Les cryptomonnaies devraient-elles être considérées dans la planification de sa retraite ? Est-ce une bonne idée d'en avoir dans son portefeuille ? En général, les experts croient que non. Mais de petits épargnants et certains gestionnaires de portefeuilles ne sont pas aussi catégoriques. Tour d'horizon.

Prudence, dit l'AMF

À l'Autorité des marchés financiers (AMF), on invite les investisseurs à la plus grande prudence lorsqu'il est question de cryptomonnaies, ces monnaies virtuelles dont la plus connue est le bitcoin.

« Les investisseurs doivent savoir dans quoi ils s'embarquent, explique Sylvain Théberge, porte-parole de l'AMF. Ils doivent être conscients que, de par la nature du projet dans lequel ils sont prêts à investir, l'éventail de risque est tellement large qu'ils doivent assumer celui de perdre éventuellement la totalité de leur investissement. C'est très risqué, c'est très volatil et, dans certains cas, il y a beaucoup d'inconnu. »

M. Théberge, qui associe les cryptomonnaies à « une nouvelle façon d'aller chercher du capital de risque », rappelle que les monnaies virtuelles ne sont pas réglementées et qu'elles ne sont rattachées à aucune grande banque.

L'AMF, ajoute-t-il, a mis en place un « comité fintech » pour suivre l'évolution des cryptomonnaies. Il existe par ailleurs à l'AMF un centre d'information où les investisseurs peuvent s'informer sur les monnaies virtuelles.

Des partisans actifs

À ce jour, un seul projet québécois de monnaie virtuelle, l'Impak Coin, s'est tourné vers l'AMF pour développer son projet en conformité avec elle.

Dans la même mouvance, la société québécoise Investissements Rivemont a créé, en octobre 2017, le tout premier fonds canadien contenant différentes cryptomonnaies, dont le bitcoin et l'Ethereum.

Pour l'heure, le fonds attire deux types de clientèle, explique Martin Lalonde, président d'Investissements Rivemont. « Il y a, dit-il, des jeunes qui ont fait un profit en achetant des cryptomonnaies sur le web et qui veulent maintenant les intégrer dans leur REER ou leur CELI. Et il y a les clients fortunés qui croient dans notre produit. »

Même s'il considère que les cryptomonnaies sont « la classe d'actif la plus volatile sur le marché », Martin Lalonde croit énormément au potentiel de ce type de placement.

Intéressant, mais pas pour la retraite

« Pour la très grande majorité des investisseurs, les cryptomonnaies ne devraient pas faire partie de leur portefeuille d'investissements pour la retraite », indique pour sa part Alexandre Roch, professeur au département de finances de l'École des sciences de la gestion (ESG) de l'UQAM. « Beaucoup de risques spécifiques y sont associés : volatilité, liquidité, risque juridique et même le risque de participer indirectement à des activités de blanchiment d'argent. »

Michel Mailloux, consultant en conformité financière, formateur et président du Collège des professions financières, est du même avis. « C'est normal, quand on est jeune, dit-il, d'avoir des placements plus spéculatifs. Mais les cryptomonnaies ne sont pas des placements spéculatifs normaux. C'est l'équivalent d'un billet de loterie. On achète des billets de loto pour se faire plaisir à l'occasion, mais pas pour planifier sa retraite. »

D'ailleurs, selon lui, le bitcoin « est une mode » qui sert avant tout au blanchiment d'argent et à l'évitement fiscal. « La technologie de la blockchain qui est derrière, ça, c'est quelque chose de solide, dit-il. Si les gens tiennent absolument à acheter de la monnaie virtuelle, je conseille d'en acheter avec son CELI, parce qu'il n'y aura pas de pénalité d'un point de vue fiscal. »

Pour la retraite, mais modérément

Un informaticien montréalais de 48 ans, qui requiert l'anonymat pour des raisons professionnelles, est féru de cryptomonnaies. Il possède 10 bitcoins pour une valeur de 86 000 $. Il affirme avoir lui-même « miné » ses bitcoins il y a quelques années, alors que l'opération était relativement plus facile qu'aujourd'hui, dit-il.

Le bitcoin fait partie de son plan de retraite, mais « dans une faible proportion », dit-il.

« Je crois qu'en 2020, le bitcoin vaudra 25 000 $, 100 000 $ en 2025 et 250 000 $ en 2030. Une chose est certaine, si ma prédiction n'arrive pas, cela n'aura aucun impact sur le moment de ma prise de retraite. »

En investisseur avisé, il possède un portefeuille équilibré, des REER et un CELI bien garnis. Sa maison et son auto sont libres de dettes. « J'ai une situation enviable, Dieu merci ! », dit-il.