Ils sont dans la trentaine et sont très généreux. Mais ils refusent qu'on leur accole les étiquettes de philanthrope ou de mécène. Portrait de trois jeunes représentant la nouvelle génération de donateurs engagés qui veulent faire le bien autour d'eux.

Tout quitter pour la philanthropie

En 2014, Maud Doualan, 32 ans, a abandonné un emploi bien rémunéré dans le domaine des assurances pour se consacrer exclusivement à la philanthropie. «J'ai vendu mes actions de l'entreprise, je me suis inscrite au certificat en philanthropie à l'Université de Montréal et j'ai commencé à faire du bénévolat», dit cette diplômée en littérature française.

Aujourd'hui, elle est coordonnatrice de campagne pour la cathédrale Christ Church, cette jolie église au pied de l'édifice KPMG, rue Sainte-Catherine à Montréal. Il s'agit toutefois d'un contrat d'un an. Malgré cette précarité, Maud Doualan demeure aussi généreuse.

Tous les mois, elle verse 100$ à Centraide Montréal, où elle siège bénévolement au comité d'allocation. Et elle donne à gauche et à droite pour différentes causes. Ses dons en argent avoisinent les 1500$ annuellement. Outre Centraide, elle s'implique dans différents comités et organise des conférences.

«Pendant les 10 ans où j'ai travaillé en assurances, je m'occupais des campagnes de financement dans l'entreprise, explique Mme Doualan. La philanthropie m'a fait découvrir un monde de gens passionnés. Plus je me suis impliquée, plus j'en ai rencontré.»

Ses proches ont-ils été surpris, voire inquiets par ce changement de cap et, par conséquent, cette dégringolade salariale? «Au contraire, ils m'ont même encouragée», dit celle dont le goût du partage et de l'entraide lui vient de sa grand-mère française.

Pour la suite des choses, Maud Doualan compte terminer son certificat en philanthropie. Mais surtout, elle veut continuer à faire le bien et à conscientiser les gens sur le bien-fondé de l'entraide. «Je suis une "Y" très fière», dit-elle.

Prendre un virage inattendu

À 22 ans, Pascal Lépine est devenu un entrepreneur à succès maintes fois célébré dans les médias. Mais en fondant Atypic, il ne se doutait pas que la philanthropie deviendrait pour lui un mode de vie.

Sa PME se consacre désormais exclusivement à la stratégie, aux communications et au financement spécialisé d'organismes de bienfaisance, de fondations et autres OBNL. Ses clients s'appellent entre autres Leucan, Question Retraite et l'Institut de recherches cliniques de Montréal (IRCM).

Et contrairement à la plupart des gens qui font des affaires, il est devenu membre de conseils d'administration bien avant d'avoir atteint la quarantaine. «Comme on voyait que j'avais du succès, on est venu me chercher, on voulait avoir l'avis d'un jeune, explique Pascal Lépine. À 27 ans, on m'a confié une campagne de financement de 2 millions.»

Chantre du proverbe «Charité bien ordonnée commence par soi-même», le jeune entrepreneur dit verser quelques milliers de dollars en dons tous les ans. Il s'est d'ailleurs engagé à contribuer à Fondation Montréal pour cinq ans.

Soulignons par ailleurs que M. Lépine, aujourd'hui âgé de 38 ans, est le cofondateur du site Engagé. Ce portail est spécialisé dans les offres d'emploi du «secteur pluriel», une expression du professeur de management Henry Mintzberg pour désigner les OBNL et les organismes de charité.

Le chef d'entreprise est administrateur au sein d'organismes d'affaires, sociaux et culturels, dont la Fondation du centre de santé et de services sociaux Jeanne-Mance. Si tous les patrons pensaient comme lui, le monde ne s'en porterait que mieux. «Tout dirigeant d'entreprise doit agir concrètement pour le mieux-être de sa communauté», dit-il.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Chantre du proverbe «Charité bien ordonnée commence par soi-même », Pascal Lépine dit verser quelques milliers de dollars en dons tous les ans.

Redonner grâce au sport

L'égalité sociale a toujours été une préoccupation pour Fabrice Vil, 30 ans. Il y a cinq ans, il a mis sur pied l'organisme Pour trois points, dont l'objectif est de contrer le décrochage scolaire par le truchement du sport. D'ici 2019, le jeune trentenaire souhaite former 150 entraîneurs qui accompagneront des milliers de jeunes sur le chemin de la réussite.

Pour trois points (une image rappelant le maximum de points obtenus au basketball pour un panier) compte déjà 24 entraîneurs qui font le suivi auprès de 300 jeunes. Ces entraîneurs sportifs, qui travaillent déjà dans des écoles, reçoivent une formation, encadrée par Fabrice Vil et sa bande, afin de mieux intervenir auprès des élèves.

But recherché: responsabiliser les jeunes, les aider à surmonter les épreuves, développer leur leadership, favoriser les relations interpersonnelles, bref, transposer dans la vie de tous les jours les règles de bonne conduite et de dépassement de soi propres aux sports.

Avant de se consacrer corps et âme à aider les autres, donc de diriger à plein temps l'organisme Pour trois points, Fabrice Vil a été avocat. De 2007 à 2013, il a fréquenté les palais de justice, où il a croisé certaines accointances d'hier et autres amis d'enfance venus régler leurs problèmes. «Ça m'a fait réfléchir sur les inégalités des chances, dit-il. C'est entre autres de là que vient ma motivation de vouloir aider les autres.»

Pour réaliser ce rêve de former 150 entraîneurs, Fabrice Vil doit amasser 3 millions de dollars au cours des trois prochaines années. Il dit rivaliser d'ingéniosité pour organiser des campagnes de financement originales qui sauront plaire au plus grand nombre.

Photo Olivier Jean, archives La Presse

Fabrice Vil se consacre à plein temps à l'organisme Pour trois points, qu'il a fondé et dont l'objectif est de contrer le décrochage scolaire par le truchement du sport.