Plus de 40 ans après sa création, le gouvernement entame la réforme du Code des professions. Le point avec la ministre de la Justice, Stéphanie Vallée. La Presse Affairesdresse aussi le portrait du système professionnel québécois encore secoué par les révélations de la commission Charbonneau.

En 1974, le Québec s'est doté d'une loi-cadre qui réglemente la pratique de plusieurs professions, comme les avocats ou les ingénieurs. Plus de 40 ans plus tard, le gouvernement entame la réforme du Code des professions. Entrevue avec Stéphanie Vallée, ministre de la Justice et ministre responsable de l'application des lois professionnelles.

Quels sont les points saillants de ce premier volet de la réforme du Code des professions ?

Il s'agit d'une grande réforme sur le plan de la gouvernance et des fonctions de l'Office des professions du Québec (OPQ). Il y a des changements importants qui sont apportés au Code des professions qui est encore jeune, mais qui mérite d'être revu à la lumière de l'actualité et de l'évolution de la vie et des ordres professionnels.

L'OPQ, l'organisme de contrôle et de surveillance, va se voir accorder un rôle et des pouvoirs plus importants, lui permettant d'être plus proactif dans sa gouvernance. On est aussi dans le thème de l'éthique. C'est un projet de loi qui vient répondre à des recommandations de la commission Charbonneau.

Quelles sont les mesures qui touchent aux ordres professionnels ?

On propose un nouveau modèle de gouvernance pour les ordres. On revoit le rôle du conseil d'administration, qui est un peu le fiduciaire de l'organisation. On veut qu'il puisse jouer pleinement de son rôle et assumer la surveillance générale de l'organisation. Il ne pourra plus y avoir de président-directeur général. Il s'agit de deux rôles distincts, qui ne pourront plus être cumulés.

On va également apporter des modifications au nombre d'administrateurs. On a actuellement 26 ordres professionnels qui ont plus de 16 administrateurs. Dans les bonnes règles de gouvernance, on recommande que le conseil d'administration soit plus petit et plus efficace. On va également mettre en place l'obligation pour les ordres d'offrir des cours en éthique et en déontologie à leurs membres.

Les pouvoirs de l'Office des professions du Québec vont-ils changer ?

On a constaté que l'OPQ n'avait pas suffisamment d'outils de surveillance. Lorsqu'on porte à son attention une situation qui pourrait poser problème ou porter atteinte au rôle de protection du public qu'ont les ordres professionnels, l'Office ne peut faire enquête de lui-même. Il doit préalablement obtenir l'autorisation du ministre. Le projet de loi prévoit que l'OPQ pourra maintenant agir en informant simplement le ministre de son intervention. La composition de son conseil d'administration sera aussi revue pour l'adapter aux meilleures pratiques. Une disposition obligera également les ordres professionnels à collaborer avec l'OPQ.

Expliquez-nous les modifications concernant l'admission aux professions.

En 2009, on a mis en place un commissaire aux plaintes. On a constaté qu'il avait besoin de pouvoirs plus importants afin de coordonner l'admissibilité aux professions non seulement pour les Québécois, mais aussi pour les gens qui arrivent de l'immigration et qui souhaitent joindre le système professionnel.

Son nom changera pour le commissaire à l'admission des professions. Ça lui permettra d'avoir un regard sur l'ensemble des acteurs qui ont un rôle à jouer dans l'admission, comme les établissements d'enseignement, le ministère ou les ordres professionnels. Il pourra formuler des recommandations et établir un lien entre les différents organismes pour répondre aux besoins du citoyen qui cherche à faire reconnaître ses acquis et faire son entrée dans le monde professionnel. Le commissaire accompagnera davantage ceux qui cognent à sa porte.

Comment comptez-vous accorder plus de place aux jeunes ?

Les ordres professionnels auront l'obligation d'avoir un administrateur avec moins de 10 ans de pratique, quelqu'un qui a un regard plus frais sur la pratique et qui a peut-être des idées nouvelles. Ça ajoute à la discussion et à la perspective. En plus, il s'agira pour la plupart des jeunes d'une première expérience de gestion.

On souhaite enrichir les organismes de notre relève. Pour ça, il faut permettre aux jeunes d'avoir une place au sein des conseils d'administration.

Quelles sont les prochaines étapes ?

On va se consacrer aux consultations sur le projet de loi 98 cette année, tout en ayant des chantiers en parallèle. On est à étudier le pouvoir de l'OPQ à encadrer l'exercice en société. La commission Charbonneau a jeté un regard sur les firmes de génie-conseil. Les optométristes et les pharmaciens ont aussi des préoccupations. Une consultation est également en cours avec les ordres professionnels pour voir s'il serait opportun de rendre publics les salaires de leurs dirigeants, pour assurer une meilleure transparence. Certains ordres le font déjà.