Vieux Continent a ainsi reçu 13,4 % de nos exportations. En Asie, nos exportations ont diminué de 0,6 % et ont totalisé 7 milliards l'an dernier. Leur part dans les exportations du Québec en 2016 a été de 8,7 %, selon l'ISQ.

L'EXEMPLE DE COVEO

Coveo n'est pas un nouveau venu aux États-Unis. La PME québécoise, spécialisée en technologies de recherche intelligente et prédictive pour entreprises, a entamé son aventure chez l'Oncle Sam il y a une dizaine d'années. Aujourd'hui, plus de 85 % de ses ventes sont réalisées au sud de la frontière.

Les commentaires de Donald Trump n'inquiètent pas du tout le PDG. « Pour le moment, l'économie va bien, et les entreprises investissent, souligne Louis Têtu. Dans notre domaine, la demande est là. Le retour sur investissement aussi. »

Celui-ci estime que Coveo est à l'abri parce qu'elle oeuvre dans un secteur très spécialisé. « Le protectionnisme potentiel prendra du temps à se rendre à nous. On ne vend pas des chaises, mais bien un produit difficile à remplacer. Notre meilleure protection, c'est d'être les meilleurs au monde. »