L'économie tourne au ralenti, mais le génie s'en sort tout de même bien. C'est particulièrement le cas du génie logiciel, par exemple, où les entreprises de nombreux secteurs tentent différentes stratégies pour susciter l'intérêt des étudiants.

Des géants comme Google et IBM font des présentations dans des campus afin de pourvoir leurs besoins d'ingénieurs logiciels. L'entreprise montréalaise GSoft a ouvert un bureau satellite à Barcelone, où ses employés peuvent travailler deux semaines par année, en rotation, billet d'avion fourni !

« Pour attirer des stagiaires et des finissants en génie logiciel, les entreprises font des pieds et des mains », affirme Pierre Rivet, directeur, service des relations avec l'industrie et de l'enseignement coopératif, à l'École de technologie supérieure (ETS).

Plus grande école de génie au Canada, l'ETS a placé 600 étudiants en stage cette année dans le domaine, mais elle avait reçu 1600 offres d'entreprises.

« Ça ne dérougit pas. On pense beaucoup au domaine du jeu [vidéo], mais il représente un pourcentage minime des postes pour nous. Les besoins sont dans plusieurs secteurs, du transport à l'alimentation en passant par les services financiers. »

- Pierre Rivet, directeur, service des relations avec l'industrie et de l'enseignement coopératif, à l'École de technologie supérieure 

Polytechnique Montréal a connu une hausse de près de 60 % d'inscriptions dans le programme. Le nombre d'étudiants augmente, mais pas aussi rapidement que les besoins.

« Il y a de nombreux emplois dans le domaine ici et à l'étranger, indique Steven Chamberland, directeur des affaires académiques et de la vie étudiante à Polytechnique. Entre autres, le secteur des jeux vidéo demeure en croissance avec près de 12 000 emplois au Québec, et plusieurs de nos finissants s'y dirigent. »

Technocompétences, le comité sectoriel de main-d'oeuvre en technologies de l'information et des communications, remarque d'ailleurs que les professions d'ingénieur logiciel et d'ingénieur informaticien connaissent une croissance de 2,1 % par année, alors que la croissance de l'emploi au Québec est de 0,7 %.

BESOINS EN GÉNIE ÉLECTRIQUE

Autre domaine porteur : le génie de la production automatisée et électrique.

« On reçoit environ deux à quatre postes par finissant, et plusieurs de nos étudiants se font offrir un poste où ils font leur stage, alors ils ne cherchent même pas d'emploi », affirme Pierre Rivet.

Polytechnique a aussi plusieurs offres de stage pour chaque étudiant.

« Il y a un problème au niveau de l'intérêt des étudiants pour ce programme, croit Steven Chamberland. Pourtant, il y a vraiment beaucoup d'emplois, dans pratiquement tous les secteurs. Le génie électrique est partout. »

GÉNIE MÉCANIQUE ET AÉROSPATIAL

Le Québec est un leader en aérospatiale. D'ailleurs, Ingénieurs Canada prévoit qu'on aura davantage d'emplois que d'ingénieurs dans cette discipline au cours des prochaines années en raison des départs à la retraite.

« Par contre, on parle d'un très petit bassin d'ingénieurs : on évalue qu'il y aura une moyenne de 234 possibilités d'emploi par année au pays d'ici 2019, dont 114 au Québec », indique Alana Lavoie, chef de pratique, affaires publiques, pour Ingénieurs Canada.

À Polytechnique, on contingente à 50 par année les nouvelles admissions au baccalauréat en génie aérospatial. Steven Chamberland affirme qu'ils trouvent facilement du travail dans les entreprises du domaine.

« Nous choisissons les meilleurs étudiants dans le programme et nous travaillons en partenariat avec l'industrie d'où proviennent plusieurs de nos chargés de cours », précise-t-il.

Par contre, l'aérospatiale a ses défis actuellement.

À l'ETS, le plus grand preneur de stagiaires en génie mécanique est normalement Bombardier, où des mises à pied ont été réalisées.

« Nous avons 800 étudiants en génie mécanique et, l'an dernier, Bombardier en avait pris 240 en stage, alors que c'est 80 cette année, précise M. Rivet. La C Series a eu un départ plus lent que souhaité et cela affecte aussi les autres grands joueurs, comme Pratt & Whitney, qui fabrique les moteurs, et Heroux-Devtek, qui conçoit les trains d'atterrissage. »

Pour les PME, c'est une occasion d'embaucher de jeunes diplômés.

« Auparavant, les PME québécoises avaient de la difficulté à embaucher nos finissants en génie mécanique, qui allaient en grande proportion chez les géants en aérospatiale, explique M. Rivet. Or, les PME manufacturières ont de grands besoins d'investir en recherche et développement pour se moderniser et diminuer leurs coûts de production. C'est essentiel si elles veulent être compétitives avec les États-Unis, où plusieurs de ces investissements ont été faits. »

LES NUAGES SE DISSIPENT EN GÉNIE CIVIL

Le génie civil attire encore des masses d'étudiants, mais l'augmentation a cessé. À Polytechnique, on voit même une diminution des inscriptions d'environ 20 %.

L'ETS s'est maintenue avec 400 nouveaux étudiants dans le programme cet automne. Toutefois, après les années difficiles liées à la commission Charbonneau, la roue se remet à tourner.

« On avait un total de stagiaires encore plus élevé à placer cette année, soit 1040, et on a réussi, indique M. Rivet. Il y a un rebond chez les firmes de génie-conseil depuis janvier : il y a des projets sur les planches à dessin. Les entrepreneurs embauchent aussi des ingénieurs civils alors qu'avant, c'était moins le cas. »

« Généralement, le placement va très bien et s'il n'y a pas de travail ici, il y a des contrats à l'étranger, affirme M. Chamberland. Le génie est rendu assez international. »